Arrivée du convoi de camionneurs: Ottawa se prépare pour le siège
Un convoi de camionneurs antivax veut paralyser la capitale du pays pour faire entendre ses revendications
Anne Caroline Desplanques
La capitale fédérale se prépare à vivre des heures difficiles avec l’arrivée d’un convoi qui utilise l’obligation vaccinale imposée aux camionneurs pour scander son ras-le-bol des restrictions sanitaires et du gouvernement Trudeau.
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Les Forces de sécurité du parlement d’Ottawa se préparent à recevoir jusqu’à 10 000 manifestants entre aujourd’hui et lundi.
Tandis que le cabinet du ministre de la Sécurité publique estime que quelque 2700 camions pourraient s’agglutiner dans la ville.
Les protestataires sont partis des quatre coins du pays et ont recueilli en chemin plus de 6 millions $ en dons de la part de plus de 80 000 partisans, via la plateforme de sociofinancement GoFundMe.
L’opération a même reçu l’appui du milliardaire Elon Musk, constructeur des camions Tesla, ainsi que de Donald Trump Jr., le fils de l’ancien président des États-Unis, qui voit dans cette manifestation une « idée géniale », un geste « héroïque » contre la « tyrannie médicale ».
Comme au Capitole de Washington
La rhétorique complotiste des partisans de l’ex-président américain n’est d’ailleurs pas loin de celle du « Convoi de la liberté ».
Au point que certains appellent à reproduire à Ottawa la prise du Capitole de Washington du 6 janvier 2021 et à chasser Justin Trudeau du pouvoir.
Le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’inquiète de la présence dans le convoi d’individus appartenant à des groupes d’extrême droite, tout comme dans la capitale américaine l’an dernier.
Un des organisateurs du convoi, Patrick King, est bien connu du Réseau canadien anti-haine pour ses appels à la violence contre des groupes antiracistes. Un autre, l’Ontarien Jason LaFace, serait membre des Soldats d’Odin, selon le groupe anti-haine de Sudbury.
- Écoutez l’entrevue de Mario Berniqué, capitaine retraité de la Sûreté du Québec spécialiste des mouvements de foules
Pas seulement des conducteurs
Les deux hommes ne sont toutefois pas camionneurs. King est un des cofondateurs du mouvement séparatiste Wexit, tandis que LaFace s’est présenté sous la bannière du Parti populaire du Canada à Sarnia en 2019.
Tamara Lich, la créatrice de la campagne de sociofinancement, n’a pas non plus à traverser la frontière au volant d’un 18 roues pour gagner sa vie. C’est la secrétaire du Maverick Party, le parti séparatiste albertain, né du Wexit.
Tout en assurant que le convoi est pacifiste, elle appelle au siège de la capitale fédérale jusqu’à ce que toutes les mesures sanitaires soient levées.
« Je crois fermement que ceci est notre dernière chance et nous ne rentrerons pas à la maison avant que vous ne soyez tous libres », a-t-elle lancé sur Gettr, un média social créé par un ancien assistant de Donald Trump.
La police craint des débordements violents
Craignant des bouchons monstres et des violences, les forces de l’ordre seront présentes en masse pour encadrer les manifestants à Ottawa et demandent aux résidents d’éviter le centre-ville.
Les agents de la police municipale et provinciale, de la Gendarmerie royale du Canade (GRC) et du service de protection parlementaire se préparent à tous les scénarios y compris des débordements violents qui pourraient durer jusqu’à lundi, date de reprise des travaux parlementaires.
Le cabinet du ministre de la Sécurité publique craint que des élus soient pris à partie chez eux par des manifestants, comme l’a été ces derniers jours le député libéral de Calgary Skyview, George Chahal.
Quelques manifestants ont en effet demandé de l’aide sur les réseaux sociaux pour localiser des résidences de politiciens.
- Écoutez l'entrevue de Benoît Dutrizac avec Benoît Therrien, Président de Truck Stop Québec, sur QUB radio:
Nourrir la haine
« Ils ne sont pas là juste pour lever la voix contre les obligations vaccinales, mais pour nourrir la haine contre notre tissu social », a mis en garde Catherine McKenney, conseillère municipale du quartier Somerset au centre-ville d’Ottawa.
Le Réseau canadien anti-haine prévient depuis des mois que les groupes complotistes antimesures sanitaires sont noyautés par des organisations d’extrême droite qui comptent des individus armés et entraînés, dont plusieurs ex-militaires, réservistes et policiers.
Une policière de Durham, Erin Howard, est d’ailleurs l’objet d’une enquête depuis qu’elle a publié cette semaine sur Twitter une vidéo d’appui au convoi, en uniforme et visiblement dans sa voiture de patrouille.
Elle y indique être membre de l’organisation Police on guard for thee, un regroupement de policiers et militaires opposés aux mesures sanitaires qui sera présent à Ottawa demain.