Au Salon de l’auto de Détroit : la transition électrique, c’est pour quand?
Mathieu Carbasse
Alors que le Salon de l’auto de Détroit a fait la part belle cette année aux véhicules électriques, les consommateurs américains semblent encore peu enclins à les adopter. 24 heures est allé voir sur place.
Après deux ans de pause en raison de la pandémie, le Salon de l’auto a fait son grand retour cette année à Détroit, avec le mot «électrique» sur toutes les lèvres. La trentaine de fabricants automobiles présents sur place proposaient chacun au moins une alternative aux véhicules à essence. De mémoire d’habitués, on n’avait jamais vu ça !
Et les grandes stars de ce rendez-vous ont été sans conteste le Ford F150 Lightning 100% électrique ou la nouvelle Jeep Wrangler hybride.
Si le chemin vers le tout électrique était bien visible au cœur de la bien nommée «Motor City», l’autre nom de la capitale historique de l’automobile aux États-Unis, c’est aussi en raison de la visite de Joe Biden.
Le président américain est en effet venu vanter la transition électrique dans un pays qui ambitionne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 52% par rapport à 2005, d’ici 2030. La Maison-Blanche souhaite aussi que 50 % des ventes au pays soient électriques dans un horizon de huit ans.
Le tout électrique, ce n’est pas pour demain
Malheureusement, l’optimisme du président américain risque fort de se heurter à un mur. Dans une société où le véhicule électrique ne représente que 5,2 % du marché total, le chemin est encore long et les mentalités bien difficiles à changer. En d'autres termes, le changement ne se fera pas d’un coup de baguette magique.
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«Pour faire une vraie différence, il faudrait que tout le monde achète un véhicule électrique, explique Aaliyah, une étudiante de 19 ans venue découvrir les nouveaux modèles en compagnie de son petit ami. Si c’est juste moi, ça ne changera rien. Mais si tous les habitants du Michigan achètent de l’électrique, là ça peut changer les choses...».
Cette dernière demeure d’ailleurs convaincue que les véhicules à moteur thermique ne sont pas appelés à disparaitre prochainement.
«Je ne pense pas que je verrai de mon vivant la fin des automobiles à essence. Et puis il y a certaines industries ou activités, comme l’armée par exemple, qui ne fonctionneront jamais à l’électrique, selon moi. Est-ce que tu peux imaginer un tank en plein désert, obligé de s’arrêter pour recharger sa batterie ?», se demande encore Aaliyah, comme pour doucher les espoirs des esprits les plus optimistes.
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«Et puis je n’aime pas le son des véhicules électriques, ça sonne généralement faux. Le son d’une auto, c’est important. Je ne pense pas que ma prochaine voiture sera électrique, peut-être celle d’après !»
La force du lobby pétrolier
Pour Jake, son compagnon, âgé lui aussi de 19 ans, si les esprits mettent du temps à changer et à adopter les véhicules électriques, c’est aussi parce que le lobby pétrolier est bien trop puissant aux États-Unis.
«Il y a une telle pression des compagnies pétrolières qui fait que c’est difficile d'imaginer la fin du pétrole. Il y a tellement d’argent dans les énergies fossiles, je ne vois pas comment ça peut disparaître, ce n’est pas réaliste.»
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Pour lui, les sacrifices qui sont demandés aux citoyens sont juste trop importants. «Les gens font déjà des efforts pour la planète comme utiliser des sacs réutilisables ou trier les déchets. Ils font leur part.»
Le prix pointé du doigt
Selon les personnes rencontrées au salon de l’auto de Détroit, le frein principal à une véritable transition électrique, c’est la question du prix.
Aux États-Unis, le marché de l'électrique est encore considéré comme un marché de luxe et le prix de départ se situe autour de 60 000 dollars (soit plus de 80 000 CAD). De plus, le tarif des matières premières nécessaires à la fabrication des batteries a plus que doublé pendant la pandémie et ces coûts ont entraîné des majorations de prix chez General Motors, Ford ou encore Tesla.
«Si les autos électriques étaient au même prix, c’est sûr que je miserais sur l’électrique. Pour moi en fait, c’est même un no brainer. Mais pour l’instant, c’est juste trop cher!», déplore Brayden, venu au salon en compagnie de sa blonde et de son bébé de 3 mois.
«Pour l’instant, j’aime vraiment l’idée de l’hybride parce que ça apporte le meilleur des deux : c’est meilleur pour la planète sans le manque d’autonomie», explique le jeune conseiller financier de 20 ans.
Le manque d’infrastructures
Si pour la plupart des gens, les véhicules électriques sont pour l’instant trop chers, le manque d’infrastructures dédiées (notamment des stations pour recharger les véhicules) est aussi souvent montré du doigt.
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Comme un symbole, le salon de l'auto de Détroit ne disposait d'aucune zone de charge pour les visiteurs venus en auto électrique! Aucune indication non plus pour connaître les stations de recharge à proximité du lieu de l’événement.
S’il devait y avoir une lueur d’espoir, elle viendrait peut-être des utilisateurs eux-mêmes. Parmi les amoureux des pickups rencontrés au salon de Détroit, nombreux sont ceux qui seraient prêts à passer à l’électrique très bientôt, en raison principalement de la grande puissance développée par ce type de véhicules.
Et quand on connait la place du pickup chez les conducteurs américains, tous les espoirs sont permis.
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