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L'article provient de Clin d'oeil
Célébrités

Mitsou, rockstar féministe

On les sent dans tout ce qu’elle fait. Cette vibration. Ce feu. Ils sont bien là, chez elle.

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Léa Stréliski

2020-10-22T13:00:00Z
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Ce «chez-elle» où j’ai eu la chance d’aller. «Je fais jamais ça», m’a-t-elle dit d’entrée de jeu. Une entrevue chez elle. Me voilà donc bien choyée. La nounou m’ouvre la porte. Elle parle en anglais avec Mitsou, qu’elle appelle «Mits».

photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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De ce que je comprends, les intimes de Mitsou l’appellent Mits. Pour moi, Mitsou, c’est Bye-bye, mon cowboy. C’est la blonde pulpeuse que j’ai vue débarquer sur un plateau de télé pour la première fois en 1987. Elle sortait de l’arrière d’un gigantesque cornet de crème glacée deux boules, si ma mémoire est bonne. Deux boules. Le ton était donné. «J’ai été élevée par des parents vraiment hippies... Ils avaient vécu la révolution sexuelle, alors je les ai vus tout nus toute ma vie. J’ai parfois dû dire à mon père de s’habiller. C’est beau, papa, là, j’ai des enfants ici... (Rires) Mais moi, à l’époque, je ne peux pas dire que ce que je faisais était sexuel... Je dirais plutôt que c’était sensuel. J’avais décidé de faire vibrer les gens avec tout l’éventail de qui j’étais. À cette époque, au Québec, il y avait quelque chose de très puritain... j’étais comme: No way. I wanna rock!».

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photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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Une bombe dans la télé. On avait Le club des 100 watts, on avait Les filles de Caleb. Désormais, on avait Mitsou. On a écouté son premier album en ne comprenant rien aux paroles. Pourquoi on regarderait les Chinois faire l’amour? On savait à peine ce que voulait dire faire l’amour. Les adultes, eux, semblaient savoir que les Chinois le faisaient mieux que les autres. Mais on se souvient de la flamme que Mitsou a éveillée en nous. Secrètement. Je ne suis pas la première à lui confier l’effet qu’elle a eu sur la jeune fleur que j’étais. La meilleure amie de sa soeur lui disait, justement, la veille de notre rencontre: «T’étais comme mon éveil à la féminité. Quand je t’ai vue dans Coyote, j’ai fait comme, ah... OK..., c’est ça, une femme.» Est-ce que Mitsou en est consciente? «Je suis touchée, parce que tout ce que je voulais dans le fond, c’était vibrer.» Elle a eu sur les jeunes filles l’effet que le numéro de la chatte de Passe-Carreau a eu sur les garçons. Sans être notre Emmanuelle, ce qu’il y avait de touchant, c’est que Mitsou ne le faisait pas exprès. Pour elle, la vie, être chanteuse, être elle, une pêche pleine de volupté, c’était ça. Et c’était le fun. 

C’est ce qu’il y avait de si inspirant et qui l’est encore. Mon agente, femme d’affaires sensible et forte, me confiait que pour elle, Mitsou a toujours été et continue d’être celle qui dame la trail. Qu’est-ce qui fait qu’elle dure? C’est pas facile de se réinventer. De changer de carrière. De toucher à tout sans se perdre... Mitsou, sur son canapé de cuir blanc, dans un décor qui pourrait être celui de l’antre d’une Bond Girl, répond après une longue pause. «L’innovation est au top de mes valeurs personnelles. Dans toutes les sphères: la technologie, la musique, la déco, tout! Ce dont j’ai besoin, c’est que ce soit nouveau. C’était ça en musique et ça me drive encore de la même manière aujourd’hui, que ce soit à la radio, à l’écrit ou en affaires. Je ne suis pas compétitive avec les autres – et surtout pas avec les filles –, je n’ai pas ça en moi. Ma compétition à moi, c’est l’innovation.»

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photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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Le women club... Je pense que Mitsou est la première qui m’ouvre les yeux sur cette réalité. On parle toujours du boys club comme de l’ennemi à abattre. Du clan au sein duquel il faut se tailler une place, difficilement. Mais qu’en est-il du women club? Et si le féminisme cessait d’être une lutte «contre» pour devenir une bataille «avec», un désir de faire éclore les femmes? Non pas pour nous définir en tant que «non-pénis», mais simplement – et merveilleusement – comme vulves. Un monde de vulves qui comprend tout ce que ça implique, tout ce que ça englobe, tout ce que ça fait naître. Sans ce besoin de souligner sans cesse ce que ce monde masculin nous enlève. Mais avec cette envie de crier haut et fort tout ce que nous sommes.

La mentalité boys club, ça «prendra des générations à la changer et plus on va être conscientes, plus on va demander, plus on va s’intégrer à notre manière, plus elle va se transformer... Depuis les années 1980, j’ai tout vu changer. En ce moment, ce sont des femmes qui présentent les nouvelles de 22 h. De belles femmes. Féminines à leur manière. C’est niaiseux, mais je pense qu’on a intégré une féminité avec le temps qui est incarnée, qui nous appartient et de laquelle on n’a pas honte. Mais ça n’a pas toujours été comme ça. 

photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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Pour me lancer en affaires, j’ai dû, bien sûr, me toner down.» Changer son linge. Se faire dire dans les locaux d’une chaîne de télé où elle venait, en tant que productrice, présenter l’habillage musical que produisait sa boîte, Dazmo (créée avec son mari et partenaire d’affaires, Iohann): «Ah non, mais moi je ne veux pas parler à la fille, je veux parler au gars.» C’était ça. Une forêt de ronces que Mitsou a dû élaguer. «Il a fallu que je casse mon image.» Se transformer. S’adapter. Se cacher. Faire semblant que le pli que nous fait prendre le monde est le nôtre, alors qu’il nous réduit à un pied tordu dans une chaussure trop petite. «Quand je me suis lancée en affaires, la décision de sortir ou non avec des clients, le soir, était constamment le sujet d’une bataille entre mon chum et moi. Moi, ça me décou- ra-geait. Je me disais qu’on travaillait fort durant le jour. On pouvait-tu revenir à la maison s’il te plaît? Prendre soin des enfants? J’étais jeune mère et ça me brisait le coeur. Et il me disait que je ne comprenais pas, qu’on est dans les affaires, que ça fait partie de la game.»

Effectivement, Iohann avait raison. Ça faisait et ça fait toujours partie de la game. De ce monde de cravates, ce monde de relations de golf et de whisky on the rocks bâti par les hommes. Ce monde de salons de cigares et de secrétaires pulpeuses. Ce monde, le monde de l’argent, appartient depuis longtemps aux hommes. Mais les femmes comme Mitsou – et j’en suis – ont le besoin de dire «non». Non, on ne sacrifiera pas l’essentiel au nom de l’argent. On ne sacrifiera pas l’amour, on ne sacrifiera pas les enfants, on ne sacrifiera pas la nature, on ne sacrifiera pas la planète sous prétexte qu’on aime l’argent. Il va falloir faire autrement. Trouver de nouvelles idées.

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photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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À cet égard, le confinement a été, pour Mitsou, une prise de conscience. «Oui, c’est vrai que les femmes ont eu plus de difficulté à gérer la charge mentale dans tout ça, mais elles auront peut-être eu plus de temps aussi. Et peut-être qu’ensemble, on verra que la business change, qu’elle peut se développer à la maison. Peut-être qu’on verra qu’on peut arriver à mieux concilier les deux. Il faut le créer, ce women club. Se connecter avec les femmes influentes et trouver notre manière de faire. Ça fait partie de la solution.»

Le téléphone sonne. C’est la deuxième fois depuis le début de l’entrevue. Elle n’avait pas répondu à Philippe Bond (désolée, Philippe), mais elle répond à sa fille. «Allô, Bae!» Sur l’écran de téléphone, Stella-Rose insistait, ça faisait plusieurs fois qu’elle essayait de joindre sa mère. Elle en vient même à lui demander maintenant, avec toute l’énergie que je lui découvre, si elle l’ignorait. «Mais non, je t’ignore pas, je suis en entrevue.» Pendant qu’elles se parlent, je m’imprègne de toute l’ambiance féminine autour de nous. De grandes photos en noir et blanc font du décor de Mitsou, Iohann et leur famille, un musée intime des gens importants et des moments chéris de leurs vies. Mitsou enceinte, les parents de Iohann au tout premier Gala de l’ADISQ (Yves Martin, le père de Iohann, était producteur de disques), la bouille de leurs trois filles bébés, dont la première est issue d’une union précédente. Leurs filles sont partout. Très belles. Omniprésentes. Elles semblent être le coeur et la joie de cette maison.

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photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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Mitsou tient sa petite troupe. En mère présente, mais aussi en mère «normale» pour elles. Par contre, impossible de parler de sexualité avec ses filles. «Mes enfants ne veulent au-cu-ne-ment me parler de sexualité. Je me fais dire “Arrrrêêêête!”» Des filles ados. Elles critiquent ce que leur mère porte. «Je me fais aussi demander: “C’est quoi, ce linge-là?”» Avec toute leur énergie qui circule. Ça fait rire Mitsou, qu’on sent installée dans son rôle de reine discrète de la place. Que ses filles s’en rendent compte ou pas, maman ourse veille.

Je la rencontre quelques jours après son anniversaire. Elle a fêté ses 50 ans. Sur son Instagram, une magnifique photo trônait ce jour-là. Elle commençait la série de clichés illustrant son article «La deuxième moitié», paru dans Mitsou Magazine. Une photo en noir et blanc. Mitsou pulpeuse. Mitsou à moitié dévêtue avec, sur les épaules, un manteau en cuir. «Au départ, je portais juste le bustier. Mais j’étais pas à l’aise. J’ai dit: “Guys, j’ai des filles. Les enfants ne veulent pas voir leur mère sexualisée.” Mais en ce moment, j’ai décidé de renouer avec cet aspect-là de ma vie, parce que je trouve qu’il est important. De retrouver le fun, la sensualité, la féminité incarnée. C’est un plaisir dont on ne devrait pas se priver.» 

photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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La vie maintenant, après 50 ans. Elle me raconte que pour sa fête, le plus beau cadeau, c’est son chum qui le lui a fait. «À cause de la pandémie, il a organisé différents petits partys pour mon anniversaire. À un certain moment, il a invité six filles. Pourtant, je ne suis pas une fille de gang, je suis plus du genre “fille à fille” pour une conversation entre quatre yeux. C’est pour ça que j’ai des amies qui ne se connaissent pas entre elles. Mais il les a toutes invitées ici, en même temps. Et ç’a pris en feu! Écoute, en une heure, c’était rendu Vegas ici. On criait, on était heureuses, on faisait des blagues, on était wild. Ça m’a fait réaliser à quel point j’ai besoin d’être avec des filles de feu.»

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photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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Le banquet des déesses. Le monde féminin dans lequel on voudrait vivre. Je termine l’entrevue en lui parlant de son corps. Ce corps qui l’aura propulsée à l’avant-scène et qui aura fait tourner bien des têtes. Ce corps, comment l’habite-t-elle maintenant? À 50 ans? Maintenant que l’autre moitié est entamée? C’est peut-être la plus longue pause de notre conversation. «Thank God, je suis encore en santé.» Mitsou est porte-parole de la Fondation du cancer du sein du Québec depuis 2006. «Étant impliquée dans la cause, je vois que c’est dans la cinquantaine que les petits bobos commencent à sortir et que tu reçois des diagnostics... S’il y a une personne qui sait à quel point la santé et la vie professionnelle peuvent prendre des tournants inattendus, c’est bien moi. Là, it’s all good. Je prends le temps de nourrir ce bonheur en moi, sans être dans la peur que ça puisse s’arrêter. Pour avoir l’impression de vivre vraiment.» 

Mitsou, on te souhaite une deuxième moitié aussi inspirante, vibrante et rock que la première

photos Leda & St.Jacques stylisme Randy Smith | direction mode Anthony Mitropoulos direction artistique Elsa Rigaldies
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