Iran: nouvelles manifestations, les tensions montent avec l'Occident

AFP
Les tensions montent entre l’Iran et les grandes puissances occidentales, qui dénoncent la répression meurtrière des manifestations qui ont lieu toutes les nuits depuis dix jours partout dans le pays contre la mort de la jeune Mahsa Amini, après son arrestation par la police des mœurs.
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Selon un bilan officiel iranien non détaillé, incluant manifestants et forces de l’ordre, 41 personnes ont été tuées et plus d’un millier arrêtées lors de ces manifestations déclenchées par la mort de cette femme de 22 ans arrêtée pour «port inapproprié de vêtements» en Iran, où le code vestimentaire pour les femmes est strict, en particulier le port du voile islamique.
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Des manifestations de colère ont à nouveau éclaté, dimanche soir, pour la dixième nuit consécutive dans la République islamique, où les rassemblements débutent après la journée de travail. À Téhéran, la foule a appelé à la chute du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, 83 ans, en criant: «Mort au dictateur!», selon des images publiées par l’ONG Iran Human Rights basée à Oslo.

«Femme, vie, liberté!», ont scandé des manifestants; des femmes ont enlevé et jeté leurs foulards dans un feu ou se sont symboliquement coupé les cheveux, encouragées par la foule.
«Injustifiable et inacceptable»
Dans le nord du pays, quelque 450 «émeutiers» ont été interpellés dans la seule province de Mazandaran, a déclaré lundi le procureur général Mohammad Karimi, selon l’agence de presse officielle Irna, deux jours après l’arrestation de plus de 700 personnes dans la province voisine de Gilan.
L’agence de presse Tasnim a publié lundi une vingtaine de photos de «meneurs d’émeutes», parmi lesquels des femmes, prises dans la ville sainte de Qom, indiquant que les forces de sécurité appelaient les citoyens à «les identifier et à informer les autorités».

L’Union européenne a dénoncé l’usage «généralisé et disproportionné de la force» par les autorités iraniennes contre des manifestants «non violents», jugeant que la répression violente était «injustifiable et inacceptable», dans une déclaration dimanche du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell.
Deux jours avant, le président américain, Joe Biden, s’est dit solidaire avec les «femmes courageuses d’Iran» et a dénoncé la répression violente des manifestations à la tribune de l’ONU.
Lundi, le gouvernement allemand a convoqué l’ambassadeur iranien à Berlin pour une «discussion» sur la répression des protestations.
Au cours de ces manifestations, les plus importantes en Iran en près de trois ans, les forces de sécurité ont notamment tiré des plombs, en plus de tirer à balles réelles, sur des participants qui ont lancé des pierres, incendié des voitures de police et mis le feu à des bâtiments publics, selon des groupes de défense des droits de la personne.

L’ONG IHR a fait état d’au moins 57 manifestants tués, mais a observé que ses informations étaient limitées en raison des coupures d’internet, dont l’accès est restreint par les autorités, et le blocage de WhatsApp et Instagram, après ceux de Facebook, Twitter, TikTok, et autres réseaux sociaux.
La répression pourrait s’accentuer après les déclarations du chef du pouvoir judiciaire iranien, qui a appelé dimanche à ne faire preuve d’«aucune indulgence» vis-à-vis des manifestants, faisant écho aux prises de position du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi, demandant aux autorités d’agir «fermement».
Appels aux boycottages
Le week-end dernier, des manifestations de solidarité ont eu lieu dans des villes du monde entier. À Paris et à Londres, les rassemblements ont dégénéré en affrontements avec la police quand des participants ont voulu s’approcher des ambassades d’Iran.
L’Iran a affirmé que le mouvement de contestation dans le pays venait de «complots étrangers», pointant du doigt son ennemi juré, les États-Unis, et ses alliés.
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a critiqué «l’approche interventionniste des États-Unis dans les affaires de l’Iran», leur reprochant de soutenir «les émeutiers».
Des organisations progouvernementales ont organisé de grands rassemblements pour défendre le port obligatoire du foulard islamique, dont l’un s’est déroulé dimanche sur la place de la Révolution, à Téhéran. «Des martyrs sont morts pour que ce foulard soit sur notre tête», a déclaré Nafiseh, une manifestante de 28 ans.
Le parti réformateur de l’Union du peuple de l’Iran islamique a quant à lui appelé l’État à annuler l’obligation du port du voile islamique et à libérer les personnes arrêtées.
Selon l’IHR, les syndicats d’enseignants iraniens ont appelé le personnel et les étudiants à boycotter les cours lundi et mercredi en soutien aux manifestations.