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L'article provient de 24 heures
Environnement

Des milliers de masques amassés par des élèves de troisième année devront être jetés, faute de solution pour les recycler

Mme Elisabeth Marza entourée de ses élèves de troisième année de l'école Saint-Barthélemy, à Montréal.
Mme Elisabeth Marza entourée de ses élèves de troisième année de l'école Saint-Barthélemy, à Montréal. Joël Lemay / Agence QMI
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Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2022-02-24T18:52:25Z
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Des milliers de masques jetables amassés par des élèves de troisième année dans l’espoir qu’ils soient recyclés devront prendre le chemin du dépotoir, déplorent une enseignante et une mère qui jugent que le gouvernement manque de vision dans sa gestion des déchets liés à la pandémie.  

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Les masques ne seront bientôt plus obligatoires dans les écoles du Québec, mais ils ne disparaîtront pas autant. Les millions de couvre-visages jetables utilisés depuis le début de la pandémie prendront des centaines d’années à se dégrader. 

Particulièrement sensibles à cette réalité, des élèves de troisième année de l’école primaire Saint-Barthélemy, à Montréal, amassent leurs masques et les entassent au sous-sol de l’établissement depuis l’automne 2020, espérant qu’ils seront éventuellement recyclés.  

«Spontanément, mes élèves ont fait des affiches qui disaient, non le masque ne va pas à la poubelle. Ils les ont distribuées aux autres classes», raconte leur enseignante, Elisabeth Marza.  

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Certains élèves ont même organisé une «brigade verte» pour ramasser les masques qui jonchent la cour d’école à la récréation. 

Leur enseignante estime qu'une soixantaine de sacs de recyclage remplis de masques amassés par les élèves et des enseignants sont maintenant entreposés au sous-sol. 

«Ils sont très sensibles à la situation. On passe nos journées à sensibiliser les enfants, à leur dire d'utiliser les feuilles recto-verso, de penser aux arbres et à la planète», souligne Mme Marza. 

Le CSSDM refuse de payer  

En janvier 2021, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge a annoncé que le gouvernement du Québec remboursera le recyclage des masques aux centres de service scolaire. Cette somme doit toutefois être prise à même l’enveloppe budgétaire supplémentaire qui leur est accordée pour les frais liés à la gestion de la pandémie. 

Le Centre de service scolaire de Montréal (CSSDM) refuse de payer la note. 

«On nous a fait comprendre que le CSSDM interdisait l'utilisation d'argent pour ça et que c'était fini, que les masques iraient à la poubelle. Point», explique Mme Marza.  

C’était une fin de non-recevoir, dit-elle. 

«Certains [élèves] ont vraiment réagi, c’était très émotif. Quelques-uns m’ont dit qu’ils voulaient écrire à M. Legault. Je me sentais comme si je les abandonnais, confie l’enseignante. Notre planète, c’est notre maison, c’est ce qu’on leur dit tout le temps.» 

Le petit Matthias, 9 ans, fait partie de ces élèves qui ont été affectés par la nouvelle.  

«Il est très écoanxieux», confie sa mère, Judith Brès.  

Elle a été choquée d’apprendre que les masques allaient finir à la poubelle. 

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«Ça m’a brisé le cœur, dit-elle. Ils changent de masques deux fois par jour. Ils voient la masse de masques passer devant eux. Ils veulent poser des gestes pour faire une différence dans ce qui est à leur portée et les adultes leur disent non.» 

Quelques élèves, dont la petite Constance, ci-bas, ont enregistré un mot à l'intention des décideurs.

  

Manque de transparence  

Questionné par le 24 Heures, le CSSDM affirme avoir fait des recherches, mais ne pas avoir trouvé de compagnie qui peut assurer que les masques seront bel et bien recyclés au Québec. 

«Les experts consultés continuent d'avancer que l'enfouissement demeure la meilleure option, comme cela se fait dans le secteur de la santé», affirme le responsable des relations de presse du CSSDM, Alain Perron.  

Le directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, confirme qu’il recommande, à ce stade-ci, l’enfouissement des masques.  

«Le recyclage des masques, on ne sait pas trop ce que c’est. Il y en a [des compagnies] qui les brûlent aux États-Unis, il y en a d’autres qui amalgament de la sciure de bois avec de la résine et des masques pour en faire des pastilles énergétiques, il y en a une qui fait affaire avec un conditionneur de polymère... sauf que c’est impossible de savoir ce qu’il advient véritablement des masques une fois récupérés», explique-t-il, soulignant un manque de transparence. 

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L’expert dénonce aussi le prix très élevé chargé par les quelques entreprises qui font la récupération au Québec. 

«Un masque peut coûter grosso-modo 5 sous et la valorisation 5 sous aussi, donc c’est extrêmement cher. Il y a même des compagnies qui ont haussé leurs prix en début de pandémie parce qu’il y avait une manne, une occasion d’affaires», explique-t-il. 

«On veut dépenser des millions pour récupérer des masques dont on ne sait pas trop ce qu’il advient. On nous dit qu’ils seront recyclés, mais il n’y a rien de défini dans la loi sur le recyclage», souligne-t-il. 

Pas de volonté politique  

M. Ménard déplore que la gestion des déchets liés à la pandémie n’ait pas été prise en charge au niveau gouvernemental. 

«C’est un peu le far west»,dit-il. 

La maman de Mathias abonde dans le même sens. 

«Comment ça se fait que, politiquement, il n’y a pas de solution plus viable? De ne pas avoir réfléchi à ça depuis deux ans qu’on est en pandémie, c’est assez incroyable», lance-t-elle. 

Selon toute vraisemblance, les milliers de masques amassés par son fils et ses camarades de classe seront bientôt acheminés au dépotoir. 


  • Élizabeth Ménard est cheffe des contenus Urgence climat du 24 heures. Pour la joindre: elizabeth.menard@quebecormedia.com.   

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