Astro et tarot: à la rescousse des âmes en crise
Manon Chevalier
Consultations astrologiques sur Zoom, tirages de tarot sur Internet, accumulation de vues sur YouTube ou TikTok, dépendance aux tutos et aux applis ésotériques... On ne s’est jamais autant tourné vers les arts divinatoires que depuis le début de la crise sanitaire. Pourquoi y croit-on? Décryptage.
Depuis des lunes, le monde se partage en trois dès qu’il est question d’astrologie ou de tarot. D’un côté, il y a les fans finis; de l’autre, les ardents détracteurs, et au milieu, les éternels indifférents. Mais avec la pandémie, les frontières sont devenues floues au point de convertir quelques sceptiques entre deux courbes ascendantes. Prenez Stéphanie, une costumière de 28 ans qui s’est toujours moquée de la vague d’hystérie qui s’empare de ses BFF lorsque Mercure rétrograde. Ça, c’était jusqu’à ce que la crise la frappe de plein fouet! «Dans la même semaine, j’ai perdu ma grand-mère, que j’adorais, puis tous mes engagements au théâtre. J’étais totalement déboussolée...» nous confie-t-elle. C’est en enchaînant les balados sur le mieux-être qu’elle entend parler de l’astrologie comme d’un puissant outil de connaissance de soi. Intriguée, mais un brin sceptique, elle fait dresser sa carte du ciel, histoire d’y voir plus clair. «J’avoue: ça m’a aidée à démêler ce qui m’arrivait, dit-elle. Ça m’a aussi confirmée dans une décision que j’hésitais à prendre. Je suis encore triste, mais mieux outillée pour rebondir.» De son côté, Marie-Annick, une avocate dans la quarantaine, n’a juré que par le tarot pendant le confinement. «Sans mon tirage quotidien, j’aurais perdu la carte! lance-t-elle en riant. Isolée comme jamais, j’avais besoin de sortir de moi-même, de ma tête, de mes pensées négatives. Je suis visuelle. Les symboles des arcanes me connectaient à mon intuition, à ma force intérieure. Encore aujourd’hui, le tarot est mon phare face à l’incertitude...» Incertitude: le mot est lâché! Car de l’avis des psys, la pandémie a aggravé notre intolérance à l’incertitude, surtout chez les plus angoissés d’entre nous. Sans surprise, cette incapacité à envisager que les choses tournent mal, qui s’éternisent et échappent à notre volonté, a poussé de plus en plus de personnes à se relier à plus grand que soi. À preuve, selon des données Google Trends, les mots-clés «astrologie» et «carte du ciel» ont culminé à chaque vague de COVID-19, aux côtés des termes «inquiétude», «ennui» et «tristesse», tous trois en tête du palmarès de 2020. Une tendance à la hausse qui se confirme sur les réseaux sociaux (d’Instagram à TikTok, en passant par YouTube), de même qu’à travers les applis et les balados. Certes, l’astrologie et la tarologie ont toujours suscité de l’intérêt – particulièrement ces dernières années chez les millénariaux –, mais la pandémie a enflammé les assoiffés d’ésotérisme, de sacré, de spiritualité et de... réponses à leurs interrogations.
Secrets de consultation
«Les gens ne se sont jamais autant questionnés sur leurs choix amoureux, professionnels et de vie que depuis le début de la pandémie», affirme d’emblée l’astrologue, tarologue et autrice Ginette Blais. Avec le temps, les craintes les plus vives se sont certes apaisées, mais à ses yeux, la crise demeure un grand révélateur. «Cet événement terrible a tiré le voile [qui recouvrait] le cœur. [Ce faisant,] il a montré notre vraie nature et celle de nos proches. Si la crise et le confinement nous ont rendus plus proches, ils nous ont aussi fait prendre du recul.» Un étrange paradoxe qui a tout particulièrement ébranlé les couples, selon l’experte. «Je dirais qu’un tiers, dont un ou les deux partenaires m’ont consultée, se sont séparés. Quant aux deux autres tiers, soit ils se sont donné une nouvelle chance, soit ils sont retombés follement amoureux. Dans tous les cas, je leur ai fait part des possibilités qui s’offraient à eux, sans jamais rien imposer. Car, pour moi, les étoiles proposent et les humains disposent...»
Une approche que partage la tarologue et astrologue Suzanne Langlois. «En 41 ans de pratique, j’ai vu une facette plus vulnérable des gens qui ont l’habitude de me consulter. C’est normal: certains ont perdu un parent, leur emploi, leurs économies ou le moral... D’autres, qui étaient à la croisée des chemins, ont eu de grandes décisions à prendre.» La peur de l’inconnu était palpable, souligne celle qui ne se substitue surtout pas à une psy. «Ce n’est pas mon rôle! Moi, j’interprète les courants énergétiques à travers les cartes pour mieux éclairer la personne devant moi.» Après, résume-t-elle, c’est une question de libre arbitre.
Au fond, qu’apportent le tarot ou l’astrologie en période de crise? En règle générale, lorsqu’ils reposent sur une démarche sérieuse et bienveillante, ces arts divinatoires répondent à notre quête de sens, voire nous donnent des clés, mais sans jamais nous dicter notre conduite. C’est l’approche humaniste que privilégie Caroline Malo, une astrologue prometteuse. «La pandémie a livré les gens à eux-mêmes et laissé place à l’introspection, par choix ou par obligation. Tous ceux qui ont pris goût à ce voyage intérieur pourront se servir des planètes pour se connecter à leur intuition, trouver ce qui les rend uniques et développer leur plein potentiel», avance-t-elle. De quoi nous redonner de l’espoir, bien au-delà de la crise? Le ciel nous le dira!