Léa Roy s’ouvre sur son rôle difficile à jouer dans L’empereur
Michèle Lemieux
Attirée par le jeu depuis toujours, Léa Roy a mis du temps avant d’assumer pleinement son choix. Après un bac en communication et littérature, elle a fait son entrée au Conservatoire et a décroché, dès sa sortie, un rôle dans la série L’empereur. L’actrice y incarne Rosie, une jeune femme agressée sexuellement qui en vient à s’automutiler. Un grand défi qu’elle relève brillamment!
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Léa, vous êtes au coeur d’une production qui fait beaucoup parler: la série L’empereur. Comment se prépare-t-on à interpréter un personnage comme Rosie?
C’est un rôle qui n’est pas facile... C’est assurément la trame narrative la plus difficile que j’aie eue à défendre jusqu’à présent. J’y ai pensé à deux fois avant d’accepter le rôle. Je savais qu’il allait m’amener dans des zones troublantes. J’ai terminé l’école de théâtre l’année dernière, peu de temps avant de commencer à tourner. À l’école, on avait beaucoup insisté sur le fait que le jeu n’est pas de la thérapie. Alors autant je m’investis pour accéder à une vérité dans le jeu, autant je garde une certaine distance. Toutes mes scènes de tournage comportaient des pleurs, des scènes d’automutilation. Je n’avais pas d’expérience sur ce plan. Il y a eu beaucoup de préparation pour que je puisse jouer en toute liberté.
Vous deviez ressortir épuisée de ces journées...
Oui, surtout physiquement. Émotionnellement, je pouvais faire la distinction entre mon personnage et moi. Quand je rentrais chez moi, je regardais la télé, tranquille... (sourire) Je voulais rendre justice aux gens qui ont vécu des agressions sexuelles et des épisodes d’automutilation. J’ai donc eu l’occasion de discuter avec quelqu’un qui avait vécu cette expérience. Le réalisateur et moi avons aussi écouté un podcast sur le sujet. C’est très complexe. Il fallait donner tout son sens à ces gestes et comprendre pourquoi Rosie s’automutilait. Au Conservatoire, j’avais joué un personnage victime d’agression sexuelle. J’avais donc un repère. Je me sentais plus en confiance.
Revenons aux origines de cette passion pour le jeu. À quel moment avez-vous souhaité devenir actrice?
Honnêtement, depuis toujours. Je suis enfant unique. Comme je n’avais ni frère ni soeur, je m’imaginais des amis, je m’inventais des mondes. J’avais une créativité débordante. Je suis allée à l’université, j’ai fait un bac en communication et littérature à Concordia. Je me cherchais un peu.
Vous ne vous sentiez pas tout à fait capable d’assumer le fait d’être une actrice?
Effectivement, mais je le savais. J’aimais beaucoup l’école et je refusais de penser que j’allais faire une école de théâtre. J’avais le sentiment que c’était un trop gros défi pour moi, que j’allais trop avoir le trac pour jouer sur scène. Puis, à 23 ans, après avoir terminé mon bac, j’ai décidé de me lancer. J’avais acquis la confiance nécessaire. Il fallait que je sois prête, et je l’étais.
Votre bac vous procure-t-il une certaine sécurité intérieure?
Oui, et ça sert à pallier le sentiment d’imposture qui m’a habitée pendant mon adolescence. Je doutais de pouvoir faire carrière dans le jeu. C’est un métier difficile... Beaucoup de jeunes acteurs peinent à y faire leur place.
Vos parents vous ont-ils soutenue dans cette démarche?
Mes parents se sont toujours doutés que j’allais jouer un jour. Ils ne sont pas du tout de ce milieu: ma mère est psychologue, mon père travaille en informatique. Je suis la seule de ma famille dans ce métier. Ils m’encourageaient à essayer plein de choses. J’aimais l’école et j’avais de la facilité avec les études. Ils m’ont toujours soutenue. Puisque j’ai joué lorsque j’étais enfant et ado, notamment dans Tactik, L’Académie, 19-2 et en doublage, ma mère a été vraiment présente dans mon parcours. Avec l’école de théâtre, je n’allais plus avoir de sentiment d’imposture si je pratiquais ce métier. Je voulais avoir étudié dans le domaine. Cela dit, plein d’acteurs ne passent pas par une école et ils sont fabuleux. Pour ma part, j’avais besoin de ça pour me sentir professionnelle.
Vos parents n’ont donc pas été étonnés par votre désir d’aller au Conservatoire?
Non. À la maison, nous avons toujours beaucoup regardé la télé. Nous soupions devant la télé. Pour nous, c’était l’occasion de discuter de ce que nous regardions. Nous avions de riches discussions sur les séries. Encore aujourd’hui, même si je suis en appartement, je retourne chez mes parents pour regarder des séries avec ma mère. C’est une tradition que nous avons gardée.
Vos parents apprécient que vous retourniez aussi souvent à la maison?
Oui, surtout que mon départ de la maison est somme toute récent. J’avais 25 ans lorsque je suis partie. Lorsque j’ai déménagé, l’année dernière, ç’a été un moment émotif pour nous trois. Je pleurais en signant le bail... pas de joie ni de tristesse, mais de nostalgie. C’était la fin d’une époque. Comme je n’ai pas de laveuse et de sécheuse chez moi, je retourne régulièrement chez mes parents pour faire mon lavage... (sourire)
Puisque vous avez du temps dans ce métier, cultivez-vous des passions?
Oui. Je lis beaucoup, je regarde des films, je vais au cinéma et au théâtre. Je fais du yoga, du ski, je m’entraîne aussi. J’essaie de garder l’instrument accordé. Je cuisine. J’aime tout ce qui est de seconde main: les vêtements et les objets vintage. Je vois mes amis, je vais au resto et j’écris un peu. J’explore ce côté de moi. Mon métier vient avec des périodes de tournage très intenses suivies de mois sans contrat.
Et si vous aviez la possibilité de choisir votre prochain mandat?
Le cinéma est mon média de coeur. J’aimerais avoir un premier rôle au cinéma, quelque chose qui soit loin de moi, par exemple une bum qui me permettrait d’explorer l’énergie masculine en moi. Je parle anglais et j’auditionne en anglais. J’aimerais bien décrocher un rôle dans cette langue un jour...
Voyez la finale de la saison 2 de L’empereur le mercredi 28 février, à 20 h, sur Noovo. Léa sera de la cohorte 2024 du Centre national des Arts, dans la pièce Faire le bien, qui sera ensuite présentée au Théâtre du Rideau Vert à l’automne. Elle jouera dans la pièce Deux femmes en or en tournée, où elle reprendra le rôle de Charlotte Aubin.