Simon Boulerice révèle qui est l'artiste qu'il aimerait le plus interviewer
Patrick Delisle-Crevier
Il a écrit pas moins d'une cinquantaine de livres, il est l'un des auteurs de la nouvelle mouture de la populaire émission Passe-Partout, il a été chroniqueur à l'émission Cette année-là et, cet été, il est l'un des chroniqueurs de l'émission Sucré salé. Entrevue avec l'homme de 38 ans qui nous parle de son enfance, de ses multiples projets, de son couple et de sa décision de ne jamais être père.
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Simon, te voilà chroniqueur à l'émission Sucré salé cet été...
Oui, j’avais bien hâte! J’ai passé une audition et je suis content d’avoir réussi à décrocher ce poste, d’autant plus que j’aime beaucoup Patrice. C’est donc un été bien spécial pour moi, même si c’est dans des circonstances un peu particulières à cause de la pandémie. Mais tout ça se fait dans la plus grande joie.
À quoi peut-on s’attendre de tes chroniques au cours de l’été?
Je fais des entrevues avec des artistes et je me promène, tout ça de façon sécuritaire. Il y a quelques années, j’ai mené des entrevues pour l’émission Formule Diaz et ce fut une belle expérience. C’était souvent avec des gens de théâtre que je connaissais déjà bien. Mais là, avec Sucré salé, je me lance tête première vers quelque chose de nouveau. Je suis très scolaire dans ma façon de travailler, alors c'est certain que j'arrive bien préparé à mes entrevues. En même temps, mon côté spontané et naturel fait en sorte que, parfois, je laisse complètement mes notes de côtés et me mets à jaser et vivre le moment présent.
Si je te donnais carte blanche, qui aimerais-tu le plus recevoir en entrevue?
C’est certain que je me tournerais vers une personne qui donne très peu d’entrevues, comme Clémence DesRochers. J’aime tellement cette femme! Je rêve de jardiner avec elle pendant une entrevue. J’aimerais voir comment elle fait son jardin. Clémence serait vraiment mon must, elle m’émeut depuis tellement d’années... Elle a fait partie de mon enfance, en filigrane puisque je l'ai découverte à travers une de mes tantes, qui l'aimait beaucoup. J'étais très jeune et je ne comprenais pas tout de ses monologues, mais j'aimais son autodérision, la poésie dans son humour. Je pense même que ça a dirigé plusieurs de mes choix dans cette envie de faire se côtoyer le drame et la comédie.
Et devant qui serais tu particulièrement intimidé?
Je le serais surtout avec des gens qui me semblent hors d’atteinte. Je pense notamment à Diane Dufresne, à son aura un peu intimidante tellement il semble y avoir quelque chose de presque opaque autour d’elle. J’aurais peur de ne pas pouvoir accéder à ce qu’elle est et je serais vraiment intimidé de me retrouver devant un tel monstre sacré.
Quand tu étais petit, voulais-tu être auteur ou comédien?
Avant d’aimer la littérature, j’ai passé mon enfance devant la télévision, parce qu’à l’époque, lire un livre, ce n’était pas évident pour moi, c’était même difficile. Je jalousais ma sœur car, quand elle lisait, une espèce de bulle se créait autour d’elle, alors que moi je n’arrivais pas à me plonger dans la lecture. La télévision m’était donc beaucoup plus facile et accessible. J’écoutais beaucoup de séries et aussi des émissions consacrées aux entrevues. J’adorais écouter Ad Lib avec Jean-Pierre Coallier et l’émission de Sonia Benezra, que j’écoutais religieusement avec ma mère. Comme je rêvais de chanter, j’adorais les performances. J’aimais aussi le cinéma, puisque j’ai grandi dans un club vidéo dont mes parents étaient les propriétaires.
Quel genre d’enfant étais-tu?
Je rêvais d’être dans la télévision et je saisissais toutes les opportunités qui se présentaient pour réaliser ce rêve même si, étant un petit gars de Saint-Rémi qui ne venait pas souvent dans la grande ville, j’étais assez éloigné de ce monde. J’ai participé à plein de concours d’art oratoire et j’ai aussi joué un petit rôle dans un téléroman pour la télévision communautaire. Je suis arrivé au cégep à 17 ans, en littérature, et ça a un peu dessiné les années qui allaient suivre. Puis, un jour, j’ai donné la réplique à ma coloc pour les écoles de théâtre et on m’a dit que j’avais quelque chose de rare: la justesse. Mon parcours a donc dévié et je me suis retrouvé à étudier en théâtre à Sainte-Thérèse. Dès que je suis sorti de l’école, j’ai eu un contrat en théâtre jeunesse qui impliquait une grosse tournée et ça a orchestré ma vie les années suivantes. J’ai même refusé une offre pour un rôle au cinéma afin d’honorer mon contrat, tout ça en me disant que les offres allaient revenir à un moment donné... mais elles ne sont jamais revenues. Le théâtre jeunesse m’a formé et m’a permis de voyager partout dans le monde. Finalement,l’audition pour Cette année-là s’est présentée et je voulais absolument travailler avec Marc Labrèche. C’est ce qui m’a éloigné, après 10 ans, du théâtre jeunesse.
Tu as écrit la série Six degrés, qui aurait dû être présentée actuellement. Qu’en est-il?
Oui, on devait la présenter à la fin mai, mais on a dû tout arrêter en plein cœur du tournage. Je m’étais même écrit un petit rôle, celui du professeur de français, qui est inspiré de mon professeur à moi, celui qui m’a enseigné en troisième et cinquième secondaire, l’auteur Serge Boucher. Il a complètement changé ma vie. Un jour, Serge m’a attribué la note de 99 %. Il m’a permis de découvrir que j’avais un certain talent pour l’écriture et ça m’a vraiment aidé à sortir de ma coquille. Je suis dans l’écriture de la saison 2 en ce moment, et je me fais encore plus plaisir en faisant en sorte que mon personnage soit encore plus présent.
Quel genre d’enfant étais-tu?
Extrêmement sage, pas turbulent du tout. J’étais un enfant calme et très contemplatif. Je regardais tout ce qui se passait autour de moi et je ne parlais pas beaucoup. En même temps, en classe, j’étais parfois celui qui dérangeait parce qu’il parlait trop. J’ai donc toujours eu cette fluctuation entre le fait de me plonger dans la lumière et de m’en éloigner. Dernièrement, je me suis un peu replongé dans mon enfance pour l’écriture de mon prochain roman, qui devrait sortir en septembre. Il s’agit de trois souvenirs d’enfance revisités et mon texte va s’appeler Pleurer au fond des mascottes.
As-tu eu une adolescence difficile?
Oui et non. Ça a souvent été difficile, mais j’avais un atout, puisque j’ai toujours cru que même si ce n’était pas le fun sur le moment et que j’en bavais, je savais que les beaux jours viendraient et que ce serait plus facile à un moment donné. Je ne garde pas un bon souvenir de mes années de secondaire. Quand je me rends dans les écoles pour des conférences, je me rends compte que c’est encore un lieu anxiogène pour moi. Mais, en même temps, quand je vais dans de tels endroits pour parler de mes livres, j’ai l’impression que ces paroles-là sont nécessaires. Tant mieux si je peux représenter un modèle pour certains, parce que ça a été dur. J’ai souvent été intimidé... Un jour, on m’a même écrasé un petit gâteau Vachon dans les cheveux et je ne m’en suis jamais remis. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression que mes cheveux sentent le caramel. En dépit de tout ça, j’ai une vie heureuse et sereine.
Tu n’as jamais ressenti le besoin de cacher ton homosexualité?
Non, je ne me suis jamais posé la question! Je suis un livre ouvert. À mes débuts, j’avais parlé de mon homosexualité dans un quotidien dans le cadre d’une entrevue, et mon père n’avait pas compris pourquoi je l’avais fait. Il était déçu parce qu’il voulait faire lire l’article à mes grands-parents. C’était à une autre époque, mais je n’ai jamais ressenti le besoin de cacher ça. Aujourd’hui, je suis en couple depuis trois ans, et mon conjoint et mon père sont les meilleurs amis du monde. Je sais que ça a été difficile pour mes parents au début. On vivait à Saint-Rémi, c’était assez nouveau pour eux, mais ils ont beaucoup cheminé depuis. L’idée de la différence revient souvent dans mon œuvre. Je me rends compte maintenant que ma différence a été un atout et un tremplin dans ma création. Ça a été un moteur fabuleux!
Tu écris des livres, une série, tu es chroniqueur... Comment trouves-tu le temps de tout faire?
Je prends le temps partout! Je ne suis pas du genre à me faire des horaires, mais je fais preuve d’une certaine rigueur, que j’ai acquise très tôt. J’étais un élève scolaire et je le suis encore aujourd’hui. J’ai un côté très travaillant, parce que ce n’était pas facile d’emblée et que je ne tapais pas des 95 %. Je devais travailler plus fort pour avoir les mêmes notes que ma sœur, qui était première de classe. J’écris constamment, je traîne toujours mon ordinateur avec moi. Parfois, entre deux conférences ou deux projets, j’ai le temps d’écrire quelques lignes. Je me mets dans ma bulle et je travaille.
Tu as déjà évoqué l’idée d’avoir un jour un enfant et, finalement, ces jours-ci, tu vis le deuil de cette idée. Pourquoi?
Longtemps, je n’ai pas pu imaginer ma vie sans enfants; c’était comme un prérequis pour être heureux. Du moins, j’ai cru ça pendant un moment et j’ai même fait des démarches pour adopter un enfant. Mais c’était si compliqué, d’autant plus que, à ce moment-là, j’étais célibataire, ma carrière se développait, je voyageais beaucoup... Je me suis rendu compte que ça compliquait mes projets de fonder une famille. À cette époque, le simple fait d’avoir un chum était compliqué. Finalement, j’ai été happé par autre chose. Aujourd’hui, je suis en couple, mais mon amoureux est plus âgé que moi et il m’a dit qu’il n’avait plus envie de fonder une famille. Dans notre complicité et notre quotidien, je me sens suffisamment épanoui pour le suivre là-dedans. En plus, je me suis rendu compte que, pour moi, l’idée d’être parent venait avant tout de l’idée de transmettre quelque chose, et ça, je peux le faire auprès des jeunes dans les salons du livre et dans les écoles, puisque j’écris des livres pour enfants. C’est une belle courroie de transmission pour moi. Ce n’est pas la même chose, mais ça me convient.
Sucré salé, du lundi au vendredi à 18 h 30, à TVA. Rediffusion: 22 h 35.