Mob Wife: Est-ce éthique de porter des manteaux de fourrure vintage?
Anne-Sophie Poiré
Alors que la tendance de la Mob Wife ne cesse de faire des adeptes sur TikTok, la question se pose: est-il éthique de porter des manteaux de fourrure, même s’ils appartenaient à notre grand-maman?
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Caractérisée par une chevelure extravagante, une lèvre écarlate et un irremplaçable manteau de fourrure, l'esthétique du Mob Wife a tout pour rappeler le style vestimentaire des femmes dans The Sopranos.
Pourtant, il est de plus en plus ardu de se montrer dans un vêtement de fourrure sans se faire lancer un regard réprobateur, voire une insulte. Les défenseurs des animaux plaident que le simple fait de porter une peau encourage une industrie très peu éthique, tandis que d’autres experts croient qu’il serait irresponsable de ne pas revaloriser cette matière qui finirait autrement à la poubelle.
Durable, chaude et biodégradable
Même si la SPCA reconnaît l’effort d’acheter seconde main, elle n'en démord pas: porter de la fourrure n’est jamais acceptable.
Selon l’organisme, le simple fait d’en porter, qu’elle soit neuve ou usagée, normalise la pratique de faire souffrir des animaux pour la fabrication d’un produit de luxe.
«Et ça ne paraît pas à vue d’œil si la fourrure est neuve ou usagée», insiste la responsable de campagne, défense des animaux et éducation à la compassion à la SPCA Montréal, Érin Martellani.
Le directeur d’Écofaune Boréale, Louis Gagné, n’est pas du même avis. Pour lui, la question ne se pose même pas.
«Pourquoi ferais-je entrer sur le marché un nouveau produit fait d’un matériel synthétique qui a demandé de l’énergie souvent polluante, alors que j’ai devant moi un manteau qui existe déjà?» demande-t-il.
«C’est toujours mieux de réutiliser que d’acheter neuf ou de jeter. La fourrure peut servir d’isolant pour un autre manteau. On peut aussi en faire des chapeaux ou des gants», affirme pour sa part le professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et expert de la consommation responsable Benoit Duguay.
Et comme le souligne Louis Gagné, l’une des particularités de la fourrure est sa durabilité. Même après 30 ans, elle demeure chaude.
Encore de la souffrance animale
Si les experts consultés par le 24 heures ne s’entendent pas quant à l’aspect éthique de la fourrure d’occasion, tous s’accordent sur le fait qu’il est inacceptable d’élever des animaux dans de mauvaises conditions juste pour faire des manteaux.
Plus de trois millions d’animaux – des renards et des visons en captivité, pour la plupart – sont tués chaque année pour leur fourrure au pays.
Même si ce chiffre peut impressionner, l’industrie est en déclin. Au Québec, on enregistrait 226 fermes d’élevage en 1982, selon la SPCA. En 2022, il n’en restait que trois.
«Ça serait donc facile d’en interdire le commerce, estime Érin Martellani, de la SPCA Montréal, alors que près de 75% des Canadiens et Canadiennes s’opposent à l’élevage d’animaux pour leur fourrure.»
Elle souhaite que le Canada imite la dizaine de pays qui ont banni ces fermes dans la dernière décennie.
Des centaines de milliers de peaux jetées
Mais au-delà de l'élevage, des centaines de milliers de peaux provenant d’animaux élevés pour leur viande ou chassés sont enfouies chaque année, sans être revalorisées.
«C’est la matière résiduelle qui occupe le plus de place dans cette industrie, dénonce Louis Gagné, d’Écofaune Boréale. Jusqu’à récemment, il y avait un marché pour l’achat des peaux de bovins, entre autres. Ce marché s’est effondré avec la délocalisation des tanneries à l’étranger. On doit maintenant payer pour enfouir ces peaux et la facture est refilée aux consommateurs québécois.»
«On peut soit payer pour jeter des matières premières de qualité ou les transformer pour créer de l’emploi et les revaloriser, fait valoir M. Gagné. C’est de l’économie circulaire et ça répond à l’objectif du développement durable, qui est de diminuer l’extraction des matières naturelles.»