Les tatouages haussent le risque de certains cancers


Richard Béliveau
Une étude scandinave rapporte une augmentation du risque de cancers de la peau et de lymphomes chez les personnes tatouées.
Les tatouages sont devenus au cours des dernières années de plus en plus populaires: selon les dernières enquêtes, 51% des millénariaux et 43% de la génération X ont un ou plusieurs tatouages, une proportion beaucoup plus élevée que celle observée chez les générations plus âgées (17% chez les boomers).
Autrefois réservée à des groupes marginaux, cette pratique s’est donc fortement popularisée et est maintenant réalisée par des professionnels qui appliquent des règles d’hygiène strictes pour éviter la contamination par des virus ou bactéries via les instruments utilisés.
Pigments cancérigènes
Un aspect plus inquiétant du tatouage est l’impact des particules d’encre utilisées lors de la procédure d’injection sur la santé à long terme.
Des études ont montré que ces particules pouvaient s’accumuler dans les ganglions lymphatiques situés à proximité du site d’injection et pourraient donc interférer avec les cellules immunitaires qui résident dans ces structures.
L’encre noire, qui est la plus fréquemment utilisée, contient généralement des produits de suie comme le noir de carbone, classé comme potentiellement cancérigène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, ainsi que des sous-produits de combustion comme le benzo[a]pyrène, lui aussi classé comme substance cancérigène.
Les encres de couleur contiennent quant à elles des composés de type azo qui peuvent relâcher des amines aromatiques carcinogènes à la suite d’une exposition à la lumière du soleil, ou encore lors des traitements au laser utilisés pour enlever les tatouages.
Tous ces facteurs, de même que l’inflammation locale causée par ces molécules, pourraient donc générer des conditions propices au développement du cancer, tant au niveau de la peau qu'au niveau des ganglions.
Lymphomes et cancers de la peau en hausse
Pour explorer cela, une étude danoise a examiné l’incidence de lymphomes et de cancers de la peau chez une population de jumeaux recrutés dans le cadre de la Danish Twin Tattoo Cohort (1).
Ce type d’étude portant sur des jumeaux est très utile, car ces personnes partagent des caractéristiques génétiques communes et ont été généralement exposées à un environnement de développement similaire, ce qui réduit l’influence de ces facteurs extérieurs sur le développement du cancer. C’est une population idéale pour étudier des problèmes comme celui-ci.
Globalement, sur le plan individuel, l’étude montre tout d’abord que la présence de tatouages est associée à une augmentation de l’ordre de 60% du risque de cancer de la peau. Chez les paires de jumeaux dont un seul est tatoué, on observe une hausse du risque du même ordre, ce qui suggère fortement que c’est l’exposition à l’encre des tatouages qui est en cause.
Un autre volet important de l’étude a examiné l’incidence de cancer de la peau et de lymphomes selon la taille des tatouages: on observe que dans les deux cas, les tatouages qui excèdent une taille équivalente à la paume de la main sont associés à une hausse très importante du risque, qui atteint 237% pour le cancer de la peau (carcinomes basocellulaires) et 273% pour les lymphomes.
Il est à noter que cette hausse du risque de lymphomes a également été observée lors d’une étude antérieure (2), ce qui confirme que ce risque est bien réel.
Une meilleure compréhension des mécanismes biochimiques en cause devient donc importante, lorsqu’on considère la hausse actuelle du nombre de jeunes adultes tatoués. Les travaux de recherche sont en cours.
Références
(1) Clemmensen et coll. Tattoo ink exposure is associated with lymphoma and skin cancers – a Danish study of twins. BMC Public Health 2025; 25: 170.
(2) Nielsen C et coll. Tattoos as a risk factor for malignant lymphoma: a population-based case-control study. EClinicalMedicine. 2024;72:102649