Transport en commun: réduire les tarifs n'est pas la solution
Anne-Sophie Poiré
Québec solidaire somme le gouvernement d’imiter la Nouvelle-Zélande en réduisant de 50% les tarifs de transport en commun partout dans la province. Mais est-ce vraiment le moyen le plus efficace d’encourager ce mode de déplacement? Pas tout à fait, selon un expert.
Avec l’inflation qui s’accélère et la flambée du prix de l’essence entre autres provoquée par l’invasion russe en Ukraine, la première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, a annoncé lundi que les prix des transports en commun au pays seront tranchés de moitié dès avril.
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La mesure sera en vigueur pour trois mois.
À peine 48 heures plus tard, la députée solidaire Catherine Dorion exhortait la CAQ d’emboîter le pas.
L’idée?
«Cela nous permettrait non seulement d’aider la population à faire face à la hausse du prix de l’essence, mais aussi de réduire nos émissions de GES liées au secteur des transports et d’inciter un plus grand nombre de Québécois à faire le choix du transport en commun dans leurs déplacements quotidiens», a-t-elle fait valoir dans une lettre envoyée au ministre des Transports François Bonnardel, dont le 24 heures a obtenu copie.
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Un meilleur service
Réduire de moitié la contribution des usagers représenterait un manque à gagner de près d’un demi-milliard de dollars la première année seulement, indique l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).
Si on veut investir dans les transports en commun, est-ce que diminuer les tarifs est la meilleure idée?
Pour le professeur à HEC Montréal et spécialiste du secteur de l’énergie, Pierre-Olivier Pineau, faire baisser ces tarifs de manière structurelle n’est pas la solution.
«Souvent, le prix n’est pas le principal obstacle au transport en commun», dit-il. «À long terme, ce n’est pas la bonne chose pour encourager les gens à changer leur habitudes.»
D’abord, le transport collectif est déjà le mode de déplacement le plus abordable sur le marché. Il coûte près de 13 fois moins cher que l’automobile, selon Équiterre.
Malgré ce puissant argument économique, le choix de la voiture solo demeure.
Sur l’île de Montréal, 78% de la voirie lui est consacrée. Et le pourcentage de déplacements en voiture y est parmi les moins élevés au Québec, expliquait à Un point Cinq la professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes, Catherine Morency.
«Les gens ne conçoivent plus la vie sans plusieurs véhicules par ménage. On a tout construit autour du véhicule privé», rappelle le professeur Pineau.
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Dans ce contexte, quatre facteurs seraient plutôt à revoir pour stimuler le transport en commun: la fréquence, la rapidité, la ponctualité et le confort.
«Si on faisait un service de transport en commun de luxe avec un meilleur service, une place assise garantie, un espace pour travailler, ça pourrait convaincre les plus récalcitrants et les utilisateurs de gros véhicules», illustre l’expert.