Quatre clémentines éparpillées: la plume sensible d’Élyse-Andrée Héroux
Marie-France Bornais
Élyse-Andrée Héroux propose cet été un nouveau roman où, par le truchement de quatre femmes, elle s’interroge sur le vieillissement, la responsabilité, la solidarité et l’entraide : Quatre clémentines éparpillées. Dans cette fable vivante racontée avec humour et une grande énergie, elle se demande si vieillir, même si c’est pas vraiment l’fun, c’est si grave que ça. Nathalie, Doris, Fabienne et Jocelyne fourniront la réponse.
Nathalie, Doris et Fabienne ne se sont jamais parlé. Deux sont voisines, mais ne se connaissent pas, et la troisième vit à l’étranger. Mais elles ont une chose en commun : Jocelyne, une femme âgée qui s’est étalée dans le stationnement de son immeuble après avoir eu un malaise.
Nathalie s’est portée à son secours et s’est retrouvée prise avec le chien de Jocelyne, qui hurle en son absence. Elle est prise aussi pour entretenir l’appartement de Jocelyne pendant les six jours de son hospitalisation.
Six jours qui vont changer le quotidien et la vie des trois autres femmes.
Elles sont dérangées dans leur train-train habituel et sont amenées à réfléchir et peut-être à changer. Élyse-Andrée Héroux révèle une voix puissante, déliée, décomplexée, originale et sensible dans ce roman émouvant, à lire absolument.
Une libération
« Je suis convaincue qu’il y a une grande coupure entre ce roman et ce que j’ai écrit avant. J’ai vécu beaucoup de changements dans ma vie personnelle, dans les dernières années, et il y a quelque chose qui s’est complètement libéré à l’intérieur. Je suis beaucoup mieux dans ma peau, c’est beaucoup plus confortable d’être moi-même », confie Élyse-Andrée.
« J’ai beaucoup plus le goût de raconter mes affaires et je me suis libérée d’un paquet de trucs très sombres. Je veux que le roman sonne comme moi, pas par narcissisme, mais parce que je ne suis jamais aussi efficace pour raconter des affaires que quand je le fais de vive voix avec quelqu’un. »
Des thèmes forts
Avec son immense talent de conteuse, Élyse-Andrée Héroux a donc envoyé valser les contraintes pour décrire le quotidien peu ordinaire de ses personnages.
Elle aborde des thèmes forts : l’esprit de communauté, l’âge, les transitions de vie, les épreuves, la vieillesse, et vieillir au féminin.
« Je voulais raconter quatre histoires chorales, tricotées, et au début, je voulais raconter quatre façons de vivre la solitude et de la percevoir chez les autres. »
« Je me suis fait prendre parce que dès que j’ai commencé à approfondir, je me suis rendu compte que ce n’était pas de ça que je parlais, pantoute. Le thème central s’est vraiment dirigé vers l’avancée en âge, le vieillissement, et c’est ce que je me suis mise à explorer beaucoup plus. »
« J’ai regardé des documentaires, j’ai lu, je suis allée parler avec des gens. Moi, j’étais terrorisée de vieillir et j’étais convaincue que j’étais déjà vieille. Et que la vieillesse était une fatalité, clairement, mais que passé 40 ans, tu es un peu stâlée, nécrosée. C’est fini, tu peux plus rêver, tu peux plus avoir de projets. J’ai vécu ça beaucoup quand je suis passée dans la quarantaine. »
Fausses croyances
« Toute ma quarantaine, ça a été cette recherche de m’enseigner à moi-même que j’ai la vie devant moi. Autour de moi, il y a plein de femmes qui ont des rêves, des projets, et qui commencent la cinquantaine, la soixantaine. »
« On n’est pas fini, tant qu’on reste curieux, ouvert. On n’est pas sur le cruise control jusqu’à la fin. Ce sont des croyances, et moi, il fallait que je m’en libère, parce que dans ma famille et dans ce que je vis, c’était très présent. »
♦ Élyse-Andrée Héroux est originaire de Québec, mais vit dans l’est de Montréal.
♦ Elle prend soin d’ouvrages depuis 20 ans : ceux des autres, qu’elle édite et révise, ceux qu’elle a coécrits et ses histoires bien à elles.
♦ Elle a publié des biographies et revient maintenant à la fiction.
♦ Ses créations culinaires sont très alléchantes : elle les présente sur les réseaux sociaux.
EXTRAIT
« On entre. Elle allume la lumière, et je la suis dans les marches pendant qu’elle monte super lentement en se tenant à la rampe. Toutes les deux en silence. Je dis rien et j’espère que ça va rester comme ça. Qu’on va en rester là dans le silence. J’espère qu’elle va rester gênée. Elle a beau être (probablement) ben fine, madame Giffard, je ne veux pas devenir son amie. Ça fait cinq ans que j’habite à côté, et à part les bonjours polis murmurés quand on sort nos vidanges en même temps, je lui ai pratiquement jamais parlé. »