Budget Marchand: la hausse de taxes la plus salée en 15 ans, mais ç'aurait pu être pire
Jean-Luc Lavallée | Journal de Québec
Les propriétaires d’unifamiliales à Québec subiront une hausse de taxes d’environ 75 $ en 2023, la plus salée en 15 ans. Ça aurait toutefois pu être bien pire, plaide la Ville, qui renflouera aussi ses coffres en augmentant tous ses tarifs, incluant les stationnements.
Si la Ville avait suivi sa propre règle, en ajustant les taxes à l’inflation, les taxes résidentielles et non résidentielles auraient augmenté de bien plus que des 2,5 % confirmés lundi, a-t-on fait valoir.

D’autres grandes villes taxeront nettement plus que ça, a insisté le maire Bruno Marchand, « fier » d’avoir réussi à « plafonner » la hausse à un niveau acceptable, selon lui, pour les citoyens qui doivent eux aussi faire face à la hausse du coût de la vie dans leur quotidien.
« Dans des conditions normales, on aurait indexé à 5,6 %, ce qui aurait amené une augmentation de 167 $. L’économie réalisée est donc de 92 $ en moyenne pour les comptes de taxes résidentielles », a fait miroiter le directeur général de la Ville, Luc Monty, évoquant le contexte actuel de « turbulences ».
La hausse de taxes de 2,5 % générera 31 M$ de revenus additionnels. L’ajout de paliers d’imposition pour la taxe de bienvenue (droits de mutation) sur les transactions supérieures à 500 000 $ permettra d’engranger 8 M$ de plus.

Le stationnement augmente aussi
Quant aux hausses de tarifs, la Ville ira chercher 3,8 M$ de plus dans les poches des citoyens, dont 2,1 M$ uniquement grâce aux stationnements (parcomètres et vignettes).
À partir du 1er janvier, il faudra débourser 3 $ l’heure au lieu de 2,50 $ actuellement, soit 20 % de plus dans les 1 801 bornes de stationnement. Il s’agit d’une première hausse depuis 2016.
Les détenteurs de vignettes casqueront encore davantage puisqu’ils devront payer 120 $ par an au lieu de 82 $ par an, une augmentation de 46 %. Les autres biens et services, comme la location des patinoires, subiront une indexation de 5,6 %.
Aussi, l'an prochain, l'administration Marchand abolira le tarif préférentiel pour l'installation de terrasses. Fixé pendant la pandémie à 50 $ seulement, au lieu de 3300 $ en moyenne, afin d'aider les commerçants, ce tarif sera maintenant établi selon l'occupation de la voie publique, au mètre carré. La Ville prévoit en 2023 un revenu de 270 000 $ pour 157 terrasses.

Un choc plus grand évité
La Ville assure qu’elle a fait des « efforts importants » en réduisant ses dépenses ici et là de 11 M$ et en pigeant dans ses réserves à hauteur de 13 M$ pour limiter le choc. « Le budget 2023 qu’on présente mardi va nous permettre de passer au travers », a affirmé M. Monty.
Au final, l’administration Marchand dit avoir fait des choix « responsables » en déposant un budget équilibré de près de 1,8 milliard $ pour 2023, en hausse de 7 % par rapport à l’année précédente.
Le maire et son équipe expliquent cette variation importante par divers facteurs, mais l’inflation – qui représente environ 31 M$ de la hausse – n’explique pas tout.
La Ville injectera aussi 46 M$ dans l’ajout de services aux citoyens (18,2 M$ pour la gestion des matières résiduelles, 10 M$ de plus pour le déneigement, 4,4 M$ de plus pour l’entretien des routes, 2,5 M$ de plus pour la sécurité urbaine et 800 000 $ pour bonifier l’offre de loisirs).

« Ambitieux » malgré tout
À n’en point douter, le premier « vrai » budget de Bruno Marchand depuis son élection est marqué au fer rouge par l’inflation. Ce qui ne l’empêche pas d’être « ambitieux » et d’être axé plus que jamais, se targue-t-il, sur le développement durable.
La dette nette de la Ville continuera par ailleurs de baisser pour une huitième année consécutive, à 1 539 M$ (- 4,7 M$).
Les partis d’opposition promettent d’étudier les documents budgétaires et n’ont pas encore décidé s’ils l’appuieraient ou non.
La planification des investissements sur 10 ans (au lieu de 5 ans) inquiète le chef de l’opposition Claude Villeneuve qui craint que l’on repousse certains projets en les « pelletant » par en avant.
CE QUI ATTIRE L’ATTENTION
- Budget équilibré de 1772,2 M$ (une hausse de 116,4 M$ ou 7 %)
- Pour une maison moyenne de 293 000 $, la hausse de taxes de 2,5 % équivaut à une augmentation de 75 $ pour l’année (60 $ pour Loretteville et 73 $ pour l’ancienne Ville de Québec avant les fusions municipales)
- Les taxes commerciales et industrielles sont également en hausse de 2,5 %
- Le nouveau plan d’investissements sur 10 ans prévoit une somme de 10,1 G$
- La dette nette s’établira à 1539,1 M$ (-4,7 M$)
Les faits saillants du budget
NOUVELLE RÉSERVE POUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
L’administration Marchand met en place un « élément capital » pour se prémunir contre les changements climatiques : une réserve qui servira à financer certains projets.
Elle sera dotée de 15 millions $ en 2023, mais on veut qu’elle atteigne 300 millions $ en 2028. Il faudra donc y injecter 30 millions $ en 2024, 45 en 2025, 60 en 2026 et 75 millions $ les deux dernières années.
Elle servira par exemple pour la protection du lac Saint-Charles et la mise à niveau des usines de traitement des eaux.
« C’est maintenant qu’il faut prendre les actions que nous devons prendre pour faire en sorte, notamment, que notre économie souffre le moins possible des tremblements qui pourraient arriver liés aux changements climatiques », a soutenu le maire Bruno Marchand.
« DES CHOIX DIFFICILES »
Tout en assurant qu’aucun grand projet ne sera coupé, l’administration Marchand a admis avoir dû faire « des choix difficiles » pour équilibrer son budget dans un contexte de turbulences économiques.
« Par rapport à 2019, on diminue le nombre de stations chaleureuses. On diminue le nombre de places éphémères. On diminue le nombre de places festives », a laissé tomber le maire Bruno Marchand en évoquant également la baisse du nombre de fleurs décoratives et de frais de représentation.
La hausse des tarifs du stationnement et celle déjà annoncée des taux de taxe de bienvenue pour les immeubles de plus de 500 000 $ font également partie des sacrifices consentis.
« On n’est pas heureux de faire ces choix-là », a convenu le maire de Québec.
DÉCEPTION SUR L’ITINÉRANCE
La Ville de Québec versera 50 000 $ de plus aux organismes œuvrant dans le domaine de l’itinérance en 2023, une somme « ridiculement faible » par rapport à l’attention qu’a eue ce dossier depuis un an, dénonce le chef de l’opposition Claude Villeneuve. « Tout ça pour ça », a-t-il pesté.
Bruno Marchand maintient qu’il veut être un leader en la matière, mais il dit être en « attente » du gouvernement du Québec et qu’il est « impossible » d’intervenir. Il rencontrera le ministre des Services sociaux Lionel Carmant sous peu.
GUERRE DE CHIFFRES SUR LE LOGEMENT SOCIAL
L’enjeu du logement social a donné lieu, lundi, à une bataille de chiffres.
« Les fonds qui étaient prévus pour l’acquisition de terrains destinés au logement social ont diminué de façon assez importante.
L’année passée, il était prévu (d’investir) 16 millions $ sur cinq ans. Cette année, on prévoit 12,6 millions $ sur 10 ans », a regretté Jackie Smith, cheffe de Transition Québec.
Claude Villeneuve, chef de Québec d’abord, a affirmé « qu’on prévoit seulement 150 000 $ pour le logement social [...] Ça nous emmène un peu à nous questionner sur l’ordre des priorités ».
Du côté de l’administration municipale, on a plutôt insisté sur les 50,4 millions $ qui seront consacrés au Fonds de développement du logement social de Québec.
« On met évidemment l’accent (sur le logement social) pour lequel on sera prêts lorsque le gouvernement du Québec sera à son tour présent pour qu’on puisse aller plus rapidement et répondre aux différents besoins », a soutenu le maire de Québec.
— Avec la collaboration de Taïeb Moalla et de Stéphanie Martin
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