Sherbrooke : se loger en tant qu’étudiant est de plus en plus difficile
Alex Proteau
Les prix des logements affichés sur Kijiji ont augmenté de 12% à Sherbrooke depuis l’an dernier. Plusieurs étudiants qui ont choisi de faire leur cégep ou leur université dans cette ville ont de la difficulté à s’y trouver un appartement, signe que la crise du logement sévit un peu partout au Québec.
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«On m’avait dit qu’il était facile de se trouver un appartement à Sherbrooke car ce n’est que des étudiants. [...] Mais finalement, c’est vraiment pas ça», rapporte Samira Allali, qui entrera à l’Université de Sherbrooke cet automne.
Elle a finalement réussi à se trouver un logement abordable après quatre semaines de recherche. «Les propriétaires qui me contactaient m’offraient des prix qui n’avaient pas de sens», dit-elle, nommant en exemple un studio à 800$ ou une chambre à 600$ par mois.
Zacharie Pilote, 20 ans, a aussi vécu beaucoup de stress au cours des dernières semaines en se cherchant un logement près de l’université.
«Je regardais partout, toutes les pages, sites internet... tout était plein», dit-il. Il a finalement été chanceux et a trouvé un deux et demi à 550$ par mois. Comme le prix est sous la moyenne pour Sherbrooke, il a sauté sur l’appartement, sans même le visiter ni demander des informations additionnelles. «Je le prends! Je n’ai pas le choix!» dit-il.
De pire en pire
Samira et Zacharie ne vivent pas une situation isolée : les prix des logements augmentent rapidement à Sherbrooke, ce qui peut être difficile à encaisser pour les nombreux étudiants qui fréquentent les deux universités et trois établissements collégiaux de la ville.
Une enquête réalisée par le Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ) montre que le prix des logements affichés sur Kijiji a augmenté de 12% depuis l’an dernier à Sherbrooke, et que la moyenne se situe à 831$ par mois pour un appartement. Pour un studio, le prix moyen affiché sur Kijiji est de 523$ alors que pour un 3 et demi, il faut débourser 669$.
Voici le prix moyen des logements à louer dans la région métropolitaine de Sherbrooke en 2021 et l'écart avec 2020
- Pour un studio, le prix moyen est de 523$ (+4%)
- Pour un 3 et demi, le prix moyen est de 669$ (+10%)
- Pour un 4 et demi, le prix moyen est de 839$ (+16%)
- Pour un 5 et demi, le prix moyen est de 1134$ (+16%)
- Le loyer moyen est de 831$ (+12%)
Source: (RCLALQ, 2021)
Ces chiffres sont globalement 24% plus élevés que les prix donnés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), qui sont calculés à partir des logements déjà loués et non pas de ceux qui sont disponibles.
Résidences presque pleines
Pour la session d’été, le campus principal de l’Université de Sherbrooke note une augmentation de location de ses résidences de 7% par rapport aux années précédentes. Pour cet automne, 640 des 680 chambres sont déjà réservées. Dans la coopérative d’habitation L’Estudiantine, toutes les 36 chambres sont réservées.
La difficulté d'accès au logement pourrait «s’exacerber dans les prochains mois et prochaines années», craint le directeur politique et externe du Regroupement étudiant de maîtrise, diplôme et doctorat de l'Université de Sherbrooke (REMDUS), Alexandre Guimond.
Selon lui, il serait temps que Sherbrooke se dote d’un meilleur plan d’urbanisme pour son quartier universitaire afin d’éviter un tel scénario où plusieurs cherchent désespérément à se loger. «C’est voir dans l’avenir afin de prévenir ce problème», dit-il.
Alexandre Guimond souligne aussi que contrairement à ailleurs au Québec, plusieurs étudiants ont fait une partie de leurs cours à l’UdeS en présentiel l’an dernier et qu’une plus grande partie a conservé son logement au cours de la saison estivale, ce qui complexifie l’accès au logement pour les autres.
Les candidats à la mairie reconnaissent le problème
Le maire de Sherbrooke Steve Lussier reconnaît qu’il y a un problème d’accès au logement à Sherbrooke : il a demandé à la fin du mois de mai aux propriétaires d’immeubles d’indiquer s’ils leur restait des unités vacantes pour réussir à y loger des gens.
Du travail est en branle : l’Office municipal d’habitation de Sherbrooke a le mandat de créer 100 unités de logement social par an. Entre 2015 et 2019, 475 unités ont été construites et 39 sont en planification, ce qui dépasse la cible.
La Ville a récemment acquis l’église Sainte-Famille, qui permettra la création d’une trentaine de logements sociaux, mais l’échéancier de cette transformation n’est pas encore connu.
Malgré la construction de plusieurs logements abordables au cours de son mandat, «il y a toujours un manque» à palier, avoue le maire Lussier.
«Comme le taux d’inoccupation est très bas (1,3%), on voit que c’est très préoccupant. Ç’a baissé de 1% en un an», a-t-il ajouté.
Selon la Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ), la hausse marquée du prix des logements à Sherbrooke «peut être reliée au faible taux d'inoccupation».
Offre inadaptée
De son côté, la candidate à la mairie et conseillère municipale du district du Carrefour, Évelyne Beaudin, croit que l’offre actuelle est inadaptée aux besoins des étudiants. «Ce qui manque à Sherbrooke (et ailleurs) ce sont des 3 et demi, et qui sont abordables. Des logements pour personnes seules et abordables. Ça vient répondre autant aux besoins des ainés que des étudiants», pense-t-elle.
Comme cheffe du parti Sherbrooke Citoyen, Mme Beaudin demande à l’administration Lussier de revoir à la hausse le nombre de logements abordables dans la municipalité. À l’heure actuelle, la Ville s’est engagée à en construire 100 par année.
L’autre candidat à la mairie, Vincent Boutin, croit qu’il est vital de mieux comprendre les besoins des différentes clientèles qui composent Sherbrooke tout en incitant les promoteurs immobiliers à «développer des logements qui sont axés davantage sur les besoins».
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