Pénuries appréhendées à cause des camionneurs non vaccinés
Il sera impossible pour eux de traverser la frontière à compter du 15 janvier
Francis Halin
Des transformateurs alimentaires craignent que la vaccination obligatoire des camionneurs à la frontière samedi fasse dérailler la chaîne logistique et les force à gonfler leurs prix si rien n’est fait.
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«D’exiger la vaccination pour les camionneurs qui traversent la frontière, ça va être le chaos», prévient au bout du fil Daniel Vielfaure, directeur général québécois de Bonduelle, qui a une douzaine d’usines en Amérique du Nord.
«Ça risque de ne pas nous permettre d’expédier vers les États-Unis ou de ne pas recevoir des boîtes de conserve vides, qui viennent de là-bas», dit-il.
Samedi prochain, les camionneurs qui franchiront la frontière canadienne devront être adéquatement vaccinés. Or, entre 12 % et 15 % d’entre eux au pays ne le sont toujours pas, selon l’Alliance canadienne du camionnage (ACC).
«Il y a un vent de panique. Les voyages coûtent déjà 20 %, 25 % plus cher», alerte son président Jean-Claude Fortin.
Pour se préparer, certains transporteurs ont déjà modifié leurs itinéraires pour donner les trajets domestiques aux camionneurs non vaccinés.
Explosion des prix
Pour Daniel Bérard, président de Systèmes Danfreight, spécialisé en agroalimentaire, «il faut s’attendre à une explosion des prix des aliments».
«Les produits de canne et les boîtes de céréales vont vivre une inflation, mais les fruits et légumes, ça va être encore plus intense parce qu’ils ont une durée de vie limite», souligne-t-il.
À Sherrington, Luc Pévost, vice-président exécutif, ventes et marketing chez Vegpro, s’inquiète aussi. «Moins de camionneurs éligibles pour traverser la frontière se traduit par moins de disponibilité de camions et vraisemblablement une inflation des prix de transport», explique le géant de la laitue québécoise.
«Il y en a déjà qui voient des tablettes éclaircies. Est-ce que ça veut dire que cela peut empirer?» se demande à voix haute Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transformation alimentaire du Québec.
«C’est déjà extrêmement fragile. Tout ce qui ajoute une couche aura des conséquences», observe aussi André Michaud, PDG d’Agro Québec.
Ottawa de glace
Chez les Teamsters, qui représentent 5500 camionneurs au Québec, on estime que les effets ne seront pas aussi désastreux que le disent les patrons.
«Est-ce qu’il y aura des produits moins disponibles? C’est possible, mais on ne craint pas que cela ait des effets catastrophiques sur les tablettes», soutient son porte-parole Stéphane Lacroix.
À Ottawa, on se dit « conscient » que l’industrie est déjà en difficulté en raison de la pénurie de main-d’œuvre, mais on n’a pas l’intention de reculer ou de repousser la date butoir pour la vaccination des camionneurs.
– Avec la collaboration de Raphaël Pirro et Guillaume St-Pierre