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L'article provient de Clin d'oeil
Célébrités

Marilyn Castonguay : guerrière au coeur tendre

C’est l’une des comédiennes les plus douées de sa génération. C’est aussi une femme pudique et entière. Rencontre.

Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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Emmanuelle Martinez

2020-12-08T14:00:00Z
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Il est 13 h 37: «Bonjour, ici Marilyn Castonguay. J’essaie de régler le tout avec WhatsApp! Je vais trouver, ça sera pas long, désolée!!» Je reçois ce texto d’excuse pour sept minutes de retard alors que je suis chez moi, en mou, et que le temps est devenu une notion totalement élastique. C’est d’une touchante délicatesse.

La connexion s’établit. Le visage de Marilyn s’affiche. Je ne vois que ses grands yeux verts. «Le travail recommence demain et je n’ai pas vraiment travaillé depuis mars, alors c’est une journée spéciale.» Un jour férié à vrai dire, que beaucoup auraient aimé passer en famille autour d’une dinde (ou autre), mais que la deuxième vague a balayé d’un revers de la main.

«Je la trouve difficile celle-ci. Lorsque la première vague est arrivée, j’étais vraiment fatiguée de mon année, et j’en ai profité pour me reposer. Je l’ai prise comme un répit. Mais celle-là... Je suis quelqu’un qui a besoin de ses amis. Sans eux, je ne serais nulle part. Ne pas pouvoir se prendre dans les bras et se voir quand on veut, je trouve que ça nous enlève du temps. Et le temps passe vite.»

Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies

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Marilyn est une nostalgique, une vraie, hors concours et hors pandémie. Ne pas s’accrocher au passé est son nouveau combat. «Je n’aime pas quand les affaires qui me rendaient heureuse passent ou changent. Des fois, c’est pour le mieux. Il faut que j’apprenne à vivre en me disant simplement que j’ai de la chance de les avoir vécues.» Même les plus optimistes se sentent saturés à force d’entendre des «Ça va bien aller!» Alors, quand Marilyn me raconte son besoin viscéral de se sentir tout près de ceux qu’elle aime, j’ai le goût de la prendre dans mes bras. 

J’avoue que je ne m’attendais pas à ça. À la trouver si attachante, si vite. En fait, je ne savais juste pas à quoi m’attendre. Elle ne s’affiche nulle part, ne possède ni page Facebook ni compte Instagram et donne peu d’entrevues. 

Ce que Google m’a révélé de plus personnel est sa date de naissance et, donc, son signe astrologique, Scorpion. Ça ne fait pas lourd. Je voyais bien la comédienne, ses rôles forts et sa capacité d’explorer des univers aux antipodes, mais la femme? Mystère. En discutant avec elle, c’est devenu évident: l’une nourrit l’autre. Comme des vases communicants.

Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies

Des choix pour soi

«Depuis l’an passé, je suis capable de faire des choix pour moi. Dans ma vie personnelle, j’ai acquis une résilience qui m’a aidée dans ma vie professionnelle. J’ai longtemps fait le maximum pour que les autres soient bien sans tenir compte de mes propres besoins. Mais à un moment, il y a une limite!» Et puis comme ça arrive dans ce métier, il y a eu des périodes plus creuses, des moments où l’incertitude tissait sa toile. Heureusement, les conseils de Guy Nadon, l’un de ses anciens professeurs à l’École nationale de théâtre, ont délié les noeuds: «Quand je m’imaginais déjà en actrice déchue, il m’a dit: “Concentre-toi sur la femme. Essaie de t’améliorer en tant qu’humain et, tu vas voir, tu deviendras une meilleure actrice.” Ça m’a apaisée. La confiance est venue aussi. J’ai alors été capable d’accepter des défis sans paniquer et sans douter de moi-même.»

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Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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Parmi ces derniers, il y a le solo époustouflant qu’elle a livré en début d’année au Théâtre La Licorne, dans Les filles et les garçons, ainsi que son interprétation savoureuse d’Huguette Delisle, dans la série C’est comme ça que je t’aime, diffusée sur ICI Radio- Canada Télé, qui a d’ailleurs raflé plusieurs prix aux Gémeaux, en septembre. Quant au tournage qu’elle reprend dès demain, c’est celui de la deuxième saison d’Alix et les Merveilleux, l’émission jeunesse qui lui a valu le prix de la meilleure actrice de soutien au même gala.

Caméléon

Il faut dire qu’en tant que comédienne, Marilyn a un énorme atout: elle n’est pas cataloguée. Aucune étiquette ne lui colle à la peau. Elle vogue sur tous les registres avec la même aisance, autant au cinéma qu’à la télévision et au théâtre. Quand je lui demande quel personnage elle rêverait d’incarner, son regard s’évade vers son plafond à moulures. Sa réponse, elle me la donne avec de la gourmandise dans la voix et le sourire malicieux d’un enfant: «Des reines! Surtout au théâtre, parce qu’on peut y explorer des rôles plus grands que nature. Sinon, je rêverais de jouer dans une comédie musicale comme Chicago, avec une histoire un peu rough et des numéros de danse. Mon Dieu que j’aimerais ça!»

C’est précisément là que l’actrice nourrit la femme; dans l’occasion que lui offre son métier de sortir d’elle-même, de se perfectionner dans quelque chose qu’elle ne connaît pas ou peu, d’en apprendre sur d’autres époques, d’autres moeurs, d’autres réactions humaines que celles qu’elle adopterait d’emblée dans certaines situations. «Travailler un rôle m’oblige à réfléchir, à lire, à regarder des documentaires, bref, à apprendre. J’ai donc l’impression que mon métier me rend plus intelligente au sens large, surtout émotionnellement. Il m’ouvre des horizons.»

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Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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Tout ou rien!

Par écrans interposés, il n’est pas toujours facile de «sentir» son interlocuteur. Alors je m’accroche à des détails. Au sweater vert forêt, au visage nu, à la voix posée qui s’envole quand le sujet la touche, aux mots parfois soulignés d’une main qui frappe en cadence sur la table. Surtout, Marilyn regarde avec attention et vérifie à plusieurs reprises si sa réponse est claire, si elle s’est bien exprimée. La réponse est toujours oui. Elle fait attention aux autres, ça ne fait aucun doute. On sent que c’est une fille de gang, probablement celle qui offre son écoute, console à n’importe quelle heure une amie en peine et qui, d’un coup, sans crier gare, peut exploser d’un: «Ben voyons, crisse ton camp, il te mérite pas!!» avant de se raviser: «Excuse-moi, continue.» Autant de doux que de brut emballé dans de la bienveillance. Bon, ça, c’est mon deux cents.

Ce que Marilyn dit d’elle par contre, c’est qu’elle est fonceuse et passionnée. Ne lui dites pas qu’elle n’est pas capable de faire quelque chose, elle vous prouvera le contraire! Et quand elle aime, ce n’est pas à moitié. C’est tout ou rien. Comme la danse, une passion qu’elle a mise de côté afin de se consacrer à fond à son métier. «Ça ne pouvait pas rester un simple loisir. La danse m’a permis d’aller au bout de mon corps, d’exprimer des choses sans dire un mot. Le jeu, c’est le contraire. Et des fois, j’avoue que je m’ennuie un peu de fermer ma gueule (rires).»

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Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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Reste que retourner sur les plateaux après tant de mois d’accalmie est une bénédiction et que l’envie de se dépasser brûle toujours aussi fort en elle. Pas à n’importe quel prix, cependant, ni dans n’importe quelles conditions. La raison? Un bout de chou de quelques semaines qui occupe ses jours et ses nuits et remet les pendules à l’heure. Ou les détraque un peu, c’est selon. Une grossesse qu’elle a vécue en confinement, comme une bulle qu’on ne veut pas faire éclater. «Pendant la première vague, j’écoutais plus que je ne partageais, car je me sentais presque impudique de lancer mon bonheur, alors que je sais la souffrance que d’autres ont vécue.»

Guerrières

Avec le travail qui reprend, l’actrice, la femme, la mère, la blonde et l’amie doivent se tenir la main et se chuchoter avec douceur de s’écouter, d’y aller mollo surtout, une chose à la fois. «Je lève mon chapeau à nous toutes, parce que je trouve que c’est quelque chose! Être une mère mais rester une blonde, être la femme qu’on a besoin de devenir. Être aussi une performeuse à la hauteur... J’ai essayé un costume trois semaines après l’accouchement, avec mes fils de césarienne et mon ventre de femme qui venait d’accoucher. C’était absurde et, en même temps, c’est aussi ça, vouloir être indépendante.

Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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J’ai réalisé qu’on est des guerrières. Ça n’enlève rien aux hommes, ça n’enlève rien à personne. Mais ça passe par nous, les femmes, et ce n’est pas assez valorisé. Il faut admettre qu’on part tous de là, de la naissance, qu’on va faire ce qu’on peut, qu’on ne peut pas tasser ça, le mettre de côté... Et si ça peut calmer la vie, eh bien tant mieux! Il faut être fières et avoir cette indulgence, cette bonté-là envers nous-même. Envers les autres femmes aussi. Mères ou pas. Se tenir.»

La force du lien

Parce qu’elle vit la maternité et parce que les derniers mois ont laissé beaucoup de place à la réflexion, c’est le sujet qui suscite le plus d’émotions en elle, de l’admiration aux contours de la colère. «Quand j’entends des gars dire que leur blonde a changé depuis qu’elle est maman, que ce n’est plus la fille que c’était avant, je trouve ça cruel. Mais évidemment!! lance-t-elle,  la voix vibrante. Tu ne peux pas passer à travers ça avec insouciance. Il faut faire attention à nos femmes. On est fortes et fragiles en même temps. Notre parole vaut quelque chose. De par notre nature, on passe par des choses qui forcent à la résilience. Je trouve que ça mérite d’être écouté et partagé.»

Photo Malina Corpadean | Stylisme Cary Tauben Direction mode Anthony Mitropoulos | Direction artistique Elsa Rigaldies
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Et parce qu’on en est tous privés en ce moment, les liens qui nous unissent aux autres se révèlent dans tout le pouvoir de leur étreinte. Les images de la vie d’avant brillent plus fort. C’est le cas lorsque j’évoque Noël, fête de famille par excellence. Quand Marilyn réveille les souvenirs des célébrations de son enfance, elle les tricote avec tant de gestes et de menus détails que je l’imagine sans peine dans la robe que sa mère lui confectionnait pour l’occasion, des bigoudis sur la tête pour faire comme les adultes, juste avant d’écouter Ciné- Cadeau entre cousins, de dormir quelques heures dans ses beaux habits, puis de se lever pour continuer à célébrer jusqu’au petit matin. «Ça, ça me manque terriblement, parce que c’était magique. J’espère qu’on va sortir de là en chérissant nos liens et en passant du temps ensemble au lieu de se plonger dans le travail, parce que seuls, on est pas mal moins forts, je trouve.»

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