Ludovick Bourgeois fait revivre l’œuvre de son père avec son nouveau spectacle
Michèle Lemieux
En montant sur scène pour nous présenter la tournée Les BB par Ludovick Bourgeois, le fils de Patrick souhaite faire revivre l’oeuvre du groupe mythique, mais aussi rendre hommage à l’artiste qu’était son père. Le chanteur, disparu trop tôt, a laissé derrière lui un patrimoine musical indémodable qui, encore aujourd’hui, soulève les foules. L’auteur-compositeur-interprète, qui a nécessairement plongé dans ses souvenirs pour y parvenir, les partage aujourd’hui avec nous.
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Ludovick, que nous réserve le spectacle Les BB par Ludovick Bourgeois?
Je connaissais le répertoire des BB et j’avais déjà une bonne idée de ce que je voulais jouer sur scène, mais Joël (Legendre), qui signe la mise en scène du spectacle, m’a énormément aidé dans le choix des chansons. Il était important pour moi de choisir celles que j’aimais, d’autres que je jouais depuis déjà un moment et enfin des pièces que je voulais faire découvrir ou redécouvrir au public. C’est rempli de surprises. Ça faisait longtemps que je voulais rendre hommage aux BB, mais pour aller de l’avant avec ce spectacle, il me fallait acquérir une plus grande expérience de la scène. Le bon moment est finalement venu.
Crois-tu que ton père aurait été fier de te voir faire vivre ses chansons en spectacle?
Sûrement. C’est agréable de voir son oeuvre perdurer. Quand on fait de l’art, c’est dans le but que ça dure le plus longtemps possible. Dans ce cas-ci, ces succès continuent à vivre après sa mort. Il devait être fier d’avoir participé à ce projet qui est toujours aussi pertinent aujourd’hui.
As-tu des souvenirs des BB?
La première fois que je les ai vus en show, c’était en 2008, quand ils ont fait un retour. J’avais 15 ans. À la limite, jusque-là, je ne croyais même pas que mon père avait été connu... (sourire) Au début des années 2000, il faisait autre chose, il ne travaillait plus dans la musique. Les BB avaient présenté un spectacle aux Francos de Montréal et ils n’avaient prévu qu’un seul spectacle, mais à la suite de ce concert, ils sont repartis en tournée pendant 10 ans, jusqu’à ce que mon père meure, en 2017. Tout le monde chantait leurs tounes, tout le monde les connaissait! J’étais content pour lui, mais aussi pour les membres du groupe, car ils ont pu revivre leur rêve d’enfance.
Les gens te disent-ils à quel point tu leur rappelles ton père, physiquement?
Moi, je ne trouve pas qu’on se ressemble... (sourire) Mais c’est vrai que nous avons des voix semblables. Cela dit, la comparaison ne m’a jamais dérangé.
Éprouvais-tu une certaine admiration pour le travail de ton père?
Oui, mais je ne pensais pas faire ce métier. La musique était loin de mes intérêts. J’ai commencé à faire de la musique vers l’âge de 17 ou 18 ans. Je ne savais même pas qu’on pouvait gagner sa vie au Québec en faisant ça. Même si mon père avait pratiqué ce métier, pour moi, c’était essentiellement une passion. J’ai eu un groupe à la fin de mon adolescence. Nous chantions en anglais et nous aspirions à faire carrière sur la scène internationale. Puis, j’ai réalisé qu’il y a beaucoup de monde à l’international! (rires) C’est à ce moment que La Voix est arrivée dans ma vie. Je ne dirais pas que c’était une erreur de parcours, mais c’était, disons, inattendu. Dans ce métier, je n’ai pas d’attentes. Je ne planifie pas 20 ans d’avance, je vis au jour le jour.
Quel était le regard de ton père sur ta carrière?
Ç’a quand même été court, car j’ai fait La Voix en mai 2017, et il est mort en novembre. Je pense qu’il était bien heureux que je me sois démarqué, mais il savait que le travail venait à peine de commencer. C’est ce qu’il me répétait. Il savait que, six mois plus tard, tout pouvait être terminé. J’ai fait ma première tournée en 2018. Il n’a donc pas eu l’occasion de la voir.
Quels souvenirs conserves-tu de l’homme qu’il était?
J’avais 24 ans quand il est mort. C’était un bon papa, mais avec la carrière qu’il avait, il était souvent parti. J’ai plus de souvenirs avec ma mère, avec qui j’habitais. Mes parents se sont séparés quand j’avais 10 ans. À partir de ce moment-là, ma grande soeur, Pénélope, et moi avons habité uniquement avec notre mère. Pendant des années, nous nous sommes moins vus, mon père et moi. C’est à l’âge adulte que nous avons développé une relation de travail et amicale par le biais de la musique. La relation père-fils, je ne m’en souviens pas vraiment: nous n’habitions pas ensemble. En 2015, j’ai commencé à travailler avec les BB comme choriste. J’avais chanté une chanson, les gens avaient aimé ça, alors j’avais fait la tournée avec eux.
Ton père te donnait-il des conseils?
Oui, mais ç’a été long avant que je dise à mes parents que je faisais de la musique. Je voulais attendre d’être bon pour leur en parler. Je ne voulais pas que ce soit un hobby passager et qu’on ne me prenne pas au sérieux. J’ai mis du temps avant de leur faire entendre mes démos.
Comme, à partir de l’âge de 10 ans, tu n’as pas grandi auprès de ton père, as-tu éventuellement senti le besoin de rattraper le temps perdu?
Non, car ça s’est fait naturellement avec la musique. Comme nous faisions de la tournée, que nous voyagions ensemble, que nous vivions à l’hôtel, nous avons passé beaucoup de temps l’un avec l’autre. C’est durant cette période que nous nous sommes rapprochés. Ç’a été l’occasion de vivre plein de beaux moments tous les deux. Il n’y a pas eu de carences.
Crois-tu qu’il était fier de toi?
Sûrement, mais c’était un homme de son époque: il ne parlait pas beaucoup...
Cela t’a-t-il donné envie d’être un père qui communique plus avec ses enfants?
De nos jours, on peut dire qu’en général on communique mieux et plus que les gens de la génération de mes parents. Je vois avec quelle facilité tout le monde communique dans ma famille, ma blonde, mes enfants. Tout semble plus simple. C’est l’époque: nous sommes plus communicatifs. Même ma mère communique plus aujourd’hui qu’à l’époque.
À certains égards, ton père a-t-il été une inspiration pour le père que tu es?
Sûrement que mes parents ont déteint sur moi, comme les parents de ma blonde ont déteint sur elle. Mais dans la parentalité, on aurait beau avoir un mode d’emploi, on fait de notre mieux. Je fais du mieux que je peux avec les outils que j’ai. J’ai été chanceux d’avoir de bons parents et j’essaie d’en être un à mon tour. Mes enfants sont rapprochés: ils ont deux ans et demi et neuf mois, c’est-à-dire un an et demi de différence. Les premiers mois ont été mouvementés. Avec les shows, c’est très chargé. Mais nous sommes chanceux: nous avons un bon réseau. Nous sommes bien entourés par les grands-parents, qui sont très présents. C’est important, car ma blonde est souvent seule.
Comment as-tu vécu le départ de Patrick?
Étonnamment, assez bien. Il faut que la vie continue... Peut-être qu’un jour ça va me rattraper. J’attends ce jour depuis sept ans, mais il n’est pas encore venu. Ma personnalité fait en sorte que lorsque je vis quelque chose de difficile, je mets cette chose dans un tiroir et je le referme. Je passe à autre chose. Je ne me morfonds pas. C’est pour cette raison que j’arrive à en parler froidement.
Peut-être que cette sérénité te vient du fait que tu as réglé ce que tu avais à régler et dit ce que tu avais à dire?
Peut-être... C’est comme ça que je négocie avec les situations, quelles qu’elles soient, même les plus extraordinaires. Je passe vite à autre chose. C’est comme ça que je suis fait. Quand mon père est parti, nous avions vécu plein de belles choses ensemble. Ce sont les souvenirs que je conserve de lui. Ce sont de super beaux moments.
T’arrive-t-il de reconnaître ton père dans tes enfants?
Je dirais que c’est plus ma mère qui me dit à quel point je lui rappelle mon père. Mes enfants sont encore jeunes. Peut-être qu’en vieillissant...
Ça te touche parfois de penser qu’ils ne connaîtront pas leur grand-père?
Je trouve surtout qu’ils sont chanceux d’avoir un grand-père qui a fait de la musique, de la télé et des vidéoclips. Ils vont avoir accès à plein d’archives de leur grand-père, contrairement à d’autres petits-enfants qui ne connaîtront jamais leur grand-papa. Je trouve que c’est un legs précieux qui leur permettra de comprendre d’où ils viennent.
Qu’as-tu hérité de ton paternel?
Je ne me prends pas au sérieux et je suis capable d’autodérision. Je ne tiens rien pour acquis, surtout dans ce métier. J’ai beaucoup de gratitude pour tout ce qui m’arrive. Mon père avait le bonheur facile, et j’ai hérité ça de lui.
Ces dernières années, tu t’es beaucoup engagé pour la cause du cancer colorectal, cancer qui a prématurément emporté ton père. As-tu poursuivi cet engagement?
Non, il y a un nouvel ambassadeur. J’ai dit ce que j’avais à dire à ce sujet et fait ce que j’avais à faire. J’ai porté le message pendant six campagnes. Je considère que le fait de faire campagne avec un nouveau visage et une nouvelle histoire, ça permettra de renouveler le message. Je suis très content de ce que nous avons fait. J’ai reçu des témoignages extraordinaires de gens qui ont vu la campagne, qui ont passé des tests et qui ont découvert qu’ils avaient un cancer colorectal de stade 1 ou des polypes. Sans ces campagnes, ils n’auraient jamais pensé à consulter. Les campagnes ont littéralement sauvé des vies! Ça, pour moi, c’est très valorisant.
Pour connaître les dates de la tournée Les BB par Ludovick Bourgeois et ses autres projets musicaux: ludovick.ca.