Programme de requalification: des diplômés incapables de trouver de l’emploi
Le programme québécois PRATIC, doté d’une enveloppe de 250 M$, connaît des ratés
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Hélène Schaff
Plusieurs participants à un programme de requalification professionnelle pour lequel le gouvernement a dépensé près de 250 millions $ n’ont toujours pas trouvé d’emploi plusieurs mois après la fin de leur formation.
« On s’était fait promettre tellement de bonnes nouvelles... mais j’ai fait un sondage dans ma classe : seulement trois personnes ont trouvé un emploi » se désole Stéphanie Richard, diplômée en design graphique depuis juillet 2022.
Après plusieurs années à travailler comme éducatrice en garderie, la jeune femme a souhaité se réorienter en 2021. Elle découvre le programme PRATIC, censé la former en un an pour un domaine en forte demande de main-d’œuvre : les technologies de l’information et des communications.
Mme Richard reçoit une allocation hebdomadaire de 650 $ et une prime de fin d’études de 1950 $. Elle travaille fort et reçoit son diplôme en juillet 2022.
Trop de candidats
« À tous les jours, j’ai essayé de trouver un emploi, mais il y a tellement de gens qui appliquent que les entreprises choisissent des seniors », déplore la jeune diplômée.
Selon elle et plusieurs de ses collègues de classe avec qui Le Journal a échangé, les débouchés dans le secteur ne seraient pas au rendez-vous.
« Il y a trop de candidats, il n’y a juste pas de postes ouverts, commente Gabrielle, diplômée de la même cohorte. Ils parlent de pénurie de main-d’œuvre, mais je ne sais pas elle est où ! »
Même déception pour Dominic Gagné. Lui aussi affirme qu’il y a énormément de candidatures dans le domaine : 204 candidats en deux jours pour le dernier poste qu’il a consulté.
Par ailleurs, les employeurs demanderaient des qualifications spécialisées que le diplôme ne leur aurait pas apportées.
Toujours pas de reddition de comptes
Près de 8000 Québécois ont déjà participé au Programme pour la requalification et l’accompagnement en technologie de l’information et des communications (PRATIC).
À la fin janvier, le gouvernement avait engagé près de 250 millions $ de fonds publics dans l’initiative lancée en 2021.
Questionné sur l’insertion professionnelle des diplômés, le ministère de l’Emploi a été incapable de fournir des données au Journal.
Après avoir insisté auprès de l’attachée de presse de la ministre Kateri Champagne Jourdain, le service des communications du ministère a fini par s’engager à ce qu’une reddition de comptes soit faite « dès que les données [seront] compilées, au cours de l’année 2023-2024 », sans toutefois donner d’indicateurs intermédiaires.
Mesures d’efficacité indispensables
« Comme dans toute dépense de fonds publics, le gouvernement doit être transparent », rappelle Michel Séguin, professeur d’éthique à l’UQAM.
Pour Sylvie St-Onge, professeur à HEC Montréal, « on n’a pas le choix que de s’appuyer sur des indicateurs pour s’assurer de l’efficacité d’une mesure. »
Quelques indicateurs clés pourraient déjà être en œuvre pour améliorer les programmes en cours, affirme l’experte. Elle cite notamment un suivi de satisfaction auprès des finissants et un rappel régulier pour savoir s’ils ont un emploi.
Rappelons qu’en septembre dernier, Le Journal révélait que le ministère ne pouvait confirmer l’efficacité de son autre programme de requalification : le Programme d’aide à la relance par l’augmentation de la formation (PARAF).
Le Collège Lasalle où Mme Richard et ses collègues ont étudié persiste : les besoins dans le domaine du design graphique seraient énormes, c’est pourquoi Services Québec finance le programme.
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