Ludivine Reding à l’état pur
Laurence Beaudoin-Masse
Le fil Instagram de Ludivine Reding déborde de couchers de soleil, de fleurs, de sourires, de maillots de bain, de ciels bleus et de jolis minois. Je fouine dans ses photos tout en guettant son arrivée au café où elle m’a donné rendez-vous. Je veux m’imprégner de son image publique avant de la rencontrer pour vrai.
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Je lis les commentaires, j’essaie de m’imaginer comment on se sent quand on reçoit des dizaines de milliers de likes sur le cliché de sa nouvelle coupe de cheveux. Indiscrète, je fouille encore, je cherche une faille, un secret dissimulé dans les images parfaitement imparfaites. Oh! je suis terrible, je sais... Je l’avoue candidement, j’ai longtemps été jalouse des Ludivine de ce monde. Du grand privilège qu’elles ont, pensais-je, d’être belles et populaires. Adolescente, j’ai souvent imaginé que tout était beaucoup plus facile pour elles. Aujourd’hui, je me demande si le fait d’être une «belle fille» est aussi enviable que j’aimais le croire à l’époque. À l’heure convenue, Ludivine déboule dans le café, sa tuque est couverte de neige, un grand sourire éclaire son visage. Emmitouflée dans son large foulard, elle me demande si je veux boire quelque chose. Je découvre rapidement qu’il est à peu près impossible de ne pas se sentir bien en sa présence. Ludivine a cette énergie délicate et lumineuse, elle est à la fois solide et sensible.
Un café en main, elle me parle des tournages de la série STAT, diffusée à Radio-Canada depuis l’automne. C’est la première fois qu’elle incarne un personnage de son âge, soit 26 ans. Parmi les têtes d’affiche, elle est la plus jeune. «Il faut trouver du fun dans les moments où les attentes sont très élevées. J’aime voir des femmes comme Suzanne Clément ou Geneviève Schmidt travailler, elles sont de véritables sommités dans leur domaine. Leur énergie est contagieuse. J’apprends beaucoup en les observant.» Je la questionne sur le rythme de tournage effréné et le défi colossal que ça doit représenter. «On est une équipe dans cette aventure pas possible et tellement trippante, mais un peu folle sur les bords. Je suis toujours prête à relever des défis comme celui-là. C’est déstabilisant dans le bon sens. Je me sens choyée d’être avec des gens aussi généreux et rassembleurs. Je parle des acteurs, mais de l’équipe technique aussi. Le contact humain, c’est ce que j’aime le plus de mon travail. C’est un métier magnifique.» Je comprends qu’elle se sente privilégiée, n’empêche, je me dis que la pression qui pèse sur ses épaules doit parfois être immense. «C’est un métier dont on voit souvent les beaux côtés, mais c’est aussi très exigeant. Le regard des autres, c’est intense. Il y a toujours des gens qui sont en train de t’évaluer. Tout le monde a son opinion sur toi. Je mets beaucoup de moi dans mes rôles, alors quand je lis des commentaires négatifs, ça vient chercher quelque chose d’intime et de profond.»
J’ai envie de savoir si elle a l’impression que les gens sont plus durs avec elle parce qu’elle est jeune, qu’elle est belle et qu’elle est une femme. «Quand la diffusion de STAT a commencé, j’ai reçu beaucoup de critiques. D’abord sur le personnage que j’incarne, Sophia St-Jean. Ensuite, les attaques sont devenues très personnelles, sur mon corps, ma façon de jouer ou ma personnalité. Et en y réfléchissant avec Marie-Andrée Labbé, l’autrice de la série, on a vu ça comme une forme de sexisme. J’incarne une jeune infirmière blonde qui fréquente un bel urgentologue, et c’est comme si on s’attendait à ce qu’elle soit parfaite et irréprochable. Mais puisqu’elle prend des décisions qui s’écartent de ce à quoi on s’attend d’elle, ça choque les gens. Ils auraient voulu que le seul rôle de mon personnage dans l’histoire soit celui de femme idéale.»
Si Ludivine accepte de me parler des commentaires qu’elle reçoit, elle insiste pour que je sache qu’elle n’y accorde pas vraiment d’importance et qu’elle s’estime simplement chanceuse d’être bien entourée. «Sur Instagram, certaines personnes insinuent que si je montre mon corps, c’est pour avoir des rôles. J’ai aussi reçu des messages où l’on me dit de manger plus. Comme si une fille mince était nécessairement anorexique. Mon corps est juste fait comme ça. À la longue, ça joue dans la tête. J’évite les photos en bikini maintenant, parce que j’ai reçu des messages de personnes qui me disaient que je suis un mauvais exemple et qu’elles ne voulaient plus me suivre. Je n’ai pas envie d’être jugée. Je trouve ça très intrusif. Si mon profil existe, c’est pour partager les beaux moments.»
C’est ce qui me paraît injuste dans le traitement qu’on réserve aux belles jeunes femmes. J’ai le sentiment que, dans l’œil du public, elles sont souvent perdantes. Si elles ne sont pas suffisamment élégantes ou féminines, on le leur fait savoir. Si elles jouissent de leur corps ou de leur image, on le leur reproche. Et lorsqu’elles ont du succès, on leur dit elles ne l’ont pas mérité. Comme si leur seul rôle était de plaire. Moi qui suis très sensible à la critique, je me demande comment on fait pour composer avec ça au quotidien. «Ç’a vraiment été un travail. J’ai demandé conseil à des gens qui évoluent dans le milieu depuis longtemps, et j’ai appris à me faire une carapace. Ça fait grandir, j’ai dû me défaire de l’illusion qu’on peut plaire à tout le monde. Parce que c’est tout simplement impossible.»
Grandir dans l’œil du public, ça doit influencer la relation qu’on développe avec soi-même. «Le regard du public est vraiment arrivé, pour moi, à l’âge de 21 ans, avec Fugueuse. C’était tellement intense, ça m’a fait vieillir rapidement.» Ludivine commence à travailler devant la caméra à l’âge de 4 ans. Enfant, elle passe des auditions, participe à des publicités et fait du doublage. Puis, vers l’âge de 16 ans, elle décroche un premier «vrai» rôle à la télé, dans la série La théorie du K.O., ce qui lui permet d’apprendre son métier auprès de comédiens chevronnés. «Quand je regarde mon travail d’il y a 10 ans, c’est parfois un peu embarrassant, mais je suis vraiment fière de voir à quel point j’ai évolué. Le fait de ne pas sortir d’une école de théâtre aurait pu me gêner ou me complexer, mais au contraire, j’ai appris de chacune de mes expériences. J’ai appris dans les studios de doublage. J’ai appris en regardant travailler des gens qui avaient 50 ans de métier. Et ça fait en sorte que je suis devenue une meilleure comédienne et une meilleure personne.»
Puis, en 2019, arrive le succès fulgurant de la série Fugueuse, dans laquelle Ludivine tient le rôle principal. Pour elle, ça change tout. Du jour au lendemain, c’est comme si tous les regards se braquaient sur elle. «Le piège, je pense, quand on devient populaire rapidement, c’est d’être prise dans le tourbillon et de ne jamais vivre le moment présent. Tout allait tellement vite! Je ne m’attendais pas à ça, je n’étais pas préparée du tout. À l’époque, on n’avait aucune idée de comment la série allait être reçue. Et c’est seulement 10 mois plus tard, quand je suis partie en voyage, que j’ai eu le temps de reprendre mon souffle et de comprendre tout ce qui venait de se passer. J’ai réalisé que je n’avais vécu aucun moment à 100%. J’étais constamment sollicitée, j’avais toujours peur d’être en train de manquer quelque chose.» J’entends que c’est merveilleux de vivre un succès comme celui de Fugueuse, mais que ça peut aussi être très déstabilisant sur le plan personnel. «Apprivoiser ma nouvelle réalité, redevenir la Ludivine d’avant pour mes amis et pour mes proches a été un gros défi. Aujourd’hui, je sens que je suis revenue à la base. Je n’ai pas l’impression d’avoir tant changé en fin de compte. Je reste la même personne terre à terre qui aime passer du temps avec ses amis et sa famille. C’est ce qui est le plus important pour moi. Oui, c’est le fun, le succès, mais il ne faut pas se laisser prendre par ça. Ce n’est vraiment pas ce qui compte.» Ce qui me frappe chez Ludivine, c’est qu’elle place ses amis et sa famille au cœur de son univers. S’occuper de son petit monde, c’est la meilleure façon qu’elle a trouvée pour prendre soin d’elle et de sa santé mentale.
Depuis l’automne, Ludivine est aussi porte-parole de la nouvelle gamme de produits de beauté Oceanly, d’Attitude. «Ça me fait du bien de prendre soin de ma peau, je travaille beaucoup avec mon visage. Le fait que les produits soient naturels, bons pour l’environnement et sains est important pour moi. Comme les emballages ne renferment aucun plastique, ils sont entièrement compostables. J’utilise ces produits depuis plusieurs mois, et c’est fou comme ma peau les aime. En plus, ils sont faits au Québec.»
Nos tasses sont vides. Le temps file alors que le ciel se détache en gros flocons duveteux. Ludivine remet sa tuque, son foulard. Je sais qu’elle ira rejoindre son amoureux et ses chiens-saucisses, bien au chaud chez elle, à l’abri du froid de février. En la regardant partir, je réalise que je ne suis plus l’adolescente envieuse que j’ai déjà été. La douce puissance des Ludivine de ce monde m’apaise, elle me fait le plus grand bien.