DANS LA MIRE DU CH? | «C'est une machine à créer de l’attaque»
Anthony Martineau
Note de l'auteur: la saison des Canadiens représente une déception sur d'innombrables plans. Heureusement et par la force des choses, le pauvre rendement du club lui confère d'excellentes chances de sélectionner parmi les premières équipes lors du prochain repêchage, qui aura justement lieu à Montréal, en juin. Ça tombe bien, car la cuvée d'espoirs 2022 est extrêmement intéressante. Depuis quelques semaines, je me suis plongé dans l'univers de cinq de ces «joyaux». Toute la semaine et jusqu'au 17 décembre prochain, je vous ferai découvrir chacun d'eux, à raison d'un par jour et grâce à une panoplie d'entrevues. Soyez attentifs... Il se pourrait fort bien que l'un des joueurs présentés devienne un représentant du Tricolore d'ici quelques mois! -Anthony
En mars 2019, Matthew Savoie se voyait refuser le statut de «joueur exceptionnel» par Hockey Canada, statut qui lui aurait permis d’évoluer dans la Ligue junior de l’Ouest à l’âge de 15 ans.
Deux ans et demi plus tard et maintenant âgé de 17 ans, le joueur de centre canadien du Ice de Winnipeg trône au sommet des pointeurs du circuit en vertu d’une récolte de 46 points en 29 matchs et constitue l’un des plus beaux espoirs en vue du prochain repêchage de la Ligue nationale de hockey.
Voyez son entrevue complète en vidéo principale.
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«J’ai été frustré par la décision d’Hockey Canada, car je croyais mériter ce statut, lance Savoie, honnête, à l’occasion d’un généreux entretien avec le TVASports.ca. Mais j’ai décidé de prendre ça comme un homme et de me servir de mon trop plein d’émotions pour prouver aux décideurs qu’ils avaient tort de parier contre moi. Oui, c’est certain que ça me motive à performer à chaque soir.»
Cette situation est, à elle seule, l’échantillon parfait pour décrire Matthew Savoie : un compétiteur de tous les instants qui carbure aux défis et qui prend un malin plaisir à faire mentir ceux qui doutent de lui.
À quelques mois du l’encan 2022 de la LNH, c’est d’ailleurs, encore une fois, son cheval de bataille, lui qui vient d'être ignoré par Équipe Canada junior en vue du prochain championnat du monde U20. Mais plus les mois passent, plus un constat semble unanime : championnat du monde ou pas, il sera repêché tôt. Très tôt. Et l’équipe qui mettra le grapin dessus comptera dans ses rangs un joueur aussi spécial que déterminé.
La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre
Lorsqu’on jette un œil à la famille Savoie, on comprend qu’il aurait été très surprenant que Matthew ne soit pas attiré par notre sport national.
Fils d’un père passionné de hockey depuis toujours, le talentueux attaquant a aussi un frère de deux ans son aîné, Carter, qui a été repêché par Oilers en 2020. Vous devinerez donc que le hockey occupe, chez les Savoie, une place de choix 12 mois par année... depuis toujours.
«Mon père a joué au hockey en grandissant. Évidemment, il a voulu initier mon frère et moi dès que nous avons été assez âgés pour patiner. J’avais deux ans. C’est très jeune! Mon père a ensuite été mon entraîneur pendant plusieurs saisons. Il m’a énormément aidé dans mon cheminement.»
Matthew poursuit son monologue, en arrivant alors à parler de son frère. L'amour qu'il lui porte est plus qu'évident.
«Mon frère, c'est mon meilleur ami depuis le début. Nous avons passé tellement de temps ensemble sur la glace. Notre père nous construisait une immense patinoire dans la cour arrière jusqu’à tout récemment. Je ne compte plus les fois où nous nous sommes affrontés à l’occasion de confrontations à un contre un. De merveilleux souvenirs. Nous nous poussons constamment à être meilleurs.»
Un choix déterminant
C’est donc un peu grâce à Carter si Matthew est si talentueux. Et l’aisance de ce dernier sur une glace ne date vraiment pas d’hier. En fait, le succès lui colle à la peau depuis déjà plusieurs années. En d'autres mots, c'est un abonné aux distinctions.
Au terme de la campagne 2017-2018, il a été nommé joueur par excellence Bantam de la Canadian Sport School Hockey League après avoir récolté 28 buts et 69 passes pour 97 points en... 30 matchs de saison régulière.
L’année suivante, le jeune homme natif de St. Albert, en Alberta, a disputé 31 matchs au sein du même circuit, mais cette fois au niveau Midget. Sa récolte? 71 points.
À l’issue de cette autre solide saison, il fut encore une fois le récipiendaire du titre du «MVP» du circuit.
Le Ice de Winnipeg a, quelques semaines plus tard, pris le pari de faire de Savoie le premier choix au total du repêchage de la WHL et ce, même s’il avait clairement signifié qu’il allait écouler son stage junior dans la NCAA. Mais la formation manitobaine a sorti le grand jeu et a finalement charmé le jeune homme.
«J’ai longuement hésité et ç’a été une période particulière pour ma famille, car mon frère a lui-même choisi la NCAA. Mais quand le Ice m’a repêché, j’ai décidé de lui donner une chance et d’aller visiter ses installations. Je suis immédiatement tombé en amour avec l’équipe d’entraîneurs et avec avec l'aréna.
«Après réflexion, j’ai déterminé que la WHL était l’endroit qui me permettrait le mieux d’atteindre mes objectifs.»
«Il a quelque chose de spécial en lui»
Si l’objectif de Savoie, en allant à Winnipeg, était d’attirer l’attention et de faire tourner les têtes par ses performances, on peut en effet parler de réussite.
Après une très concluante escale dans la USHL (Fighting Saints de Dubuque) lors de la campagne 2020-2021 en raison des restrictions pandémiques, Savoie est, comme on le disait d’entrée de jeu, sur une formidable lancée en cette première saison complète dans la WHL.
46 points en 29 matchs. Personne n’a fait mieux dans le circuit jusqu’ici.
«Il est extrêmement talentueux, lance un recruteur de l’association Ouest de la LNH. Quand tu penses que la séquence est morte, il sort un lapin de son chapeau et provoque une chance de marquer inespérée. Il a quelque chose de spécial en lui.»
«Ce joueur est une machine à créer de l’attaque, souligne un autre dépisteur. Il aime marquer des buts. Savoie a aussi une capacité à faire mal paraître ses rivaux en espaces restreints. Il a d’excellentes mains.»
En voilà, de belles qualités! Et dire que la marque de commerce de l’attaquant n'a même pas été mentionnée...
«Je dirais que ma principale force est assurément ma vitesse, avance le principal intéressé. Je peux réaliser plusieurs jeux difficiles à un tempo très élevé.
«Mon intelligence sur la glace est aussi un grand atout. J’analyse bien les différentes situations et m’y adapte rapidement.»
Conscient de la qualité de son début de saison, Savoie admet être satisfait de ses performances, mais comprend que l’objectif ultime est encore loin.
«C’est très agréable de produire autant, car il s’agit d’une grosse année où la pression est omniprésente. C’est cliché, mais j’essaie vraiment de prendre les matchs un à la fois. Mes entraîneurs et coéquipiers m’aident beaucoup à rester concentré. C’est une longue saison.»
L’auteur de ces lignes prend alors une chance.
«Combien de points souhaites-tu récolter d’ici la fin de l’année?»
«J’ai des chiffres en tête, mais je ne les dévoilerai pas. Ce serait inutile pour moi, à ce stade-ci.»
Le hockeyeur albertain passe haut la main le test de la maturité.
Une autre déception liée à Hockey Canada
Mais aussi sublime son début de saison puisse-t-il avoir été, Savoie, quelques jours après son entrevue avec TVA Sports, a appris qu'il n'était pas convoqué au camp final d'Équipe Canada junior.
S'il a été impossible d'avoir la réaction du patineur vis-à-vis cette surprenante décision, il est facile de comprendre que frustration, tristesse et incompréhension devaient être les émotions prédominantes dans son cas. Surtout que Shane Wright, un autre joueur disputant son année de repêchage, a de son côté été retenu pour l'événement.
Appelé à commenter le retrait de Savoie, Alan Millar, directeur du personnel des joueurs chez Hockey Canada, a tout de même voulu se faire rassurant concernant le joueur du Ice de Winnipeg.
«Matthew a un immense talent. Il réalise tous ses jeux à une vitesse folle. Il s'implique dans les trois zones. Mais nous avons un groupe très relevé cette année et il est très jeune. Il aura une autre chance l'an prochain. Ce n'est pas un désaveu envers lui», a-t-il promis.
Condamné à produire?
S'il est une arme offensive redoutable depuis ses débuts au hockey, un fait demeura toujours, dans le cas de Savoie : il mesure 5 pieds 9 pouces. Malheureusement, avance un recruteur, c’est encore, même en 2021, un aspect qui joue contre lui.
«Le truc avec lui, et c’est malheureux dans un sens, c’est qu’il est condamné à produire dans la LNH, parce que la majorité des équipes vont préférer un gars de 6 pieds 2 pouces à un gars de 5 pieds 9 pouces sur une troisième ou une quatrième ligne.»
Mais Savoie a deux arguments de taille en sa faveur. D’une part, son potentiel offensif est immense et il risque fort bien de lui permettre de jouer sur l’un des deux premiers trios dans la LNH.
D’autre part, il consacre énormément de temps à peaufiner son jeu défensif. C’en est pratiquement devenu une obsession.
Il s'assure donc de ne pas laisser le choix à la formation qui le repêchera: elle gagnera à le faire jouer, peu importe où.
«Je travaille très fort avec les entraîneurs du Ice sur le plan défensif, lance celui qui a également joué au baseball à l’adolescence. Je pose beaucoup de questions. En gros, je veux offrir un meilleur support à mes défenseurs. C’est important qu’ils puissent pouvoir compter sur moi.
«Tu ne peux jamais être trop bon défensivement. Dans le hockey d’aujourd’hui, le jeu sur 200 pieds est extrêmement important. J’en suis conscient et je ne néglige aucun effort à cet égard.»
Voilà qui fera assurément plaisir aux différentes formations de la LNH. En attendant, les recruteurs sondés au sujet du joueur de centre sont unanimes : il devrait, à moins d’une grosse surprise, produire sur une base régulière dans la LNH et s’établir au sein du top 6 de l’équipe qui le repêchera.
«Je ne regarde pas ce que font les autres»
Bien entendu, l’année où un joueur est admissible au repêchage est toujours spéciale.
Mais Savoie, contrairement à plusieurs espoirs interviewés dans le cadre de cette série de reportages, est étonnamment très serein face à tout ça. La réponse qu’il offre à ce sujet est d’ailleurs très révélatrice.
«Évidemment, être repêché tôt est l’objectif de tout le monde. Mais je suis un gars très calme, à la base. Je ne regarde pas ce que font les autres. De toute façon, peu importe ton rang de sélection, c’est ce que tu fais après qui compte. C’est la façon dont tu te développes après le repêchage qui dicte la suite de ta carrière.»
S’il n’y a aucune certitude émanant d’un repêchage amateur, il est quand même facile d’établir un constat clair quant au futur de Matthew Savoie.
Il donnera tout. Du premier au dernier jour.
Et cette approche, jumelée à son indéniable talent, risque fort bien de lui garantir une belle et longue carrière dans la LNH. Championnat du monde junior ou non.
Matthew Savoie
Équipe: Ice de Winnipeg (WHL)
Taille: 5 pieds 9 pouces
Poids: 178 livres
Statistiques 2021-2022: 17 buts, 29 aides - 46 points en 29 matchs, +22