Geneviève Brouillette et Myriam Leblanc discutent du fait de vieillir à l’écran
Carolyn Richard
En 2012, elles ont joué des sœurs jumelles dans Apparences. De là est née une belle amitié. Geneviève Brouillette et Myriam LeBlanc sont toujours nourries par cette passion commune du jeu. Rencontre entre deux grandes complices qui se voisinent avec bonheur dans les Cantons-de-l’Est...
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Myriam: Geneviève, dirais-tu, avec tes 34 ans d’expérience, qu’on a choisi un métier difficile?
Geneviève: Ce n’est pas facile, mais comme toute chose dans la vie, il y a un grand lâcher-prise à adopter. On a choisi un métier qui nous rappelle le manque de contrôle de façon quotidienne. C’est dur de se faire dire non 98 % du temps. On doit toujours se rappeler qu’il n’y a jamais rien d’acquis et que tout est à refaire à chaque nouveau projet.
M.: Ça, c’est vrai!
G.: J’ai joué dans District 31, dont on connaît le succès, mais après, on dirait que tu passes vite aux oubliettes. Deux mois après mon départ de la série, des gens me disaient: «C’est dommage, on ne vous voit plus nulle part...» J’avais beau être à la télé chaque jour devant plus d’un million de personnes, ce n’était pas assez.
M.: Qu’est-ce que tu aimes le plus du métier d’actrice?
G.: Je suis une fille de gang et c’est vrai que, sur un projet, surtout quand on joue des rôles assez importants, il y a une famille qui se forme, autant avec l’équipe technique qu’avec les comédiens. Malgré mes 34 ans d’expérience, chaque fois que j’arrive sur un plateau, je manque de confiance en moi. C’est comme si c’était la première fois de ma vie que je jouais.
M.: Tu te sens vraiment comme ça?
G.: Oui! C’est même pire avec le temps qui passe... On dirait que j’en perds mes moyens. Après des années de thérapie, j’ai enfin compris que ce sentiment va rester, alors je vais faire avec! (rires)
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M.: On a choisi un métier très axé sur l’image. Te voir vieillir à l’écran, comment ça se passe pour toi?
G.: C’est difficile! Plus le temps avance, plus on se voit changer, mais il y a un bon côté à ça. Je vois que je change physiquement et parfois, je vois des détails que je peux utiliser en incarnant un personnage. Je me sens encore jeune et énergique, mais à mon âge, il y a une petite madame snob en moi et je la vois à l’écran. (rires)
M.: En vieillissant, il y a des détails sur lesquels on doit miser quand on joue. Regarde Jamie Lee Curtis qui, à 61 ans, vient de remporter son premier Oscar avec un look épouvantable.
G.: Oui! Au fond, ce qui m’agace en vieillissant, c’est surtout le fait qu’on se sent tassées par notre milieu, et c’est blessant. À la télé, on a l’impression qu’il n’arrive pas grand-chose aux femmes de notre âge. Sinon, il y a un personnage principal d’une femme de 50 ans et tout le monde autour a plus ou moins 30 ans. Qu’est-ce que tu veux faire avec ça?
M.: Je te sens malgré tout très zen face à tout ça.
G.: Oui, la réalité de notre métier m’oblige à devenir plus sage. Je vois mon verre à moitié plein. Je suis reconnaissante de la belle vie que j’ai avec Fred, mon chum, et notre chienne, Folie. Je continue de m’aimer et d’être fière de moi, même quand je travaille moins.
M.: C’est comme ça qu’il faut voir la vie!
G.: Oui! Je fais de la méditation et je sens que j’ai un grand lâcher-prise face à plein de choses. Combien de fois dans ma carrière je pensais que c’était fini, et pouf! je recevais un appel inattendu et je commençais à jouer sur un superbe projet. La vie est faite de surprises.
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M.: Et parlant de surprises, tu vas bientôt renouer avec le théâtre!
G.: Oui, et j’ai hâte. Ça fait environ 14 ans que je n’en ai pas fait. Je jouerai à Cowansville dans À la folie, avec Francine Ruel, Guy Richer et Marilou Morin. On a fait quelques répétitions et on a déjà tellement de fun! C’est près de mon chalet en plus, alors je sais que ce sera un bel été. Et j’écris aussi un premier roman. Ça fait environ un an que j’y travaille, mais j’écris depuis des années. J’adore ça.
M.: Oh que j’ai hâte de lire ça! En attendant, j’irai te voir au théâtre cet été.
G.: À mon tour de te demander ce que tu aimes le plus de notre métier.
M.: Je pense que c’est de devoir se renouveler chaque fois. Plus jeune, j’avais peur d’avoir une vie prévisible, je ne voulais pas trop savoir où je m’en allais. Je voulais que la vie me surprenne.
G.: Tu as été servie!
M.: (Rires) Tellement! Je pense qu’il faut apprendre à vivre avec ce manque-là dans nos métiers. Même quand je travaille, je me dis toujours qu’il faut que j’en profite, au cas où ce serait fini après. C’est quand j’arrête d’attendre que je retrouve enfin la paix.
G.: Et quand tu as retrouvé cette paix, que fais-tu?
M.: Durant la pandémie, je me suis dit: «C’est possible que je ne joue plus jamais, c’est peut-être la fin.» Je me suis alors demandé ce que serait la suite... Je regardais mon chum (le comédien Stéphan Allard) qui s’enlignait pour réparer la galerie ou peinturer la maison, car il est très manuel, mais de mon côté, rien. C’est là que j’ai décidé d’apprendre à coudre, et ça, c’est grâce à toi. Au début de la pandémie, tu m’avais fait un masque et je capotais tellement que tu m’as fait un tutoriel de couture. Alors je me suis lancée dans le projet, c’est pas mal là que j’ai trouvé ma paix.
G.: Mais tu m’as dépassée haut la main! Tu fais même des courtepointes! Aujourd’hui, si tu devais faire un nouveau choix de carrière, tu ferais quoi?
M.: Rien! Ces temps-ci, je tripe à faire des courtepointes, mais c’est un passe-temps. Quand je me questionne face à un changement de carrière, je suis devant un grand vide. Je ne vois aucunement ce que je pourrais faire d’autre.
G.: En 2012, on a joué des sœurs jumelles dans Apparences et notre amitié est née de ce beau projet. Stéphan et toi avez même acheté votre chalet près du mien.
M.: Oui, et on adore ça! Te souviens-tu de cette fois où on avait soupé chez Francis Leclerc et que, pour revenir à ton chalet, tu nous as fait passer sur un chemin avec un arc-en-ciel? C’était magnifique! C’est là qu’on est tombés en amour avec les Cantons-de-l’Est. Quand on a trouvé une maison patrimoniale dans ton coin, qui s’appelait La Maison Brouillette, on a eu un gros coup de cœur. C’était un signe très clair qu’on devait s’installer là.
G.: Et on va en profiter cet été! Je viendrai me baigner avec Folie dans ta belle rivière.
M.: Quand tu veux, nos baignades commencent bientôt!
Myriam joue dans Le bonheur (TVA+), NOUS (Club illico), Contre-Offre (Crave) et Un gars, une fille (Tou.tv).
En plus de jouer dans Un gars, une fille, Geneviève est dans 5e rang, de retour cet automne à Radio-Canada, et joue au théâtre dans À la folie, à l’Espace Diffusion de Cowansville, dès juillet. On la verra aussi cet automne dans la série La candidate.