Anne Dorval explique son approche en tant que juge à «Quel talent!»
Sabin Desmeules
Elle est l’une des actrices les plus aimées du public. Sa seule présence sur scène crée l’envie folle de sortir au théâtre! Si elle est omniprésente à l’écran, Anne Dorval se fait plus rare en entrevues. Il y avait longtemps qu’elle ne s’était pas confiée dans les pages d’Échos Vedettes. Elle s’ouvre à vous, chers lecteurs, à propos d’une belle aventure qui la comble de bonheur, mais qui l’a obligée à se faire violence...
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L’histoire d’amour n’est pas terminée. Anne se ramène sur la scène sous les traits de l’actrice Maria Casarès. Aux côtés de Steve Gagnon dans la peau de l’écrivain Albert Camus, elle offre une autre vie à la pièce Je t’écris au milieu d’un bel orage, signée Dany Boudreault et mise en scène par Maxime Carbonneau. Véritable coup de coeur théâtral lors de sa présentation originale au TNM, à Montréal, en 2023, la pièce — qui relate la relation amoureuse des deux artistes, que l’on suit à travers leur correspondance — connaît un second souffle, avec des supplémentaires et une tournée. «On s’attendait un peu à ce qu’on la reprenne parce que l’an dernier, après avoir fait toutes les supplémentaires, la demande était encore là, on refusait des gens. On s’est dit que ce serait bien de la reprendre. Finalement, ça s’est concrétisé!», se réjouit la comédienne.
Elle admet toutefois qu’il y a énormément de texte et que reprendre le spectacle un an et demi plus tard demande beaucoup de temps pour le mémoriser à nouveau. «C’est une pièce vraiment exigeante à ce niveau. J’ai un peu le vertige, mais en même temps, on est tellement heureux parce que c’est un show dont on a savouré chaque seconde! Il y avait une réelle communion avec le public.»
Au-delà du travail d’actrice, afin d’insuffler le plus de son âme possible à cette Maria Casarès et à son histoire d’amour avec Albert Camus, Anne s’est documentée. «Je ne ressemble pas à Maria Casarès, Steve ne ressemble pas à Albert Camus et on ne fait pas semblant d’emprunter leurs voix, note l’interprète dont le but de la démarche est tout autre. Dans mon cas, je la joue à différentes époques, alors la voix et la gestuelle doivent se transformer. Pour intégrer tout ça, j’ai consulté pas mal de documents audio et vidéo à propos d’elle.»
Un quatuor magique
Si le public a eu un coup de foudre pour la pièce, c’est parce qu’il aime se faire parler d’amour — cette histoire sentimentale est très belle —, mais aussi parce que le quatuor derrière ce spectacle a su créer un véritable enchantement sur scène. «Il y a quelque chose de très, très fort sur le plan théâtral, et c’est beaucoup grâce à nous quatre, Dany Boudreault, Maxime Carbonneau, Steve Gagnon et moi... On a travaillé chacun dans nos domaines respectifs, mais en se réunissant, il y a quelque chose d’un peu magique qui a émergé! C’est arrivé comme ça... Parfois, ça ne marche pas. J’ai déjà fait des shows où on a beau aimer les gens qui nous entourent, on dirait que la mayonnaise ne prend pas. D’autres fois, un petit miracle se produit: on réunit des personnes qui ne se connaissent pas tant et, finalement, ça donne quelque chose qu’on espérait peut-être, mais qu’on ne pouvait pas imaginer.»
Une peur terrible
«Non, jamais!» Anne Dorval ne voulait plus refaire de théâtre. Elle avait tourné le dos au sixième art il y a près de 15 ans parce que ça l’effrayait trop. Mais quand on lui a proposé un rôle dans Je t’écris au milieu d’un bel orage, elle a été séduite. Malgré ses années de métier, elle a du mal à dompter le trac sur scène. «C’est pire que tout! Ça faisait 12 ans que je n’avais pas joué, souligne-t-elle. Je m’étais dit que je ne rejouerais plus jamais. En plus, le TNM est un gros théâtre, il y a beaucoup de publicité, les premières sont grosses et très attendues, tout le gratin nous y attend avec une brique et un fanal... En plus, nous ne sommes que deux sur scène; 60 pages de texte à deux, c’est beaucoup! Je me suis demandé si j’allais y arriver.» Mais le courant a bien passé avec ses trois comparses et elle a fini par dire oui. «J’ai senti qu’ils allaient être des alliés.»
Mais la peur au ventre s’est installée quand même. «L’an dernier, je vivais un trac épouvantable qui me paralysait. Le metteur en scène m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça, avoir autant le trac que moi. Il ne pensait pas que ça se pouvait. Mais avec moi, tout se peut, laisse-telle tomber en riant. Je voulais tellement dire tout mon texte sans me tromper que plein de choses prenaient beaucoup trop de place dans mon cerveau!», avoue-t-elle. Mais elle a fini par dompter la bête. «Ça s’est déposé. Je sais que je peux jouer ce show-là sans m’écrouler, sans faire de crise cardiaque et qu’on appelle l’ambulance, sans mourir. Et la confiance, l’écho du public qui était là et qui a aimé la pièce, ça me donne confiance aussi!» Ça lui a donné envie de renouer à long terme avec la scène. «J’ai d’autres projets, ça ne s’arrêtera pas là. Je vais y retourner, au théâtre!»
Renouer avec la vie de tournée
Ce spectacle lui permettra de retrouver la vie de tournée. «Ça va être formidable de visiter les régions. Ça fait une éternité que je n’ai pas fait de tournée! La dernière fois, c’était au début de ma carrière, j’étais dans la vingtaine. Je jouais dans Aurore l’enfant martyre et La ménagerie de verre. Ça remonte à bien des années. C’est excitant d’en refaire une!»
Une juge qui ne veut pas blesser
C’est une période où l’actrice sort de sa zone de confort. On ne l’attendait pas du tout comme juge à la compétition télévisée quotidienne de Noovo, Quel talent!. «Quand on m’a contactée, je pensais qu’on s’était trompé de personne, admet-elle. J’ai trouvé ça audacieux de la part de la production de m’approcher. Et j’avais envie d’explorer d’autres avenues. Je ne travaille jamais en variétés, je n’ai jamais fait ça de ma vie, alors je me suis dit: “Pourquoi pas?” J’avais envie de rencontrer Marie-Mai et quand Serge (Denoncourt) s’est joint, puisque je le connais depuis longtemps, je savais que ça allait être le fun... et avec Rachid (Badouri) aussi! L’équipe nous a traités aux petits soins!» Elle dit éprouver beaucoup de compassion pour les participants qui sont venus présenter des numéros de toutes sortes au cours de cette première saison. «Je salue leur courage de s’être présentés en audition sans filet, vulnérables, au risque de se faire dire non devant tout le monde. Je ne voulais blesser personne, j’espère que ce n’est pas arrivé! J’ai beaucoup de difficulté à dire non, à montrer la sortie à quelqu’un, et j’ai tenté de le faire avec bienveillance.»
Le bonheur d'être grand-mère
Tout le beau dans la vie d’Anne Dorval est sublimé par un être: Paul, ce petit-fils que lui a donné sa fille Alice en 2021. «Ça fait deux ans et demi que je suis grand-maman. Mon petit Paul va avoir trois ans en décembre. C’est l’amour de ma vie! Parfois, je croise Guylaine Tremblay, et on se montre des photos de nos petits-enfants... On n’en revient pas, à quel point ça prend toute la place! C’est tellement merveilleux! Quand je suis le moindrement déprimée, je vais voir Paul, et ma déprime est finie. Il n’y a plus rien qui existe à part lui. Je ne suis là que pour lui. C’est formidable!»
Dans le prochain projet de Xavier Dolan?
Elle revient de Lyon où le film Mommy, de Xavier Dolan, dans lequel elle tient la vedette, a été projeté en version 35 mm au Festival Lumière, à l’occasion de ses 10 ans (on pourra d’ailleurs visionner cette version le 1er novembre au Théâtre Outremont, à Montréal). Le livre Une amitié sur film consacré à l’oeuvre, qui comporte des photos inédites, a été lancé à cette occasion. Xavier a aussi annoncé son retour au cinéma avec un long métrage d’horreur qu’il espère tourner à l’automne 2025. Anne en sera-t-elle? «On est toujours très liés... On verra pour la suite. Il est en train d’écrire.»
Je t’écris au milieu d’un bel orage est à l’affiche au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal, jusqu’au 27 octobre, puis part en tournée au Québec (tnm.qc.ca ). Anne Dorval est juge à Quel talent!, qu’on peut voir du lundi au jeudi à 19 h 30 sur Noovo et dont la finale sera diffusée en direct le 11 novembre.