Qui est le vrai Pierre Poilievre?


Josée Legault
En 2025, les principaux chefs de parti au fédéral sont des hommes. Chez les libéraux, les conservateurs et les bloquistes, ils forment à divers niveaux la majorité des candidats. Le NPD, par contre, frôle le 50% de candidates.
On pourrait ergoter longtemps, comme à l’habitude, sur le recrutement politique qui, chez les femmes, serait plus ardu. Parmi les causes qu’on cite toujours, il y aurait la difficulté de concilier le travail d’élue avec une vie familiale.
Or, étrangement, cet argument vaut beaucoup plus rarement pour les hommes.
Une autre raison est cette manie tenace de voir la politique comme une arène de boxe.
Il faudrait ainsi frapper fort – métaphoriquement parlant. Parler fort. Brasser fort. Le tout finissant par le knock-out d’un adversaire. C’est aussi la manière dont on résume souvent les débats des chefs.
La force se mesurerait ainsi, à savoir quel chef dominera les autres dans l’arène parlementaire ou en campagne électorale.
S’il est encore plus difficile de recruter des femmes en politique, ce côté pugilistique de la politique en fait partie, parmi d’autres facteurs.
D’où le malaise à Tout le monde en parle devant la réponse du chef conservateur lorsque Guy A. Lepage lui a demandé ceci:
«Les Canadiens ont connu deux Pierre Poilievre au cours des dernières années. D’abord, le chef de l’opposition au ton abrasif, hargneux, belliqueux, baveux. Et plus récemment, il y a le leader souriant, au ton plus posé, modéré dans ses attaques. Lequel des deux est le vrai Pierre Poilievre?»
De l’agressivité. Point.
Sa réponse: «J’ai parlé à Lucien Bouchard à cet égard. Il a dit: “Pierre, tu viens des origines modestes. T’avais besoin de te battre pour tout ce que vous avez. Donc, t’es un batailleur.”» Et d’ajouter: «Des fois, ça peut montrer une apparence d’agressivité.»
Je ne sais pas si ce sont les mots exacts de M. Bouchard, mais ce sont ceux que cite M. Poilievre. Par où commencer?
Primo, le mot «batailleur» fait plutôt penser à la «recette» typiquement trumpienne que M. Poilievre a servie abondamment à Justin Trudeau, soit de l’invectiver, de l’attaquer, de l’affubler de quolibets dégradants et de le caricaturer comme l’incarnation même de l’apocalypse au Canada.
Il n’y avait pas ici d’«apparence» d’agressivité. Il y avait de l’agressivité. Point. Une agressivité réelle, ouverte et décomplexée. De fait, c’était du jamais-vu à la Chambre des communes.
Un prétexte facile
Deuxio, le prétexte des «origines modestes» a le dos large. Pour avoir grandi comme tant d’autres dans un milieu plus que modeste, jamais je ne songerais à «justifier» des comportements agressifs pour cette raison.
Au contraire, même. Plus souvent qu’autrement, d’avoir connu la pauvreté rend plus à l’écoute des autres et de leurs besoins concrets en matière de politiques publiques.
Si le chef conservateur peine à élargir sa base électorale au-delà de son propre noyau dur, sa recherche constante pendant deux ans de l’insulte assassine contre ses adversaires y est sûrement pour quelque chose.
M. Poilievre sent toutefois le besoin de se forcer à sourire durant cette campagne où les libéraux, contre toute attente, devancent son parti.
N’est-ce pas aussi pour tenter de faire oublier sa manière habituelle de faire de la politique, comme s’il s’agissait d’un combat de boxe où les insultes répétitives remplacent les gants?