Cri d’alerte d’un présentateur météo: «Il faut que les gens comprennent que la France va cramer»
Élizabeth Ménard
Les médias doivent changer leur façon de couvrir les canicules, juge un journaliste météo français qui a lancé un cri d’alerte sur les ondes de BFMTV mardi. Il faut cesser de montrer des images de baigneurs qui se réjouissent et plutôt illustrer la gravité de la situation: les vagues de chaleur sont mortelles et vont s’aggraver à mesure que le climat continue de se réchauffer.
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Alors que la France et l'Espagne sont affligées par une vague de chaleur inhabituelle à cette période de l’année, le journaliste météo Marc Hay estime que les médias doivent changer de ton lorsqu’ils parlent de cet événement climatique extrême qui n’a rien de banal.
«J’ai décidé d’arrêter d’utiliser mon ton habituel, c’est-à-dire d’arriver en plateau et de vous dire: la France va être concernée par une nouvelle canicule... Je pense que ça ne marche plus. Là, il faut que les gens comprennent que la France va cramer cette semaine», a-t-il lancé sur les ondes de la chaîne BFMTV.
Le journaliste insiste sur le fait que les canicules vont devenir plus fréquentes et intenses au cours des prochaines années.
«Je pense qu’il faut qu’on change notre manière de parler de ça, parce que ça n’imprime pas, et il faut que les gens se rendent compte que ce qui est en train de se passer, ce n’est que la face cachée de l’iceberg. L’été ne fait que commencer. D’autres canicules sont possibles et tout ceci va aller en s’aggravant», a-t-il ajouté.
💬 "Il faut qu'on change notre manière de parler de ça"
— BFMTV (@BFMTV) June 14, 2022
Marc Hay (@Marc_Hay_BFMTV) alerte sur les températures anormalement élevées ⤵ pic.twitter.com/grbmY2yTPt
Des images qui banalisent
Des enfants qui s’amusent dans les jeux d’eau ou qui dévorent une crème glacée, des plages bondées, des amis qui profitent du soleil au parc Lafontaine: avez-vous remarqué les images utilisées dans les médias pour illustrer les canicules?
La sortie de Marc Hay fait écho à la publication d’une récente étude réalisée par des chercheurs européens qui conclut que ce genre d’images, où les gens ont surtout l’air de se réjouir du beau temps, contribue à banaliser les vagues de chaleur.
«D'abord, en éludant les préoccupations sur la vulnérabilité, ça marginalise l’expérience de ceux qui sont vulnérables aux vagues de chaleur. Ensuite, ça exclut les opportunités d’illustrer un futur plus résilient», écrivent les auteurs de l’étude publiée le mois dernier.
Ils suggèrent aux médias de diversifier le discours visuel au sujet des changements climatiques et des canicules.
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Catalyseur des inégalités sociales
Les canicules sont des événements climatiques extrêmes qui font toujours des victimes, même au Québec.
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«Chaque année, des gens meurent dans leur baignoire en essayant de se rafraîchir», rappelait d’ailleurs le chef médical de l’équipe de santé environnementale de la Direction de santé publique de Montréal, le Dr David Kaiser, lors du Sommet Climat de Montréal, le mois dernier.
Les canicules touchent particulièrement les personnes âgées, celles qui sont atteintes de problèmes de santé cardiovasculaire ou de troubles de santé mentale, qui sont aux prises avec des problèmes de consommation ou qui vivent dans des secteurs défavorisés, souvent des îlots de chaleur. Bref, les plus démunis sont disproportionnellement affectés, ont démontré plusieurs études. Les canicules et les changements climatiques en général agissent comme catalyseurs des inégalités sociales.
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En 2003, près de 20 000 personnes sont mortes en France et 70 000 en Europe lors d’une vague de chaleur.
Les canicules seront plus fréquentes et intenses au cours des prochaines années, prévient le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).
Du changement dans les médias
Tout comme les auteurs de l’étude, Patrick White, professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM, encourage les médias à illustrer les canicules différemment.
«Il faut que les photographes et les journalistes retournent sur le terrain, alors que, dans les deux dernières années, on est resté avec des salles de rédaction fermées, dit-il. Il faut varier les banques d’images pour montrer la réalité.»
La couverture des enjeux climatiques est tout de même en train de changer dans les médias, constate-t-il.
«L’espace médiatique a considérablement augmenté [...] On le voit avec le pôle environnement au Devoir et la couverture que [vous faites] au 24 heures: le beat environnement et changements climatiques se développe dans un grand nombre de médias, ici et ailleurs dans le monde», dit-il.
En 2019, le réputé journal britannique The Guardian a créé une section 100% consacrée à la crise climatique, «l’enjeu déterminant de notre époque».
«Nous promettons de donner à l’urgence climatique l’attention soutenue qu’elle demande», avait déclaré la rédactrice en chef, Katharine Viner.
Le San Francisco Chronicle a, lui aussi, créé une section spécialisée. Le 24 heures a fait de même l’an dernier, tout comme plusieurs autres médias ailleurs dans le monde.
Lors de la publication du dernier rapport du GIEC, en avril dernier, les trois principaux journaux nationaux québécois en ont fait leur une, du jamais-vu.
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Pour joindre Élizabeth Ménard: elizabeth.menard@quebecormedia.com.