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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Passeport vaccinal: des hôpitaux québécois sont des passoires

Plusieurs centres hospitaliers ne vérifient pas le passeport vaccinal des visiteurs

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Héloïse Archambault, Hugo Duchaine et Jérémy Bernier

2021-11-14T05:00:00Z
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Les mesures sanitaires et la surveillance du passeport vaccinal varient énormément d’un hôpital à l’autre, a constaté Le Journal, qui a même réussi à entrer dans des centres hospitaliers sans répondre à aucune question.

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Les hôpitaux sont accessibles pour tous les patients sans preuve vaccinale, mais la majorité des visiteurs doivent montrer qu’ils sont immunisés.

Or, deux mois après l’implantation du passeport vaccinal, Le Journal a pu se rendre à plusieurs étages d’hôpitaux de Montréal, Longueuil et Québec sans aucun contrôle, mardi et mercredi derniers, en s’introduisant par les entrées principales.

Facile à contourner

Au CHUM, par exemple, les entrées sont surveillées par des agents de sécurité. Ces derniers s’assurent seulement que les visiteurs portent un masque et se lavent les mains, mais ne posent aucune question sur la raison de leur visite.

Le passeport vaccinal est vérifié au pied des ascenseurs menant aux étages d’hospitalisation. Mais en empruntant les escaliers, un visiteur échappe facilement à ce contrôle.

La porte-parole du CHUM Lucie Dufresne assure pourtant que les visiteurs font de nouveau l’objet d’une validation sur les étages et qu’ils portent un bracelet pour les identifier.

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Bien que près de 90 % des Québécois soient vaccinés, les hôpitaux demeurent des endroits où le risque d’éclosion de COVID-19 est important, notamment parce que des patients sont âgés et vulnérables. D’ailleurs, l’hôpital de Verdun a récemment dû gérer une éclosion de 16 cas en quelques jours, tout comme les hôpitaux de Val-d’Or et de Salaberry-de-Valleyfied.

Différent selon l’entrée

Les mesures de contrôle sont différentes dans le même centre hospitalier, selon les entrées. À l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, Le Journal a pu entrer par la porte principale sans qu’aucune question ne soit posée. De l’autre côté du même bâtiment, l’agent a simplement demandé si on venait pour un rendez-vous. 

À ce sujet, le CISSS de la Montérégie-Est a répondu qu’il s’agissait d’un cas isolé. « C’est la première fois que cette situation est portée à notre attention », a écrit la porte-parole Marianne Paquette. Elle ajoute que les agents sont formés de façon continue pour suivre la procédure.

À Québec, lorsque Le Journal s’est présenté au centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), à l’entrée donnant sur le stationnement intérieur des visiteurs, aucune question n’a été posée. Le personnel d’accueil a simplement demandé de changer le masque et de se laver les mains.

Les hôpitaux « font confiance aux gens », observe la Dre Machouf. Les visiteurs potentiellement infectés doivent être assez intelligents pour rester chez eux, dit-elle, ajoutant qu’il serait compliqué pour les établissements de surveiller tout le monde.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on réitère que toute personne qui visite l’hôpital doit montrer son passeport, sauf quelques exceptions. 

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LE PASSEPORT VACCINAL N’EST PAS REQUIS POUR :  

  • une personne qui accède à l’hôpital pour y recevoir des services de santé ou des services sociaux ;   
  • une personne qui accom-pagne un enfant de moins de 14 ans ;   
  • une personne qui accompagne une personne qui accouche ;   
  • une personne qui accompagne une personne inapte à consentir aux soins requis par son état de santé ;   
  • une personne qui accompagne une personne qui, en raison de son état de santé ou à des fins de sécurité, requiert une assistance qui ne peut lui être fournie par l’établissement ;   
  • une personne qui rend visite à un proche en fin de vie ;   
  • un parent ou un tuteur d’un enfant hébergé dans un centre de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation ;   
  • une personne ayant un droit de visite ordonné par une décision rendue par la Cour du Québec.      

Source : Gouvernement du Québec


LISTE DES HÔPITAUX VISITÉS   

  • Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)   
  • Centre universitaire de santé McGill (CUSM)   
  • Hôpital général juif   
  • Hôpital Maisonneuve-Rosemont   
  • Hôpital de Verdun   
  • Hôpital Pierre-Boucher   
  • Hôpital Charles-Le Moyne   
  • Hôpital Cité-de-la-Santé   
  • Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL)   
  • Hôpital Hôtel-Dieu   
  • Hôpital du Saint-Sacrement   
  • Hôpital Saint-François-d’Assise   
  • Hôpital de l’Enfant-Jésus                

Des entrées poreuses  

À l’entrée, plusieurs hôpitaux ont deux files distinctes : une pour les patients qui viennent à un rendez-vous, et une autre pour les visiteurs et accompagnateurs. Ces derniers doivent montrer leur passeport vaccinal.

À l’Hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, il ne suffit que de se mettre en file pour les rendez-vous, et on se retrouve dans l’hôpital sans qu’aucune question soit posée. On doit seulement changer son masque et se laver les mains.

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Une situation qui illustre à quel point il serait facile pour une personne non vaccinée d’entrer sans devoir présenter une preuve vaccinale.

Dans tous les hôpitaux visités, il suffisait de dire qu’on se présentait pour un rendez-vous pour entrer et circuler librement dans les lieux. 

L’Hôpital Maisonneuve-Rosemont ne demande pas aux patients qui viennent à un rendez-vous de changer de masque à leur arrivée. Une mesure pourtant observée à plusieurs d’endroits.

Des agents mal formés et laxistes   

Les agents de sécurité responsables de faire appliquer les consignes sanitaires font preuve de laxisme et sont souvent mal formés, déplore une bénévole d’un hôpital.

« Il y a un laxisme dans le système, les consignes sont données très aléatoirement, confie anonymement une bénévole d’un grand hôpital de la région de Montréal.

Une fois, j’ai été remplacée par un gardien qui n’avait jamais fait ça et ne connaissait pas les règles. »

Bénévole à l’accueil depuis plus d’un an, la femme assure qu’elle fait respecter les règles sanitaires aux visiteurs. Or, elle déplore que des agents de sécurité avec qui elle travaille ne respectent pas toujours les consignes.

« Ils baissent leur masque pour boire ou manger, ils laissent entrer les accompagnateurs et ne connaissent pas l’hôpital », énumère-t-elle, ajoutant que le taux de roulement de personnel est très élevé.

Souvent, des visiteurs sont entrés par la mauvaise porte, et déambulent dans l’hôpital inutilement. Elle doute d’ailleurs que le passeport vaccinal soit toujours vérifié de façon rigoureuse.

Par ailleurs, le cahier des visiteurs est très compliqué et souvent mal rempli, selon la bénévole.

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« C’est très lourd, avoue-t-elle. Les consignes ne sont pas claires.  

Un registre des visiteurs     

Les tables sont distanciées à la cafétéria du CUSM, à Montréal
Les tables sont distanciées à la cafétéria du CUSM, à Montréal Photo Hugo Duchaine

Plusieurs hôpitaux tiennent un registre des visiteurs. En plus de devoir montrer un passeport vaccinal, ceux-ci doivent donner l’identité et le numéro de chambre de la personne à laquelle ils rendent visite.

Cette mesure n’était cependant pas appliquée partout.

Selon Gaston De Serres, il n’y a pas beaucoup de tolérance sociale à ce que des gens non vaccinés contaminent des patients dans un hôpital. Or, il se questionne sur les bénéfices des efforts à mettre en œuvre pour éviter ces cas potentiels.

« On peut avoir de nobles intentions. Mais la réalité sur le terrain, c’est que c’est compliqué. [...] Jusqu’à quel point c’est réaliste et faisable ? Est-ce que le petit nombre de cas prévenus vaut la peine ? C’est pas mal moins évident de répondre. » 

Cafétérias sans passeport    

Les panneaux de plexiglas à la Cité-de-la-Santé de Laval
Les panneaux de plexiglas à la Cité-de-la-Santé de Laval Photo Hugo Duchaine

Les cafétérias des hôpitaux où Le Journal s’est présenté sont aussi accessibles aux travailleurs, aux patients et aux visiteurs, sans vérification du passeport vaccinal.

Ainsi, s’il est interdit de s’asseoir au restaurant sans une preuve de ses deux doses, il est aisément possible de le faire à l’hôpital.

Plusieurs endroits, comme à Laval ou à Québec, disposaient de panneaux de plexiglas séparant les tables, mais d’autres n’avaient rien. Et à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, par exemple, beaucoup de gens ne respectaient pas la mesure de protection et se parlaient directement, sans masque, à côté du mur en plastique.

L’épidémiologiste Gaston De Serres souligne que dans les cafétérias, les risques de contamination sont plus élevés parce que les gens enlèvent leur masque.

« Les gens sont relativement rapprochés, ils y passent plusieurs minutes, et ils parlent plus fort à cause du bruit », dit-il. Pour sa part, la Dre Nimâ Machouf affirme que ces lieux pourraient même être réservés aux vaccinés.

À Charles-Le Moyne, Le Journal a observé qu’au moins trois personnes mangeaient dans les corridors ou dans l’entrée de l’hôpital, sans leur masque. Des lieux sécuritaires ont pourtant été aménagés à la cafétéria.

Le CHUM dit que sa cafétéria est séparée en deux espaces distincts, un étage pour les employés et l’autre, pour les visiteurs. Cependant, Le Journal a pu y circuler librement sans jamais être interpellé par un agent de sécurité.

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