À 85 ans, Yvon Deschamps se confie sur sa famille, sa santé et son engagement
Michèle Lemieux
À 85 ans, Yvon Deschamps prend soin de sa santé physique et mentale et continue de cultiver son sens de l’humour. Mieux encore: le monologuiste n’a toujours pas renoncé à apporter du réconfort dans la vie des plus vulnérables, et c’est avec ardeur qu’il continue de se dévouer pour la cause. Pour y parvenir, la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud monte cette année un encan virtuel au profit de l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud de Montréal. Nous avons profité de cette belle occasion pour prendre des nouvelles de l’humoriste chouchou des Québécois...
Monsieur Deschamps, vous vous préparez à organiser un encan virtuel. Quel en est l’objectif?
Normalement, nous tenons une soirée-bénéfice en mai, un mois important pour nous, car c’est à ce moment que nous planifions le camp de jour. Et cette année, nous en aurons un vrai. D’habitude, nous y accueillons quotidiennement de 600 à 700 enfants. Cet été, nous pourrons en accueillir environ 400. Quand même! Nous accueillons tous les enfants. Quelle que soit leur limite, physique ou mentale, nous acceptons tout le monde. Ceux qui peuvent payer le camp de jour le font, ceux qui ne peuvent pas ne le font tout simplement pas. Nous ne refusons personne.
L’encan virtuel remplacera donc votre habituelle soirée-bénéfice, Yvon et ses amis?
Oui. C’est la metteuse en scène Marie-Chantal Renaud qui a proposé de tenir un encan virtuel. Je me suis demandé ce que nous allions vendre... Les gens aiment les grands vins, les séjours dans les grands hôtels, les voyages, etc. Nous avons tout cela et plus encore! Nous voulions que les gens puissent avoir accès à des lots très particuliers.
Vous avez donc pu compter sur la collaboration de nombreux artistes?
Oui, et c’est Daniel Lemire qui a été le premier à offrir un costume de l’Oncle Georges. C’est rare qu’on voie ça dans un encan! Martin Matte joue souvent au tennis dans Les beaux malaises. Il nous a donc offert la raquette avec laquelle il jouait dans la série. Il l’a signée. Nous avons un manuscrit de Gilles Vigneault signé de sa main. Le prix le plus spécial, c’est un Zoom de 30 minutes en tête à tête avec Ginette Reno. Qu’on imagine: 30 minutes avec Ginette Reno, c’est quand même fabuleux! C’est tout un prix!
C’est touchant de voir comme les gens sont derrière vous et vous soutiennent avec tant d’ardeur!
Oui, c’est merveilleux. Il faut visiter le site pour avoir tous les détails. Les gens peuvent aussi faire un don spécifique qui servira à un jeune, que ce soit une semaine au camp de jour pour un enfant défavorisé ou avec des besoins particuliers ou de l’aide aux devoirs. Près de 60 % des familles sont en mesure de payer. Nous soutenons seulement 40 % des familles... mais 40 %, c’est quand même beaucoup!
C’est ce qui vous a tenu occupé durant la pandémie?
Durant le confinement total, ça n’a pas été facile, surtout au début... Maintenant, quand on a 85 ans, on considère qu’on a «plus de 70 ans». On ne parle que des 70 ans et plus. Nous étions discriminés! Nous n’avions même pas le droit de sortir! (rires) Certains se sont fait dire, pour la première fois de leur vie, qu’ils étaient vieux... Oui, ils ont compris... Ç’a été difficile au début, mais dès que nous avons pu sortir de chez nous, Judi et moi, nous nous sommes installés à la campagne. Depuis un an, nous y vivons en permanence. Cela a tout changé. Dans notre appartement en ville, qui est grand comme ma main, après trois semaines sans sortir, il était temps que nous prenions l’air! (rires) À la campagne, nous avons un grand terrain, nous pouvons marcher autour de la maison: nous sommes chez nous. Nous n’avions toujours pas le droit de sortir, mais à la campagne, notre chez-nous est plus grand. C’est notre maison pour toute la famille, c’est donc une plus grande maison. Dès que nous nous y sommes installés, ç’a été beaucoup plus facile pour nous.
Avez-vous été en mesure de garder le contact avec vos enfants et vos petits-enfants?
Oui. En fait, nous ne nous sommes pas rencontrés, mais nous nous sommes vus plus souvent qu’avant parce que nous zoomions tout le temps! La pandémie a rapproché beaucoup de monde. Judi, par exemple, a un frère, une sœur et des neveux à Vancouver et à Toronto. Elle ne leur parlait qu’une ou deux fois par an. Depuis la pandémie, sa famille fait un Zoom par semaine! (rires) C’est merveilleux! Ça rapproche les gens. Mes petits-enfants ont pu venir à ma fête de 85 ans, car en juillet dernier nous avions le droit de recevoir quelques personnes. Nous étions 10. Les gendres sont restés chez eux... C’était parfait, quoi! (rires)
Pour nous, vous n’avez pas d’âge, mais vous, lorsque vous comptez les années, comment vous sentez-vous avec la vie qui passe?
Je ne me suis pas vu vieillir avant 80, 85 ans... J’ai eu mes enfants très tard. À 60 ans, j’avais la vie d’un homme de 40 ans, car j’avais de jeunes enfants. J’allais les reconduire à l’école à pied. Sarah a aujourd’hui 33 ans. Un jour, elle m’a dit: «C’est fatigant: tout le monde me demande pourquoi c’est toujours mon grand-père qui vient me reconduire à l’école...» (rires) Je lui ai dit que puisque j’étais dans la soixantaine, je pouvais être son grand-père. Pour elle, je n’étais pas vieux du tout et ça lui semblait impossible que je puisse avoir l’âge d’être son grand-père. Quelques jours plus tard, elle m’a regardé et m’a dit: «Sais-tu? C’est vrai que tu es vieux!» (rires) Ce jour-là, elle venait d’accepter que son père était plus vieux que la moyenne des autres pères.
Comment occupez-vous votre temps? Cultivez-vous quelques passions?
Moi, je marche par coups. Je suis un passionné temporaire... (rires) Je me passionne pour une chose. Ça peut durer six mois, un an, puis subitement ça ne m’intéresse plus du tout. Et je me passionne pour autre chose. En ce moment, il n’y a rien qui m’intéresse vraiment. Je n’ai pas peur, je ne suis pas inquiet, mais je m’organise pour retarder le plus possible la maladie d’Alzheimer, la démence, etc. Je fais donc travailler mon cerveau tous les jours en faisant différents exercices. Je fais des sudokus, je joue du piano. Le piano est très bon pour le physique et le mental. Comme nous avons des gendres hispanophones, Judi et moi apprenons l’espagnol. De temps en temps, nous suivons des cours en ligne qui durent une heure. Nous apprenons. Et je lis. Je lis beaucoup. Il paraît que si on continue à apprendre de nouvelles choses, c’est très bénéfique pour notre cerveau. J’occupe mon esprit, un peu mon corps. Je fais environ 45 minutes de marche rapide par jour et quelques petits exercices et étirements. Alors, physiquement, ça ne va pas mal. Beaucoup de mes amis sont aux prises avec la maladie d’Alzheimer. C’est assez désagréable...
Finalement, vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour tenter de vieillir en santé?
Voilà! Il faut aussi penser à ceux qui seraient nos proches aidants et veiller à ne pas les fatiguer trop longtemps... (rires) Si on bouge, si on fait de l’exercice, la fin est plus rapide en ce sens qu’on est malade moins longtemps.
Monsieur Deschamps, qu’avez-vous appris de la pandémie?
Je dirais que ça nous a appris qu’on n’est pas aussi smattes qu’on le pensait... (rires) On ne contrôle pas grand-chose... Arrive une petite affaire qu’on ne voit même pas, de grandeur microscopique, et le monde entier s’arrête. C’est quelque chose! Alors, même si ça n’arrive pas tous les jours, ça peut arriver n’importe quand. Nous ne sommes pas aussi intelligents que nous prétendions l’être. Les images des premiers mois de confinement nous ont montré de grandes métropoles moins polluées après trois mois d’inactivité. J’espère qu’on a compris qu’il faut que nous fassions quelque chose pour la planète parce qu’on n’ira pas loin si on revient à nos anciennes habitudes...
Une partie de votre travail est disponible sur votre chaîne YouTube, et ComediHa.tv diffuse des extraits de vos spectacles. C’est signe que votre œuvre ne vieillit pas et qu’elle demeure toujours aussi pertinente...
Pas tout, mais une partie! (rires) Quelqu’un me disait qu’on n’a plus le droit de dire certaines choses. Par exemple, j’avais un personnage macho, mais je ne l’ai jamais été... je travaillais pour Le Chaînon! (rires) Je me suis beaucoup servi de ce que les femmes me racontaient, de ce qu’elles avaient vécu. Il y a des choses qui ne changent pas, et certains problèmes demeurent: l’être humain, le fait de vieillir, d’être malade, etc. Ce sont des réalités qui restent à travers le temps. Les expériences changent, on ne s’exprime plus de la même façon, mais on vieillit, on se chicane et on va tous mourir un jour...
Encan virtuel La Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud tiendra un encan virtuel du 11 au 20 juin au profit de l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud de Montréal. Une soixantaine de lots seront aux enchères: des manuscrits signés d’Yvon Deschamps; des toiles de Diane Dufresne, Stéphane Rousseau et Shirley Théroux; le chandail de Shea Weber, des Canadiens de Montréal, signé; un souvenir des Chiefs de Kansas City signé de Laurent Duvernay-Tardif; les baskets de scène de Robert Charlebois; une bouteille signée par Guy Lafleur; des billets de spectacles d’humoristes, etc. L’encan en ligne est ouvert à tous. Il faut s’enregistrer à partir du 11 juin à 9 h à macause.com/ deschamps/encan. L’encan se termine le 20 juin à 20 h. On suit la page Facebook de la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud à facebook.com/fydcs.
On peut voir des spectacles intégraux d’Yvon Deschamps sur la plateforme ComediHa.tv