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L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

Comment le premier amour influence-t-il nos rapports amoureux futurs?

Getty Images/AFP
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Catherine Gendreau

2021-07-28T12:00:00Z
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Il survient généralement au cours de l’adolescence et continue souvent de nous habiter, consciemment ou non. Comment le premier amour réciproque influence-t-il nos rapports amoureux et sexuels subséquents, et pourquoi y accorde-t-on une si grande place dans nos sociétés? 

Parce que c’était lui, parce que c’était moi? 

«Cher journal, hier, j’ai fait la connaissance d’un gars incroyable. Il s’appelle Guillaume, il vient d’avoir 18 ans, et il s’en va à McGill, en maths-physique, à l’automne. On a parlé pendant des heures et je ne voulais pas que ça finisse!» Ainsi commence l’entrée du 7 mai 1997 de mon journal intime. J’avais presque 15 ans, et je venais de rencontrer mon premier amour. Notre relation sentimentale aura duré trois ans et demi et aura connu de nombreuses ruptures et réconciliations, mais notre amitié est toujours bien vivante, elle, 24 ans plus tard, et je me considère comme très chanceuse que ce soit le cas.

Au-delà des bons souvenirs et des anecdotes qui meublent notre passé commun – et que nous nous plaisons à évoquer lorsque nous nous voyons –, je reconnais aussi l’importance de cette relation dans mon «curriculum vitae relationnel». Il y a certainement un «avant» et un «après» Guillaume, et je suis loin d’être la seule à considérer ce premier amour comme la pierre angulaire, le fondement d’une partie de mon identité de femme. Psychologiquement, pourquoi le premier amour résonne-t-il si fort pour plusieurs? Pourquoi en parle-t-on encore, avec nostalgie ou amertume, bien des années après sa fin? «L’importance qu’ont ces amours-là est liée à la première vraie coupure avec la famille. C’est en quelque sorte un rite de passage. Cet amour nous permet de nous individualiser, d’exister et d’être reconnue par un regard extérieur à la cellule familiale», m’explique la sexologue Sylvie Lavallée. Même son de cloche chez Julie Sabourin, également sexologue et thérapeute: «Pour la première fois, quelqu’un nous voit et nous trouve assez aimable et désirable pour vouloir être avec nous!»

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Être choisie, être VUE nous ancre d’une façon bien particulière dans la réalité, à cette étape de notre vie. Il ne faut pas perdre de vue que l’adolescence est une période de transformation et d’exploration de notre identité. «Beaucoup d’enjeux se bousculent au même moment. Le premier amour peut alors autant incarner une sorte d’idéal qu’on voudrait répéter – parfois à notre insu – qu’une déception, une blessure qui n’a pas fini de guérir», rappelle la sexologue Louise Sigouin, qu’on peut voir accompagner les participants de l’émission Si on s’aimait, diffusée à TVA, dans leur cheminement vers l’autonomie affective. 

Parce que oui, hélas, cette première relation prend fin la plupart du temps, n’en déplaise aux contes de fées et autres produits culturels nous vantant les possibilités d’un premier amour éternel, et ses conséquences sont plus dramatiques pour certains que pour d’autres...

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Ces histoires d’amour finissent mal... en général 

Les trois sexologues interviewées reconnaissent que le premier amour est un sujet régulièrement abordé par leurs patients en thérapie. Si plusieurs d’entre eux en gardent un souvenir plutôt positif ou l’évoquent comme une relation significative parmi d’autres, la charge émotive liée à cette relation est plus lourde et plus souffrante pour d’autres: «Souvent, quand des patients en parlent longuement, c’est qu’une blessure n’est pas guérie, une blessure qui influence négativement leurs autres relations ou les empêche carrément de s’engager, d’aimer à nouveau et de s’abandonner», précise Louise Sigouin. Les personnes auront alors tendance à contourner leur blessure et à développer des patterns, soit des schémas répétitifs qui les enferment et peuvent même mener à la maladie, psychique ou physique.

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Mon amie Marie-Christine hoche la tête: «Même si je savais rationnellement que Jonathan avait été un chum dénigrant, parfois même violent, je me suis retrouvée systématiquement par la suite dans des situations semblables, dans des relations toxiques où je me faisais dire que j’étais trop grosse, pas assez sexy, etc. J’avais fini par croire que j’étais véritablement laide et inadéquate, j’imagine...»

«Avec notre premier amour, c’est aussi souvent la première fois qu’on se dévoile physiquement, qu’on expérimente la sexualité. Le regard de l’autre peut teinter notre perception de soi, et ce, très longtemps», note Julie Sabourin. Il faut parfois beaucoup de temps pour se défaire de l’emprise de ce regard lorsqu’il a été destructeur pour notre estime: «Ce n’est pas une blague! Avant ma longue thérapie, j’entendais encore dans ma tête la voix de Jonathan qui me faisait la morale quand j’achetais des biscuits à l’épicerie ou que je magasinais des sous-vêtements confortables...», soupire Marie-Christine.

Les fantômes du passé et l’anticipation romantique 

Si la popularité des réseaux sociaux a permis à plusieurs d’entre nous d’étancher leur soif de curiosité en tapant le nom de leur premier amour dans la barre de recherche Facebook, cette démarche n’est pas nécessairement aussi anodine pour certains. «Retrouver un amour d’antan pour discuter de nos vies respectives, ce n’est pas problématique en soi. Par contre, si ça vient avec l’espoir de le revoir, de faire renaître la relation déchue, là, c’est autre chose. Ça peut être très déstabilisant, selon la charge émotive associée aux réminiscences du fantasme du passé. Et ça peut mener à l’infidélité et à d’autres blessures...» met en garde Sylvie Lavallée. Louise Sigouin renchérit: «Il faut se demander pourquoi on a besoin de valider cet amour-là des années plus tard. Si l’on est en couple, il y a probablement des malaises dans notre relation actuelle.» Il serait alors plus sain de sonder les raisons de ces malaises que de fuir dans l’espoir de retrouvailles chimériques, même si les films et les romans d’amour nous abreuvent régulièrement d’histoires d’amour ressuscitées.

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«Ce qu’on voit dans les médias et les produits culturels, c’est romancé, symbolique. Le symbole est important, et l’anticipation peut aussi être positive», ajoute Julie Sabourin. Louise Sigouin abonde dans ce sens: «On vit dans une société où les relations sont accessibles, mais où l’on peut se retrouver à un âge assez avancé en n’ayant connu qu’une série de fréquentations de moins en moins significatives. Je suis rassurée quand j’entends des jeunes me parler de leur désir de vivre un amour romantique, qu’ils semblent tenir à cette expérience à la fois porteuse d’espoir et, possiblement, de blessures: il me semble encore important que les deux coexistent et qu’on en soit conscient.»

Premier amour idéalisé ou premier amour décevant, voire douloureux, force est de constater qu’il est, pour la plupart d’entre nous, un point marquant, un moment charnière dans notre développement humain. «Le premier amour, c’est comme vieillir: c’est une belle occasion d’apprendre, de découvrir et de développer des habiletés et des compétences relationnelles», conclut Louise Sigouin. Et si l’expérience nous laisse encore un goût amer ou semble contaminer notre capacité à nous engager dans des relations saines, il n’est pas trop tard pour consulter et se redonner la chance d’aimer...

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