Félix Auger-Aliassime a fait trembler la terre
Jessica Lapinski
Félix Auger-Aliassime a livré un duel épique à Rafael Nadal, mais il n’a pas été en mesure de l’emporter face au roi de la terre battue, dimanche, à Roland-Garros.
Sur le Philippe-Chatrier, devant des gradins bondés admirant le spectacle, il aura fallu 4 h 20 de jeu à l’Espagnol pour venir à bout du Québécois, 3-6, 6-3, 6-2, 3-6 et 6-3, dans cette rencontre de quatrième tour.
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Aidé par son puissant service, mais aussi par un jeu varié ponctué de nombreuses montées au filet, le joueur de 21 ans a fait trembler «l’ogre de l’ocre».
En 111 matchs à la Porte d’Auteuil, ce dernier avait seulement dû jouer deux cinquièmes manches, qu’il avait chaque fois remportées (contre le Serbe Novak Djokovic, en 2013, et face à l’Américain John Isner, en 2011).
Un respect total
«Je respecte totalement Félix, a louangé le cinquième favori après ce long duel. Il joue de mieux en mieux. Si on n’arrive pas à le repousser dans ses retranchements, c’est très difficile de le contrôler, parce que son service est très fort et son coup droit est vraiment très agressif.»
Et ce service «très fort» a placé Auger-Aliassime en bonne position tôt dans le match. Devant un Nadal un peu lent, la fierté de L’Ancienne-Lorette, classée neuvième à Paris, a pu enlever plusieurs échanges en deux coups de raquette.
Il a ainsi filé avec la première manche, à la stupeur du stade, qui ne s’attendait sans doute pas à pareille performance de la part d’un joueur n’ayant jamais gagné une rencontre dans le grand tableau de Roland-Garros avant cette année.
Mais Nadal étant Nadal, le vétéran de bientôt 36 ans est revenu en force à la deuxième, puis à la troisième manche. La clé ? «J’ai joué un peu mieux», a seulement relevé «Rafa».
L’Espagnol jouait certes mieux, mais le Québécois l’a brisé d’entrée au quatrième set, lorsque la frappe de l’homme aux 21 titres majeurs a touché le haut du filet avant d’aboutir dans sa partie du terrain sur balle de bris.
Nadal n’a jamais été capable de revenir de l’arrière dans cette manche, Auger-Aliassime multipliant les montées au filet afin d’éviter de s’embourber dans de longs échanges.
Le troisième de l’histoire?
Si bien que «Rafa» s’est retrouvé dans un territoire qu’il a peu fréquenté dans ses 17 participations à Roland-Garros. La foule animée, elle, commençait à croire qu’elle assisterait à un moment historique en ce dimanche après-midi.
Félix pouvait-il devenir le troisième joueur seulement à battre Nadal à Paris, après Djokovic, deux fois, et le surprenant Suédois Robin Soderling?
Partagés entre l’envie de voir vivre l’exploit et celle de voir leur héros des deux dernières décennies s’en tirer, les partisans passaient des «Félix! Félix!» aux «Rafa! Rafa!» tout au long de cette cinquième manche.
Mais ces derniers chants ont fini par retentir plus fort. Tout comme les frappes de l’Espagnol, qui, au huitième jeu, a réussi le bris décisif, s’offrant ainsi son billet pour une confrontation attendue contre Djokovic demain (voir autre texte).
«J’ai essayé de gagner, mais il a très bien joué, a souligné Félix, serein même s’il a été si près du plus grand moment de sa carrière. Il a haussé son jeu quand il en avait besoin.»
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De la fierté et aucun regret
Même après être passé si près d’écrire l’histoire face à Rafael Nadal dimanche, Félix Auger-Aliassime disait n’avoir «aucun regret» au terme de son match. Que de la fierté.
Même si le Québécois avait perdu une heure auparavant l’un des matchs les plus ardus de sa jeune carrière, rien n’y paraissait en conférence de presse.
«Je suis fier de ce que j’ai produit comme niveau, de l’effort que j’ai donné», a affirmé Félix.
«J’essaye toujours de n’avoir aucun regret dans mes matchs. Cette fois, j’ai changé des choses tactiquement, ma position, les services-volées, les amortis, et j’ai tout essayé par rapport à ce que je maîtrise en ce moment», a-t-il poursuivi.
Après cette défaite en cinq manches face au Russe Daniil Medvedev aux Internationaux d’Australie, en début d’année, et celle en deux sets serrés contre le numéro 1 mondial, le Serbe Novak Djokovic, il y a deux semaines à Rome, cette performance contre l’Espagnol ira donc dans la filière «expérience».
«Beaucoup d’efforts»
Car au-delà de l’aspect tactique, Auger-Aliassime reconnaît aussi avoir trimé dur mentalement contre Nadal, qu’il affrontait pour la deuxième fois de sa carrière, après un revers sec à Madrid en 2019.
«Ç’a été beaucoup d’efforts, beaucoup de concentration, a expliqué le joueur de 21 ans. Il a haussé son niveau de jeu, et moi j’ai eu quelques creux. J’ai perdu un peu l’ordre du jeu, j’ai perdu un peu mes intentions à certains moments.»
«Malgré tout, j’ai réussi à bien me ressaisir quand il fallait, à bien servir à nouveau, s’est-il réjoui. C’est de bon augure pour la suite.»
Il se range derrière Nadal
Et maintenant qu’il a finalement gagné des matchs à la Porte d’Auteuil, maintenant qu’il a poussé Nadal dans ses derniers retranchements sur ce terrain où il a été couronné 13 fois, derrière qui se rangera-t-il demain, quand son bourreau affrontera le numéro un mondial Novak Djokovic en quarts de finale ?
«Je souhaite le meilleur à Rafa, a-t-il dit. J’ai beaucoup d’admiration pour lui, pour tout ce qu’il a fait. C’est aussi quelqu’un que j’apprécie.»
Dimanche, Félix n’a pas senti son adversaire particulièrement dérangé par cette blessure à un pied qu’il traînera pour le reste de sa carrière.
Mais il reconnaît qu’il ne sera pas facile pour l’Espagnol de venir à bout sur Serbe. Surtout après avoir passé 4 h 20 min sur le terrain contre lui !
«Ce sera un effort monumental pour lui, je pense, pour gagner, a pointé Auger-Aliassime. Mais comme ils ont toujours fait, Novak et lui, ils vont tout donner jusqu’au bout et ce sera un beau combat.»