Guide de survie à l’acné d’adulte
Andréa Sirhan Daneau
Lorsqu'on était privée de sortie pour avoir frenché derrière le dépanneur, on maudissait nos parents en rêvant à notre future vie paradisiaque. Ce qu’on n'avait pas prévu, c’était les factures, les courbatures et... l’acné. Zoom sur un problème d’actualité.
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Oui, les pattes d’oie côtoient de plus en plus les boutons. Des 20 à 30 % de personnes âgées de 20 à 40 ans aux prises avec l’acné adulte, 75 % sont des femmes, gracieuseté des fluctuations hormonales qui pi(g)mentent notre vie (menstruation, grossesse, ménopause). Alors que l’acné juvénile est le fruit de la surproduction de sébum liée à la puberté, l’acné tardive, qui peut apparaître dès l’âge de 25 ans, ressemble plutôt à un casse-tête. Elle n’a pas besoin d’un surplus de sébum pour proliférer, ce qui signifie qu’elle peut toucher n’importe qui, peu importe le type de peau, sans qu’il y ait eu d’épisodes à l’adolescence. On ne parle plus de points noirs sur la zone T, mais bien de nodules inflammatoires profonds, sensibles et persistants, localisés au bas du visage.
«Les principaux coupables sont l’hérédité et les hormones, mais il existe de nombreux facteurs aggravants, explique la Dre Geneviève Thérien, de Dermapure. Le stress ne cause pas l’acné en tant que telle, mais il l’exacerbe, comme c’est le cas pour plusieurs autres maladies cutanées. Une alimentation riche en gras saturés et en glucides peut aussi l’amplifier, tout comme certains médicaments (la progestérone, les stéroïdes anabolisants ou le lithium), les nettoyants trop abrasifs, les parfums synthétiques et les crèmes très grasses.» La liste s’allonge: le manque de sommeil, les rayons UV, la pollution, la déshydratation, la sédentarité... Trouver la cause exacte du problème est épineux, et il suffit d’en parler à l’une des nombreuses femmes aux prises avec ce problème pour abandonner l’idée d’une solution miracle.
«Je constate énormément de frustration, d’incompréhension, d’impatience et de souffrance chez mes clientes, affirme Léa Bégin, maquilleuse et propriétaire de la boutique Beauties Lab, à Montréal. Avant même de se présenter, elles s’excusent d’avoir des boutons, ce qui est compréhensible: c’est la société qui les fait se sentir ainsi.» Et pourtant, puisqu’on assiste en ce moment à une vague d’acné adulte chez la femme (que les scientifiques tentent de lier au stress chronique), techniquement, cette affection devrait être considérée comme... normale! «J’avais 10 ans lorsque j’ai commencé à souffrir d’acné, raconte Léa. Je camouflais mon visage de façon maladive et je pleurais chaque soir en me démaquillant, convaincue que j’étais laide. Je me suis défaite de cette prison avec le temps, et c’est pourquoi je maquille toujours mes clientes en transparence; je tiens à rehausser leur beauté sans créer de complexes.» Par expérience, l’experte conseille d’utiliser le maquillage pour atténuer nos imperfections au lieu de les dissimuler. «Une crème teintée qui camoufle 50 % de la rougeur suffit à se sentir plus à l’aise en public, sans complètement cacher son vrai visage, poursuit-elle. Ainsi, on contribue à ouvrir la conversation, à briser la solitude et, ultimement, à retrouver notre confiance individuelle et collective.»
Savoir à quoi l’on a affaire
La première étape consiste à déterminer notre type d’acné, afin de choisir le bon traitement:
L’acné rétentionnelle
Elle se caractérise par une peau grasse et brillante, des pores dilatés et la présence de points noirs (comédons ouverts) et de points blancs (comédons fermés), tous deux signes de pores obstrués. Les comédons ouverts prennent une teinte foncée quand l’amas de débris s’oxyde au contact de l’air. «L’acide salicylique, un astringent puissant extrait de l’écorce de saule, est un excellent choix pour décoller les cellules mortes à la surface de la peau, explique le Dr Joseph Doumit, dermatologue. Il stimule la régénération cutanée et empêche l’engorgement des pores. On peut également avoir recours aux rétinoïdes, des analogues de la vitamine A qui exfolient l’épiderme, et au soufre, dont l’action kératolytique assèche la peau grasse et libère l’huile des pores bouchés.»
L’acné inflammatoire
Lorsque la bactérie P. acnes, qui se nourrit d’huile, découvre un pore gorgé de sébum, c’est fête au village. L’infection cause une réaction inflammatoire se traduisant par des boutons plus ou moins douloureux sous forme de papules (petits boutons rouges) ou de pustules (papules avec une pointe blanche). Évidemment, lorsqu’une imperfection a l’audace de se montrer le bout de la tête (blanche), le premier geste qui nous vient à l’esprit est de le percer pour le vider. C’est contre-indiqué, on le sait, mais c’est plus fort que nous. C’est instinctif... neurologique, en fait! En sentant la pression évacuée et en voyant le pus sortir, le cerveau libère de la dopamine,
aussi appelée hormone du bonheur. C’est ce mélange de soulagement et d’accomplissement qui fait la popularité des vidéos à la Dre Pimple Popper qui abondent sur le Web. Malheureusement, l’euphorie est de courte durée... et les conséquences, durables. Chloe Smith, formatrice nationale et directrice des communications scientifiques pour SkinCeuticals, explique: «Les bactéries peuvent en profiter pour se propager sous la peau et infecter des zones saines. Les mains, même si elles sont propres, peuvent aussi amener de nouvelles bactéries sur le bouton percé ou les régions avoisinantes. Nouvelles imperfections, surinfection du bouton, guérison retardée et risque élevé de cicatrices... on perd sur toute la ligne.»
Pour couper les vivres aux bactéries, on bannit de notre routine tous les soins à base d’huile. On se tourne ensuite vers le peroxyde de benzoyle, notre meilleur ami (en vente libre, du moins) selon le Dr Doumit: «Il réduit la production de sébum, empêchant ainsi la prolifération bactérienne dans les pores. Sous ordonnance, les rétinoïdes topiques, comme la trétinoïne et l’adapalène, régularisent la sécrétion d’huile, alors que les antibiotiques, comme la clindamycine ou l’érythromycine, ciblent les bactéries et l’inflammation. On les combine parfois à un exfoliant doux, comme l’acide azélaïque, pour nettoyer les pores et purifier la surface cutanée.» Les traitements professionnels comme les peelings, qui éliminent les cellules mortes à la surface de la peau, et la lumière bleue DEL, qui tue les bactéries nocives, peuvent contribuer à la guérison.
L’avènement du «maskné»
Quand la peau fait des siennes, toute nouvelle agression peut déclencher une poussée
d’acné. Des lavages trop fréquents, l’utilisation de produits irritants ou asséchants, le port prolongé d’une casquette sur la tête ou d’un tissu sur le visage... ça nous fait penser à quelque chose? «Le frottement du tissu et l’humidité emprisonnée sur la peau occasionnés par le masque peuvent causer de nouvelles éruptions ou empirer les boutons existants, explique la Dre Geneviève Thérien, de Dermapure. Et pour soulager l’inconfort, on s’enduit d’ingrédients gras comme la siméticone, qui crée une occlusion sur les comédons et les lésions inflammatoires.» La solution? Se tourner vers des ingrédients apaisants, par exemple l’aloès, le bisabolol et l’allantoïne, ainsi que des vitamines (B5, C et E) aux propriétés antioxydantes, antiseptiques, anti-inflammatoires et antimicrobiennes.
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S’aider au quotidien
On scrute nos habitudes à la loupe pour découvrir les alliés insoupçonnés de l’acné.
Se protéger du soleil
Pour se défendre, l’épiderme s’épaissit sous les rayons du soleil. Il lui est alors plus ardu d’éliminer les cellules mortes et d’évacuer le sébum à sa surface. Pour compenser, la peau sécrète davantage de sébum... entraînant un nouveau cycle d’éruptions.
Nettoyer ses appareils électroniques et ses taies d’oreiller régulièrement
Même chose pour les draps, chapeaux et serviettes qui, sous la chaleur et l’humidité, collectionnent les bactéries prêtes à se coller à notre peau. On pense souvent au téléphone cellulaire, mais plus rarement au clavier et à la souris d’ordinateur!
Utiliser des produits de beauté adéquats pour son type de peau
Un épiderme desséché augmentera sa production de sébum pour compenser la pénurie de lipides à sa surface; une crème riche rétablira l’équilibre. Mais sur une peau grasse, cette même crème risquerait de bloquer les pores et causer des éruptions.
Se démaquiller avant de se coucher
Les résidus de maquillage et les impuretés accumulées sur le visage tout au long de la journée empêchent non seulement nos soins d’agir pendant la nuit, mais ils menacent également de bloquer les pores et de nourrir les bactéries nocives.
Diversifier son alimentation
La question n’est pas de manger «bien» ou «mal», mais plutôt d’identifier les aliments qui ont un effet sur nos éruptions. «Un régime alimentaire proinflammatoire, soit riche en sucre et en produits laitiers, a été associé à l’acné», affirme Chloe Smith, de SkinCeuticals. Et comme la peau a besoin de nutriments essentiels pour se régénérer (vitamines A, E, C, etc.), on lui offre une variété de fruits, légumes, céréales complètes et poissons riches en bons gras.
Gérer son stress
Plus facile à dire qu’à faire... on le sait! Reste que le stress et le surmenage jouent un rôle dans différents problèmes de santé, comme les pellicules, l’eczéma et l’acné. «La peau et le système nerveux sont étroitement liés, explique le Dr Doumit. Une montée d’angoisse provoque la formation de boutons, dont la présence génère plus de stress, enclenchant un cercle vicieux sans fin.» D’où la nécessité de prendre conscience de cette situation, que ce soit en contrôlant son stress pour réduire l’acné ou en contrôlant l’acné pour réduire son stress.
Savoir quand consulter
Lorsque les éruptions persistent ou qu’on éprouve beaucoup de douleur, on doit appeler du renfort. «Divers traitements oraux, comme les contraceptifs et les antibiotiques, peuvent être prescrits dans les cas plus graves, explique la Dre Thérien. L’acné nodulaire, une forme rare mais sévère, caractérisée par des kystes durs et profonds, nécessite généralement un traitement à l’isotrétinoïne (Accutane), qu’on accompagne parfois d’injections de cortisone intralésionnelle pour accélérer la guérison.»