Le Canada de Justin est-il enfin mort?


Guy Fournier
En créant le ministère de la Culture et de l’Identité canadienne, Mark Carney a-t-il sonné le glas du Canada postnational?
De toutes les déclarations de Justin Trudeau, la plus surprenante fut sûrement celle de décembre 2015 au New York Times : «Il n’y a pas de courant dominant au Canada. Il y a des valeurs partagées... Ces qualités font ce qui fait de nous le premier État postnational».
D’ici à l’élection d’un nouveau gouvernement, c’est au ministre Steven Guilbeault qu’appartient la tâche de redonner au Canada une identité qui fera oublier celle baroque et utopique imaginée par ce jeune premier ministre débonnaire et complaisant, fils d’un père légaliste qui avait fait adopter la loi des langues officielles, mais qui avait aussi proclamé le multiculturalisme.
Ce mot, le premier ministre Carney s’est bien gardé de le prononcer lors de son assermentation. Il a plutôt déclaré «que le Canada est un pays construit sur le roc de trois peuples : indigène, français et britannique».
Orientation à corriger
Avec le bagage qu’il a sur les épaules, le ministre Guilbeault arrivera-t-il dans le peu de temps dont il dispose à corriger durablement l’orientation qu’ont prise les divers organismes culturels qui sont sous la tutelle de Patrimoine Canada? Radio-Canada, le Conseil des Arts, le Fonds des médias, Téléfilm, les musées et tant d’autres organismes semblables sont devenus à ce point multiculturels que n’importe qui et son père peuvent bénéficier de leurs largesses et de celles du ministère, quelle que soit la langue de leurs projets. C’est ça être «postnational» !
Le premier ministre Carney a eu l’intelligence de dire «que la question de l’identité canadienne est beaucoup plus large que seulement la question des langues officielles». L’identité, elle s’affirme et elle s’assure par la télévision, le cinéma, le théâtre, les arts visuels, la radio, la musique, et, de façon encore plus significative, par l’éducation, par l’histoire, par les plateformes numériques et par l’intelligence artificielle.
De l’argent, beaucoup d’argent
Si le nouveau premier ministre est sérieux dans la création du ministère de la Culture et de l’Identité canadienne, il lui faut être prêt à le doter de moyens financiers conséquents. Le budget du ministère pourrait bien être le double et le triple de ce qu’est actuellement celui de Patrimoine Canada.
Et je ne dis rien du financement de notre diffuseur public. CBC doit être le principal artisan de l’identité canadienne comme Radio-Canada fut à l’époque, malgré l’hostilité des premiers ministres Pierre-Elliott Trudeau et Jean Chrétien, un important vecteur de l’identité québécoise. Inutile d’ajouter que dans ce contexte, la promesse répétée de Pierre Poilièvre de définancer la CBC ne saurait être plus mal avisée.
S’il est une élection où paroles et promesses pesées et réfléchies doivent se substituer aux insultes mesquines et aux politicailleries, c’est bien celle qu’on déclenchera dans les jours qui viennent.