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L'article provient de TVA Sports
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Confrontation historique, la revanche contre Santos Laguna

Photo d'archives, REUTERS
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Photo portrait de Dave Lévesque

Dave Lévesque

2022-02-13T05:00:00Z
2022-02-13T05:43:32Z
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Il y a 13 ans, le cours de l’histoire de l’Impact de Montréal allait changer. Le petit club de deuxième division allait rencontrer un géant, Santos Laguna. Retour sur ce moment historique.

Il faut se remettre dans le contexte, l’Impact avait, contre toute attente, obtenu sa qualification pour la Ligue des champions en remportant le Championnat canadien, devant le Toronto FC, qui évoluait déjà en MLS.

De plus, l’équipe avait traversé la phase de groupe pour passer en quarts de finale, ce que personne n’avait prévu.

« On se lançait dans l’inconnu. Pour nous, la Ligue des champions, c’était en Europe, se souvient Patrick Leduc. Ce n’est pas comme jouer contre une équipe d’USL ou de MLS. Il y a un peu plus de tension émotive dans tous les matchs. »

Énorme différence

C’est un cliché de parler de David contre Goliath, mais c’est pourtant la meilleure façon de décrire cet affrontement. Directeur sportif à l’époque, Nick De Santis donne du poids à l’argument.

« On avait un budget de 1,1 M$ pour bâtir notre équipe et Santos avait autour de 26 M$. Ça nous donnait une bonne indication de ce qu’on aurait à affronter. »

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De Santis ne voulait pas que son équipe se fasse humilier par la formation mexicaine qui évoluait dans la meilleure ligue de la CONCACAF, la Liga MX.

« Nous avions de très bons joueurs à toutes les positions, mais nous savions qu’il fallait limiter les dégâts parce qu’on jouait contre une des meilleures équipes du Mexique et à cette époque, cette ligue était beaucoup plus forte que la MLS. »

Confiance et préparation

Nick De Santis estime que son équipe avait une position enviable en étant négligée.

« Quand on est négligé, c’est une position de force parce qu’on se prépare au maximum. On ne veut pas se faire ridiculiser et la fierté entre en jeu. »

Dans les coulisses, le personnel technique avait fait le nécessaire pour que l’équipe soit préparée de façon optimale, comme l’illustre l’ancien entraîneur-chef John Limniatis.

« Marc Dos Santos m’a dit qu’on avait tellement fait de recherches sur eux qu’il savait même à quelle heure chaque joueur allait à la toilette », lance De Santis en riant.

Bref, personne n’avait l’impression de s’en aller à l’abattoir en affrontant Santos Laguna.

La surprise  

Le 25 février 2009, il règne une ambiance de fête au Stade olympique de Montréal. On sent que l’impressionnante foule de 55 571 spectateurs est prête pour vivre un moment hors de l’ordinaire.

« C’était probablement la plus grande journée de l’histoire du club », lance John Limniatis.

L’entraîneur-chef ressent alors toute la ferveur des partisans et est submergé par le moment.

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« On était les négligés, on savait que ça serait extrêmement difficile. Le fait de jouer à Montréal devant 56 000 personnes nous a donné une énergie incroyable. »

Hystérie

Parmi les hommes de Limniatis, il y a l’attaquant d’origine cubaine Eduardo Sebrango qui fait un retour à Montréal après un premier séjour entre 2002 et 2005. Il ne met que cinq minutes à ouvrir la marque.

« Parfois, j’ai encore l’impression que ce match n’est pas vrai, comme si c’était un rêve », reconnaît Sebrango au sujet de cette rencontre.

Eduardo Sebrango a jeté l’hystérie dans la foule au stade Olympique en marquant dès la cinquième minute de jeu le 25 février 2009.
Eduardo Sebrango a jeté l’hystérie dans la foule au stade Olympique en marquant dès la cinquième minute de jeu le 25 février 2009. Photo d'archives, REUTERS

« Quand nous marquons ce premier but et que tout le monde devient fou, je pense qu’ils ne se sont jamais attendus à ça », croit Nick De Santis.

Sebrango va compléter son doublé à la 77e minute pour permettre à l’Impact de se rendre à Torreón pour le match retour avec une avance inespérée.

« Ce sont parmi les buts les plus importants que j’ai marqués dans ma carrière », concède-t-il.

Pas impressionné

La soirée a tourné à la fête, le second but a pratiquement soulevé le toit du Stade olympique, mais Patrick Leduc, qui a observé le match du banc en raison d’une blessure, était resté sur sa faim.

« On ne les avait pas trouvés si bons que ça lors du premier match, mais il y a eu des flashes tôt dans le match et on se disait que c’était du sérieux. »

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« La surprise, c’était qu’on gagne, reconnaît Limniatis. Mais quand on regarde le match, ce n’était pas une surprise, on a bien joué, ce n’était pas une victoire par chance. »

Patrick Leduc savait toutefois que rien n’était acquis malgré l’issue du premier match.

« On ne l’a pas volée, cette victoire, mais ça préparait un peu le match retour, où on était peut-être un peu trop sûrs de nous. »

Ce n’est que plus tard dans le second match que le ballon se dégonflera.

 À 45 minutes de l’exploit  

Les Mexicains attendaient de pied ferme la troupe montréalaise au deuxième match

C’est la consternation dans le camp de l’Impact après leur revers du 5 mars à Torreon au Mexique.
C’est la consternation dans le camp de l’Impact après leur revers du 5 mars à Torreon au Mexique. Photo d'archives, REUTERS

C’est avec une avance de 2 à 0 après le match aller que l’Impact de Montréal s’est présenté à Torreón pour le match retour, le 5 mars 2009.

« On était confiants pour le deuxième match, mais on savait que ça serait encore plus difficile parce qu’on jouait chez eux », se souvient John Limniatis.

« Si je me souviens bien, quelqu’un de leur équipe a dit après le premier match qu’ils allaient nous donner une leçon au Mexique. »

Les Mexicains ne mentaient pas puisqu’ils ont pris les devants dès la 15e minute. Roberto Browne et Eduardo Sebrango ont fait de 2 à 1 Montréal avant la mi-temps.

Nervosité

« On savait que c’était une équipe explosive offensivement. On savait que si on prenait un but ou deux, on serait encore plus nerveux, mais on avait un coussin de trois buts », explique Limniatis.

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Santos Laguna crée l’égalité avant l’heure de jeu et la situation commence à être plus tendue pour Montréal, surtout avec des changements qui se profilent des deux côtés.

« Je ne nommerai pas de nom, mais je me rappelle d’un substitut qui est entré dans le match et qui avait les yeux gros comme des ballons de soccer », souligne Eduardo Sebrango.

L’équipe tient le coup jusqu’à la 74e minute quand Vicente Matias Vuoso inscrit son second but du match.

Erreur

Les problèmes ont réellement commencé pour les Montréalais quand John Limniatis a décidé de retirer Roberto Browne du match.

« On n’a pas bien anticipé l’arrivée de Darwin Quintero, je n’ai peut-être pas entré le bon joueur pour le contrer et ils sont devenus très difficiles à contrôler », reconnaît l’ancien entraîneur-chef.

Browne était un vieux routier et Nick De Santis estime que son expérience aurait servi le reste du groupe.

« Avec son expérience internationale, il aurait su quoi faire pour tuer du temps. Notre inexpérience face à un moment aussi crucial et dans un environnement hostile nous a fait très mal. »

Le déluge

De Santis était en chemin vers le terrain quand Darwin Quintero a marqué le premier de ses deux buts pendant le temps ajouté.

« Et quand ils ont marqué leur quatrième but, j’ai pensé à courir sur le terrain afin de créer une diversion pour gagner du temps, mais je me suis dit que j’aurais l’air fou », se rappelle-t-il avec un rire doux amer.

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Quintero a remis ça quelques secondes plus tard pour inscrire le cinquième but, celui qui éliminait l’Impact. Tout est allé si vite que Sebrango ne savait plus ce qu’il se passait.

« J’étais tellement confus que quand l’arbitre a sifflé la fin du match, je pensais qu’on s’en allait en prolongation. »

Naissance d’une culture  

On ne vit pas une défaite aussi cruelle que celle subie lors du match retour sans en garder des séquelles.

« Après cette défaite, c’est comme si tout le monde s’était dégonflé émotivement, reconnaît Nick De Santis. L’équipe a souffert pendant plusieurs mois après ça, c’était très difficile à accepter parce qu’on s’était mis dans une position favorable pour gagner. »

Vivre une poussée d’adrénaline comme celle-ci sans en récolter les fruits a fini par peser lourd.

« Ç’a eu un grand effet sur le début de la saison, mentionne John Limniatis. C’était difficile de motiver les joueurs à jouer à Charleston devant 200 personnes et j’ai été remplacé après seulement cinq ou six matchs. »

Congédiement

Les mois suivants ont effectivement été pénibles et John Limniatis a fini par être limogé.

« Quand j’ai été congédié, je pense que l’organisation a perçu qu’on avait perdu plutôt que Santos Laguna qui avait gagné. Le premier match a faussé la perception. C’était une puissante équipe. »

Mais tout n’est pas noir pour l’ancien entraîneur, qui en garde de bons souvenirs malgré l’amertume de la défaite.

« Comme coach, c’est ma plus belle expérience dans le monde du soccer. Mais j’ai aussi vécu Mexique contre Canada devant 110 000 spectateurs à l’Azteca. »

Culture

Sous la gouverne de Marc Dos Santos, qui était jusque-là l’adjoint de Limniatis, l’équipe s’est reprise pour bien terminer l’année 2009.

« Nous avons gagné le championnat de l’USL cette année-là », rappelle Nick De Santis.

Et il y a un héritage qui est né lors de ce quart de finale.

« Quand on pense à cette équipe, on pense aux entraîneurs et aux joueurs, on a su créer une identité et une culture », soutient De Santis.

« En fin de compte, ça reste un moment marquant de l’histoire du club. Ce sont des moments qu’on chérit pour le reste de nos vies. C’est un moment qui a défini ce que Montréal est devenu au soccer. »

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