Saoul et à sens inverse sur l’autoroute: 7 ans de pénitencier pour une «insouciance inexcusable»
Falanka-Yves Kiona a causé la mort d’un homme de 47 ans alors qu’il avait près du double de la limite permise d’alcool dans le sang en février 2023


Pierre-Paul Biron
Un homme de 54 ans qui a pris la vie d’un conducteur innocent en provoquant un violent face à face après avoir emprunté l’autoroute Laurentienne en sens inverse pendant qu’il était en état d’ébriété a été condamné à une peine de sept ans de pénitencier.
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C’est complètement impassible et sans même jeter un regard vers ses proches que Falanka-Yves Kiona s’est laissé menotter avant de prendre le chemin de la détention mercredi au Palais de justice de Québec.
L’homme originaire de la République démocratique du Congo avait plaidé coupable en mars 2024 de conduite dangereuse et de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort.

La collision qu’il a provoquée le soir du 19 février 2023, à contresens sur l’autoroute Laurentienne avec près de deux fois la limite permise d’alcool dans le sang, n’avait laissé aucune chance à Dominic Gauthier, 47 ans.

Banalisation et préoccupations
Déplorant que l’accusé n’ait pas été secoué par les conséquences dramatiques de son geste, qu’il a même banalisé en le qualifiant «d’accident», le juge Marc Gosselin a imposé à Kiona une sévère peine de sept ans.
«C’est un choix délibéré qui n’est pas seulement irréfléchi ou téméraire, il dénote un mépris flagrant du respect des normes sociales et des lois applicables, ainsi qu’une insouciance inexcusable envers la vie humaine», a souligné le magistrat.

Kiona a même admis lors de la confection du rapport présentenciel qu’il ne s’agissait pas de la première fois qu’il prenait le volant en état d’ébriété. Le juge a d’ailleurs fait remarquer le peu de cheminement du délinquant depuis son arrestation, laissant craindre un risque de récidive qualifié de «préoccupant».
«En l’absence d’une preuve de réhabilitation convaincante et en présence d’un degré de responsabilité si élevé, le tribunal n’a d’autre choix que de prioriser la protection du public», a expliqué Marc Gosselin, ajoutant du même coup une interdiction de conduire de cinq ans à Falanka-Yves Kiona une fois sa détention complétée.
Message clair
La peine se rapproche également des sentences imposées récemment à d’autres chauffards qui avaient pourtant fait plus de victimes.
Par exemple, Martine Linteau avait écopé de huit ans de pénitencier pour avoir tué deux motocyclistes à Saint-Raymond à l’été 2023. Salvardor Ramirez-Nolasco avait quant à lui été condamné à sept ans et demi pour avoir fait un mort et une blessée grave alors qu’il était saoul et gelé à sens inverse sur l’autoroute, deux jours à peine avant le drame impliquant Kiona.
«Le tribunal estime opportun de signifier sans équivoque que des comportements similaires ne peuvent et ne sauront être tolérés. Le message se doit d’être clair», a insisté le juge Gosselin.
Ces propos ont trouvé écho chez la famille de Dominic Gauthier (voir autre texte) et chez la procureure de la Couronne, qui a qualifié la peine «d’exemplaire». Me Valérie Bélizaire-Joseph avait plaidé pour l’imposition de neuf ans de détention, invitant le tribunal à sortir des fourchettes habituelles pour justement «passer un message».
En défense, Me Amélie Levasseur avait réclamé une peine de quatre ans de détention.
«On espère que les gens se réveilleront»
Les parents de Dominic Gauthier souhaitent que la peine de celui qui leur a pris leur fils passe un message aux conducteurs téméraires.
Comme bien d’autres l’ont fait avant eux, les parents de la victime du chauffard Falanka-Yves Kiona ont dit souhaiter que le message passe cette fois-ci. La peine de sept ans imposée par le tribunal donne cependant espoir à France Lemay et Marcel Gauthier que les conducteurs téméraires réalisent enfin que leur vie à eux aussi risque de basculer s’ils sèment la mort en prenant le volant après avoir consommé.
«C’est tout ce que je demande au bon Dieu, que les gens se réveillent une bonne fois pour toutes et qu’ils arrêtent de prendre leur voiture en état d’ébriété», a imploré mercredi la mère de Dominic Gauthier, tué sur l’autoroute Laurentienne en février 2023.
«J’espère que les prochaines causes, ça va aller en augmentant encore», a ajouté son conjoint, Marcel Gauthier. «Un moment donné, il faut que tu allumes».

«Vent de changement»
Le couple du Saguenay s’est dit satisfait de la peine imposée à celui qui leur a pris leur fils. Craignant initialement «une autre sentence bonbon de trois ou quatre ans», France Lemay a confié à sa sortie de la salle d’audience se sentir enfin libérée.
«Aujourd’hui, c’est la première fois que je sens vraiment un poids sur mes épaules qui est parti», a raconté la femme, toujours marquée au fer rouge par le drame qui a frappé sa famille.
Elle peine d’ailleurs à prendre la route, expliquant «ne plus être capable de regarder» lorsqu’elle prend place à bord d’une voiture.
«J’espère que ça va donner une leçon aux gens, de ne pas conduire. Il y a toujours leur famille, leurs amis qui peuvent les reconduire», rappellent les parents en deuil.
La procureure de la couronne a aussi évoqué ces mécanismes de raccompagnement, les campagnes publicitaires et les changements législatifs, présents pour rappeler les risques de l’alcool au volant. Mais quand ce «filet social» n’est plus suffisant, les tribunaux ont le devoir d’envoyer un message comme l’a fait le magistrat dans l’affaire Kiona estime Me Valérie Bélizaire-Joseph.

«Quand on envoie un message fort comme l’a fait le juge Gosselin [...] on montre aux gens qui ont commis ce crime-là qu’il y a des peines et qu’elles sont importantes», a insisté la procureure, parlant même d’une peine «qui s’inscrit dans un vent de changement».
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