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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Montréal au temps des maisons closes

Photo Agence QMI, Mario Beauregard
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-06-24T04:00:00Z
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Écrivaine de talent, raconteuse hors pair, chercheuse minutieuse, Catherine Côté propose un roman noir drôle, sensible, imaginatif et bien ancré dans le Montréal de la fin des années 1940 : Femmes de désordre. À travers les personnages de Marcus O’Malley, un sergent-détective qui en arrache, et Suzanne, une journaliste qui dérange, on retrouve le Red Light de l’époque, les enquêtes policières dans un milieu crasseux et le portrait d’une Belle Province en profonde mutation.

À Montréal en 1948, les affaires roulent dans le Red Light. Les maisons closes, qu’on appelle « maisons de désordre », sont légion. Les tenancières se chargent de faire oublier aux vétérans ce dont ils ont été témoins en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Du moins pendant quelques instants. Ces femmes n’ont pas l’air d’avoir de grandes difficultés à convaincre les agents de la Moralité de fermer les yeux. 

Mais la situation n’est pas toujours très glamour pour les femmes qu’elles emploient. Suzanne Gauthier, journaliste au Montréal-Matin, dénonce leurs conditions de vie déplorables.

Elle a des privilèges liés à ses bons contacts. Mais sa curiosité et ses articles commencent à déranger. 

Elle se sent épiée et tente de convaincre son ami, Marcus O’Malley, de prendre ses inquiétudes au sérieux.

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Catherine Côté n’a pas compté ses heures pour se documenter sur le Red Light de l’époque, sur les enquêtes policières et sur le contexte socio-politique. 

Photo fournie par VLB Éditeur
Photo fournie par VLB Éditeur

Une expérience intéressante 

« Faire de la recherche sur l’histoire de Montréal est quelque chose qui me plaît particulièrement. Pour moi, c’est pas vraiment un fardeau ! » s’exclame-t-elle en entrevue.

Dans son projet de romans historiques se déroulant à Montréal, Catherine Côté voulait parler de tout le contexte de l’après-guerre. 

« Toute la scène politique à Montréal, ça m’intéresse énormément. » Pour Femmes de désordre, elle souhaitait rendre hommage aux bons vieux polars noirs. 

« On a tous une image mentale de ce que ça représente : les bars enfumés, les femmes séduisantes, les détectives qui sont des hommes ténébreux, tous dans la boisson à n’en plus finir. »

Polars noirs

« Je voulais jouer avec ces idées-là et les crimes qui étaient associés à cet imaginaire. J’avais quelque chose qui se passait dans un collège classique avec mon roman précédent, Brébeuf. Et pour Femmes de désordre, je voulais explorer tout l’imaginaire du Red Light à Montréal. Je planifie d’en faire un autre sur les histoires de kidnappings. » 

Elle voulait donc mettre en scène des crimes plus classiques et s’est lancée dans les recherches sur la prostitution à l’époque. 

« Plus j’ai fait des lectures sur la réalité des femmes qui exerçaient ce métier, plus je me suis dit qu’il y avait là quelque chose d’intéressant. Il y a vraiment un commentaire sur la manière dont ces femmes-là étaient considérées dans la société. L’intrigue s’est enrichie à partir de là. » Dans les années 1940, il y avait des centaines de bordels à Montréal, dit-elle. 

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« Il y en avait pour toutes les clientèles. C’était différent de ma conception du monde de la prostitution aujourd’hui. Les maisons les plus riches, les plus réputées, étaient dans l’est de la ville. Celles qui étaient dans l’ouest, dans le faubourg aux Récollets, c’était le coin le plus pauvre, à l’ouest de Saint-Laurent, près du Vieux-Port. »

« Dans le temps, il y avait des maisons organisées et c’était très réglementé, à l’interne. Les femmes qui avaient des problèmes de consommation ne pouvaient pas être prostituées. C’était surveillé. Il fallait que les filles soient clean. C’était des filles en santé, en état de travailler, qui étaient acceptées pour gagner leur vie dans les maisons closes. Les tenancières voulaient des filles qui choisissaient ce métier et qui savaient ce qu’elles valaient. Il y avait de la compétition. »

  • Catherine Côté a publié des nouvelles, deux recueils de poésie, trois romans d’horreur pour la jeunesse.
  • Son premier roman noir, Brébeuf, a été publié aux Éditions Triptyque en 2020.

EXTRAIT

« Marcus O’Malley allume son cigare en garant sa voiture devant le Mrs Louise, un immeuble défraîchi situé au cœur du Red Light. La portière côté passager s’ouvre aussitôt et Suzanne Gauthier s’élance dans la rue enneigée en direction de l’entrée de la maison de désordre, ses bottines glissant sur la chaussée. Si ce n’était du froid, il ne serait pas désagréable de s’y promener en cette belle nuit de mars. En voyant Suzanne patiner vers la porte à toute vitesse, le sergent-détective songe à lui demander de ralentir, mais se ravise et lui emboîte le pas en ronchonnant. »

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