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Des civils évacués à Marioupol: c’est quoi, au juste, un couloir humanitaire?

Une mère et sa fille, après avoir été évacuées de Marioupol.
Une mère et sa fille, après avoir été évacuées de Marioupol. AFP
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

8 mars 2022
2 mai 2022
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L’Ukraine espère aujourd’hui pouvoir continuer d’évacuer des civils de Marioupol, après l’ouverture, cette fin de semaine, d’un premier couloir humanitaire en plus de deux mois de siège. Hier, une centaine de personnes ont pu quitter le site de l’aciérie Azovstal. Mais c’est quoi, au juste, un couloir humanitaire? Pourquoi est-ce si compliqué à mettre en place?

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Les derniers développements à Marioupol  

La coordination entre l’Ukraine, la Russie et le Comité international de la Croix-Rouge (CIRC) a finalement permis de mettre en place un couloir humanitaire et d’évacuer une centaine de civils ukrainiens vers la ville de Zaporijjia, située à environ 200 km de là. 

Une famille qui a pu évacuer Marioupol.
Une famille qui a pu évacuer Marioupol. AFP

Il s’agit de la première opération d’évacuation réussie dans l’immense complexe de l’aciérie, qui représente le dernier rempart de la résistance ukrainienne dans la ville stratégique de Marioupol. 

L’évacuation des civils, cachés depuis des mois dans des caves aux côtés des derniers combattants ukrainiens, a été possible grâce au premier cessez-le-feu respecté après deux mois de siège. La vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a cependant rappelé que «des centaines de civils restent bloqués à Azovstal». 

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Une nouvelle évacuation était prévue ce lundi matin, mais les autobus n’étaient pas encore arrivés au point de rassemblement plus de 5 h après l’heure prévue, a indiqué la mairie de Marioupol sur son compte Telegram.

Assiégée et bombardée sans relâche depuis le début du conflit, la ville de Marioupol est maintenant détruite à plus de 90% et est presque entièrement sous le contrôle des Russes.    

C’est quoi, un couloir humanitaire?  

C’est un passage où il y a un cessez-le-feu, donc un passage dans lequel personne ne peut mener une attaque. Il sert d’abord à protéger les civils en zone de combats, explique la directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone, France-Isabelle Langlois.

Photo AFP
Photo AFP

«Ces couloirs ont deux fonctions principales: évacuer les civils des zones de combats vers un lieu sécuritaire et permettre que l’aide humanitaire se rende à eux. On peut penser à l’acheminement d’eau, de nourriture, de couvertures, de médicaments et de travailleurs humanitaires en tout genre. Une fois la zone atteinte, les civils peuvent décider de rester sur les lieux ou de partir vers d’autres zones sécuritaires», explique-t-elle. 

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Ces couloirs sont nés des conventions de Genève, des traités internationaux négociés après les deux guerres mondiales, qui dictent les règles de conduite dans les zones de guerre. 

Même si les couloirs sont une bonne chose en soi, leur mise en place marque le début d’une crise humanitaire en Ukraine. 

«Ça veut dire que les populations ne sont pas capables de sortir de là où elles sont sans mettre leur vie en danger, mentionne-t-elle. Ça implique que les villes sont de plus en plus assiégées et que les civils, notamment des familles, ne sont plus capables de fuir.» 

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Pourquoi sont-ils si compliqués à mettre en place et à respecter?  

Pourquoi autant de tentatives ont-elles été nécessaires pour arriver à créer des couloirs humanitaires en Ukraine? Parce que pour les instaurer, les parties doivent s’entendre, généralement avec un État tiers ou une organisation. C’est le seul moyen d’y arriver.

«Théoriquement, c’est une négociation qui repose sur la bonne foi et sur la confiance, mais c’est aussi un bras de fer dans lequel chaque détail est étudié: trajet, lieu d’arrivée, durée, etc. Personne ne veut avoir l’air de perdre la main», indique-t-elle.

La ville de Kharkiv ravagée après des bombardements.
La ville de Kharkiv ravagée après des bombardements. Photo AFP

 

Même lorsque les couloirs sont officialisés, la méfiance entre les belligérants les rend très fragiles, note de son côté François Audet, directeur général de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires. 

«Il y a une grande méfiance entre les deux parties; alors aussitôt qu’on entend ne serait-ce que le bruit d’une cigarette qui s’allume, les combats reprennent et le cessez-le-feu n’est pas respecté», explique-t-il.

D'ailleurs, quelques heures après le début du premier cessez-le-feu à Marioupol au début du mois de mars, le ministère ukrainien de la Défense avait justement accusé la Russie d’avoir «lancé une attaque exactement en direction du couloir humanitaire».

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Comment s’en servent les dirigeants?   

Dans le conflit actuel comme dans tous conflits, ces couloirs sont aussi utilisés à des fins de guerre psychologique, note France-Isabelle Langlois.

«C’est le jeu de l’information et de la propagande. Dans ce cas-ci, quand l’Ukraine a refusé la proposition russe d’évacuer les civils ukrainiens vers la Russie, les dirigeants russes les ont accusés de faire traîner les négociations et de vouloir se servir des civils comme d'un bouclier humain. On peut comprendre que du côté ukrainien, on refuse [de les envoyer en Russie], par crainte pour nos civils. On ne sait pas ce qui pourrait arriver une fois qu’ils seraient là-bas», rappelle-t-elle.

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Pour François Audet, en proposant d’envoyer des civils ukrainiens en Russie, Vladimir Poutine souhaitait envoyer un message à sa population et consolider sa campagne de désinformation. 

«Il voudrait avoir des images d’Ukrainiens arrivant en Russie pour pouvoir s’en servir et dire à son peuple qu’ils se sauvent des autorités ukrainiennes qui les massacraient», analyse-t-il.

En prétextant qu'il y aurait des attaques sur ces couloirs, les parties peuvent également s’en servir pour pointer l’autre du doigt et justifier des attaques d’envergure. 

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Qu’est-ce qui arrive si les couloirs ne sont pas respectés?  

En théorie, le non-respect des couloirs humanitaires est une faute grave, puisqu’il constitue une violation du droit international et qu’il est considéré comme un crime de guerre. 

Un délinquant qui attaque un couloir humanitaire pourrait subir un procès devant la Cour pénale internationale et s’expose à une peine pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité.  

La Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas.
La Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. AFP

Les procédures sont cependant longues et complexes, et les auteurs de crimes de guerre sont généralement jugés longtemps après les faits qui leur sont reprochés. L’effet dissuasif est donc minime, ce qui fait en sorte qu’il y a toujours le risque qu’un couloir humanitaire ne soit pas respecté, indique Mme Langlois. 

Comment ça s’est passé dans d’autres conflits?   

Malgré la fragilité des couloirs humanitaires, ils ont souvent contribué à sauver des milliers de vies. 

En 1990, le siège de la ville de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, a duré plus de trois ans. Bien que les civils ne pouvaient pas sortir de l’enceinte de la ville, la population a tenu le coup parce que le ravitaillement était possible et que des convois humanitaires réussissaient à se rendre à eux. 

Une opération a permis de sauver des milliers de personnes à Alep, en Syrie, en 2016. 

«La Croix-Rouge avait réussi un coup de maître en évacuant des dizaines de milliers de personnes pendant un cessez-le-feu qui avait été respecté», rappelle François Audet. 

Photo prise à Alep en 2016.
Photo prise à Alep en 2016. Photo AFP

Dans cette même guerre, cependant, les Russes avaient visé des couloirs humanitaires. Un scénario qui s’est répété plusieurs fois dans les dernières années, rappelle France-Isabelle Langlois.

«On l’a vu beaucoup en Afghanistan, en Irak, en Syrie, où il y a eu énormément de bris au droit humanitaire et au droit de la guerre», déplore-t-elle. 

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