À 19 ans, il interpelle François Legault à la COP26: «Notre avenir est pris en otage»
Élizabeth Ménard
Dans un discours vibrant prononcé à la COP26, un jeune québécois de 19 ans a demandé au premier ministre François Legault de tenir un sommet de la jeunesse sur les changements climatiques, arguant que sa génération est prise en otage par «le déni et le retard du gouvernement».
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Dans une allocution prononcée la semaine dernière lors de la COP26 qui se déroule à Glasgow, Xavier Courcy-Rioux, 19 ans, a demandé au premier ministre du Québec d’écouter la jeunesse.
«Un consensus social existe parmi les jeunes. On le voit très bien avec certaines des plus grosses manifestations de l’histoire du pays. Les jeunes vous parlent maintenant. Et nous disons que nous voulons une véritable justice climatique», a-t-il notamment lancé (vous pouvez lire le discours complet au bas de la page).
Le jeune Montréalais est présentement à Glasgow pour cette grande conférence internationale sur les changements climatiques grâce au projet Génération climat des YMCA du Québec qui ont envoyé une délégation jeunesse.
Il y réalise un projet de dialogue sur la justice climatique entre le Nord et le Sud avec un homologue camerounais qui n’a pu être présent à la COP26.
Chanceux, mais déçu
Quelques jours après avoir prononcé son discours, coécrit avec les autres jeunes de son groupe, Xavier n’en revenait toujours pas de sa chance.
«Ça m’a marqué. J’ai eu l’immense honneur, la chance, à 19 ans, de pouvoir faire une allocution à François Legault», lâche-t-il au bout du fil, en entrevue avec le 24 heures.
Il s’est toutefois dit quelque peu déçu de la réponse du premier ministre.
«J’avais l’impression qu’il me répondait avec une approche paternaliste», confie-t-il, mentionnant qu’il ne se souvient pas des mots exacts utilisés.
«Quelque chose du genre: c’est bien mon grand continue de t’impliquer... C’était pas très agréable.»
Le premier ministre a toutefois montré plus d’ouverture vers la fin de la rencontre, lorsqu’il a parlé du Sommet du Québec et de la jeunesse qu’il a présidé en 2000, alors qu’il était ministre de l’Éducation, affirme Xavier.
Le jeune homme a également rencontré le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette.
«C’était plus convivial, mentionne-t-il. Il a pris l’engagement de nous rencontrer, moi et d’autres jeunes de la société civile, à notre retour au Québec.»
L’espoir
À 19 ans, Xavier Courcy-Rioux a déjà cinq années d’implication dans le mouvement environnementaliste à son actif.
«J’ai été intimidé à l’école. Je ne l’ai pas eu facile à ce niveau-là, confie-t-il. [M’impliquer] a été une échappatoire pour moi. Ça m’a donné un but.»
À compter de la session prochaine, il étudiera au cégep en Technique d’intervention en loisirs.
«Je tiens à travailler avec la jeunesse. Je veux pouvoir me dire: je redonne ce que j’ai appris», explique-t-il.
Malgré le peu de gains concrets acquis lors de la COP26 qui se termine demain, Xavier ne perd pas espoir.
«L’espoir est toujours là. S’il y a une chose qu’on ne peut pas nous enlever, c’est l’espoir», souligne-t-il.
Discours complet prononcé par Xavier Courcy-Rioux devant le premier ministre François Legault le 3 novembre 2021:
Bonsoir M. Legault,
Je m’appelle Xavier Courcy-Rioux et j’ai 19 ans.
Je suis bénévole pour Génération climat Montréal et C-Vert (deux projets des YMCA du Québec). Ma présence ici aujourd'hui est soutenue par l'AQOCI.
Je suis très reconnaissant qu'on m'ait demandé de m'adresser à vous ce soir, à l'occasion de ce sommet crucial sur le climat, où les communautés du monde entier attendent de leurs gouvernements qu'ils fassent preuve d'ambition en matière de changement climatique et où les communautés voient tout ce que nous avons en commun.
À un certain moment, M. Legault, vous et moi avions au moins une chose en commun. En l'an 2000, deux ans avant ma naissance, en tant que ministre de l'Éducation présidant le Sommet du Québec et de la jeunesse, vous avez trouvé important d'écouter la voix des jeunes.
Un consensus social existe parmi les jeunes. On le voit très bien avec certaines des plus grosses manifestations de l’histoire du pays. Les jeunes vous parlent maintenant. Et nous disons que nous voulons une véritable justice climatique.
Cela signifie faire notre juste part, domestiquement comme à l'international, de l'effort mondial afin d'éviter les pires effets de la crises climatiques et demeurer sous le seuil d'une augmentation de température moyenne mondiale de 1,5 °C. La juste part du Québec s'élève à une réduction des émissions de 178% sous les niveaux de 1990 d'ici 2030 et inclut des réductions domestiques d'au moins 65% sous les niveaux de 1990 d'ici 2030.
Comme je l'ai dit, j'ai 19 ans. J'ai de nombreux amis qui sont plus jeunes que moi. Beaucoup d'entre nous – y compris certains qui sont, à l'heure actuelle, trop jeunes pour voter – ont le sentiment que notre avenir est pris en otage par le déni et le retard du gouvernement.
Mon homologue camerounais, qui travaille avec moi sur mon projet Dialogues Sud-Nord, ressent la même chose – alors que sa communauté est confrontée à la menace de sécheresses plus fréquentes et plus intenses, ainsi qu'à l'avancée du désert.
Une vraie justice climatique peut résoudre ce problème. Les jeunes ont une autorité morale sur la question de la crise climatique et en réponse à ça, le Canada, la France et même le Secrétaire général des Nations Unies ont mis en place des comités consultatifs de jeunes devant lesquels ils sont responsables, avec des ressources appropriées pour que les jeunes puissent conseiller les dirigeants sur leur vision de l'avenir.
Ici et maintenant, à moi et aux autres jeunes présents devant vous, pouvez-vous vous engager à faire de même?
J'espère, pour mes pairs du Québec, mon ami du Cameroun et les jeunes ici présents, que votre réponse sera «oui». Je peux vous dire que nous souhaitons travailler avec vous.
Je vous remercie.