Le «Buy American» va faire mal aux entreprises québécoises
C’est particulièrement vrai pour nos producteurs de matériaux de construction


David Descôteaux
Le discours protectionniste du président américain n’a rien de rassurant pour les entreprises québécoises, qui sont de plus en plus nombreuses à déménager aux États-Unis pour se plier aux règles.
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Dans son discours sur l’état de l’Union mardi soir, le président américain Joe Biden a promis de resserrer davantage les règles d’achat pour les projets d’infrastructures au pays.
«Pour exiger que tous les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructure fédéraux soient fabriqués en Amérique», a-t-il promis devant le Congrès.
Le président a nommé le bois, le verre, les cloisons sèches et les câbles à fibres optiques, ainsi que les matériaux utilisés dans les routes et les ponts, comme certains intrants qui devraient maintenant être fabriqués aux États-Unis. Si la mesure vise principalement la Chine, elle frappera aussi les entreprises canadiennes.
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On déménage
En plus de nuire à la compétitivité des entreprises québécoises, ce nouvel élan protectionniste pourrait accentuer leur fuite aux États-Unis.
«On l’entend depuis quelques années. Des gens disent : “pour me plier aux exigences, j’ai dû m’ouvrir une petite usine, un bureau, sinon j’ai dû trouver des partenaires locaux pour faire une partie de la fabrication”», dit Richard Blanchet, PDG de Sous-traitance industrielle Québec (STIQ).
«Dans les matériaux de construction ou les véhicules électriques, entre autres, les entreprises vont s’établir de l’autre côté de la frontière pour accéder aux marchés publics, sinon ils n’y ont pas accès», renchérit Véronique Proulx, présidente--directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec. «Ce sont des investissements que l’on perd au profit des Américains», ajoute-t-elle.
Fuir le risque
Un entrepreneur québécois qui brasse de grosses affaires aux États-Unis le confirme.
«Quand une entreprise investit, elle le fait pour 20-25 ans. Va-t-elle choisir Sherbrooke ou Burlington, ne sachant pas si les menaces de protectionnisme se concrétiseront? Elle ira à Burlington parce qu’on investit là où il y a le moins de risques», dit-il.
Quand on pense conflit commercial, on pense au bois d’œuvre. Mais dans ce cas-ci, le discours de Biden ne changera pas grand-chose.
«On est en litige depuis 2017 », rappelle Michel Vincent, directeur, Économie et marchés chez Conseil de l’industrie forestière du Québec. « Les Américains consomment environ 55 milliards de PMP [pieds mesure de planche], et ils sont capables d’en produire seulement 37 milliards. Ils en ont donc besoin de 30 % de plus. Pour nous, ce discours-là, c’est du vent. C’est le Canada qui comble ce 30 pour cent là en grande partie», explique-t-il.
La diplomatie en renfort
Comment alors combattre cette tendance? Par la diplomatie, suggèrent la plupart des intervenants, dont Simon-Pierre Savard-Tremblay, député du Bloc Québécois qui nous a parlé en direct du Capitole aux États-Unis, en mission parlementaire.
«J’aborde le sujet avec des élus au Capitole et la plupart apprennent la situation quand je leur explique. On a un travail diplomatique encore important à faire. Quand Joe Biden va venir au Canada en mars, il faut que le protectionnisme soit en tête de liste des discussions», dit-il.
–Avec la collaboration de Valérie Lesage.
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