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Environnement

La transition écologique est injuste envers les femmes: des solutions féministes nécessaires

Thierry Laforce / Agence QMI
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-11-05T11:00:00Z
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«Tout ce qui est bon pour l’environnement l’est aussi pour les femmes», prévient le Conseil des Montréalaises dans un nouvel avis qui documente pour la première fois au Québec les conséquences disproportionnées de la crise climatique sur les femmes.

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Les scientifiques et les organisations internationales le mentionnent depuis longtemps: la crise climatique creuse les inégalités sociales et affecte particulièrement les personnes vulnérables. Et puisqu’elles sont surreprésentées dans cette catégorie, les femmes en subissent davantage les conséquences. 

«C’est surtout vrai pour celles qui sont à la croisée de plusieurs vulnérabilités comme les femmes racisées, plus âgées, en situation de handicap ou les femmes de la communauté 2ELGBTQQIA+», souligne la chercheuse à l’Observatoire québécois des inégalités, Marianne-Sarah Saulnier, qui cosigne l’avis du Conseil des Montréalaises publié mercredi. 

Pourtant, les gouvernements ne prennent que très rarement en compte cette réalité dans leur plan d’action pour le climat. 

«Ce sont surtout les comportements individuels qui sont mis de l’avant dans la transition écologique, fait valoir la chercheuse. Au bout du compte, la charge de s’adapter aux changements climatiques repose sur leurs épaules. Manger moins de viande, composter, recycler, fabriquer soi-même les produits ménagers: ce travail reproductif est effectué à 80% par les femmes.» 

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La transition écologique est injuste, révèle ainsi le rapport à l’intention des élus montréalais. 

Des Montréalaises plus vulnérables à la crise climatique

«Si on regarde la carte des îlots de chaleur de la ville, je vis dans une zone orange foncé. Dans mon petit 3 et demi quand il fait chaud, il fait très chaud. Probablement que si j’avais un revenu plus élevé, je n’habiterais pas ici. Je déménagerais dans un endroit où il y a plus de verdure, où la qualité de l’air est bien meilleure», raconte Lucie Huart, résidente du quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. 

Lucie Huart habite le quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve depuis une quinzaine d'années.
Lucie Huart habite le quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve depuis une quinzaine d'années. Thierry Laforce / Agence QMI

La Montréalaise de 70 ans habite un logement non subventionné dans une coopérative d’habitation depuis près de 15 ans. Elle paye un peu moins de 500$ par mois. 

Elle se dit «privilégiée» d’avoir un appartement aussi abordable — ses revenus étant à peine au-dessus du seuil de pauvreté — quoique situé à 400 mètres de la zone portuaire et de la sucrerie Lantic, un des 100 plus gros pollueurs au Québec

«Je constate que les nuisances vont en augmentant d’année en année, observe Mme Huart. La qualité de l’air se détériore. Mes problèmes respiratoires se sont accentués et j’ai reçu plusieurs témoignages de voisins et voisines qui vont dans le même sens.» 

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Comme plusieurs femmes dans sa situation économique vivant dans le quartier Hochelaga, elle se considère comme plus vulnérable aux changements climatiques. 

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«Quand on superpose les cartes de défavorisation matérielle de la ville de Montréal et les cartes d’îlots de chaleur et de zones inondables, la révélation est presque parfaite, explique Marianne-Sarah Saulnier. Les quartiers les plus visés par les effets de la crise climatique sont aussi les plus pauvres. La capacité de résilience n’est donc pas la même partout ni pour tout le monde.» 

En tout, onze arrondissements plus sensibles aux effets des changements climatiques, dont Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, ont été ciblés par l’avis. 

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Favoriser les déplacements actifs et sécuritaires

Il y a 20 ans, Lucie Huart a décidé de se départir de sa voiture par souci environnemental. Elle se déplace à pied et en transports en commun, qui sont plutôt efficaces dans son quartier. 

«Pour aller marcher, c’est une autre histoire, dit-elle. Il manque vraiment d’espaces sécuritaires et un semblant de nature pour les piétons. Les espaces verts sont rares. J’essaie de marcher le plus souvent dans les ruelles où il y a moins de béton, surtout lors des journées de grandes chaleurs.» 

Elle appréhende malgré tout le jour pas si lointain où elle devra déménager. 

«Avec le temps, mes capacités physiques diminuent», explique celle qui a été victime d’un accident de travail il y a plusieurs années. «Je peux de moins en moins participer aux corvées de la coopérative et monter les escaliers vers le troisième étage devient plus difficile.» 

Mme Huart doute qu’elle ait accès à un logement abordable, dans un arrondissement aussi bien desservi par les transports en commun. 

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«Quand je regarde le marché locatif même à l’extérieur de Montréal, au prix que je paye actuellement, je n’aurai même pas un taudis, déplore-t-elle. Je ne fais pas de folles dépenses et j’arrive kif-kif. Quand je devrai déménager, je ne sais pas comment j’y arriverai.» 

L’accès aux transports en commun et à des lieux sécuritaires fait d’ailleurs partie des 15 recommandations du Conseil des Montréalaises pour assurer une transition écologique plus juste envers les femmes. 

«Ce qui est bon pour le climat est bon pour les femmes», résume Marianne-Sarah Saulnier. 

L’ajout de lignes d’autobus, le verdissement des quartiers défavorisés, les projets pour diminuer les îlots de chaleur: ce sont tous des comportements qui augmentent la qualité de vie des personnes vulnérables et l’adaptation aux changements climatique du même coup. 

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