5 idées fausses sur Albert Einstein
Cécile Otis, magazine Dernière Heure
Mauvais étudiant
Né en 1879 à Ulm, en Allemagne, Albert Einstein est souvent dépeint comme un enfant qui aurait parlé tardivement, un mauvais élève qui avait peine à suivre ses cours de mathématiques et à réussir ses examens.
S’il est vrai qu’il a raté sa première tentative pour entrer à l’École polytechnique de Zurich – alors qu’il avait deux ans de moins que la plupart des autres concurrents –, il a lui-même démenti dans une interview les propos d’un journal sur ses supposés échecs lors d’examens de mathématiques.
«Je n’ai jamais échoué à mes cours de mathématiques, a-t-il déclaré. Avant mes 15 ans, je maîtrisais déjà le calcul différentiel et intégral.»
Gaucher célèbre
Une petite recherche sur Internet vous montrera rapidement que, même aujourd’hui, Einstein est souvent présenté parmi les gauchers les plus célèbres.
Ce mythe, infondé mais plutôt drôle, s’est propagé comme une traînée de poudre depuis qu’un petit malin a décidé, un jour, de lancer cette rumeur. La popularité du lien – sans réel fondement – qui est fait entre l’état de gaucher et le génie en serait-elle la source?
Quoi qu’il en soit, d’après son biographe Hans-Josef Küpper, le physicien était droitier, et les preuves photographiques abondent: on peut le voir au tableau, craie à la main, signant des documents, stylo en main, ou encore jouant du violon... comme un droitier.
Végétarisme
La popularité grandissante du végétarisme a donné lieu à la diffusion à grande échelle d’une autre fausseté concernant l’incarnation du génie scientifique que représente Einstein: le fait qu’il aurait choisi de devenir végétarien.
S’il est vrai qu’à la fin de sa vie Albert Einstein ne consommait plus de viande et qu’il a même admis être en accord avec les arguments moraux prônés par nombre de végétariens, il n’a pas arrêté d’en manger pour ces raisons!
Dans les faits, Einstein a souffert de problèmes digestifs une bonne partie de sa vie, à tel point que son médecin lui a un jour conseillé de renoncer à la viande.
Puisqu’il est peu probable que le physicien se soit largement étendu sur ses problèmes de santé personnels, sa pratique du végétarisme pour les résoudre a pu conduire à l’origine de ce mythe.
La bombe A
L’un des mythes les plus tenaces et probablement le plus répandu concernant Albert Einstein est celui qui le présente comme le père de la bombe atomique.
Le fait que le physicien soit devenu célèbre entre les deux grandes guerres (quand sa théorie de la relativité a été confirmée, en 1919), qu’il ait écrit au président américain Roosevelt en 1939 pour l’avertir de l’imminente mise au point de l’arme nucléaire par les Allemands et qu’il ait vécu aux États-Unis à l’époque du Projet Manhattan y est certainement pour beaucoup.
Ouvertement pacifiste, partisan du socialisme et admirateur de Lénine, Einstein soulevait plutôt des soupçons au sein de l’armée et du gouvernement américains et n’a jamais reçu l’autorisation des services secrets pour participer au Projet Manhattan.
Cependant, la couverture du Time de 1946 le montrant à côté d’un champignon nucléaire dans lequel on peut lire sa formule célèbre E = mc2 (l’explication de l’énergie dégagée dans une bombe atomique) laisse croire le contraire.
Théoricien
On l’a dit plus haut, Einstein est devenu célèbre en raison de ses exploits en physique théorique et il a même été consacré personnalité du siècle par le Time en 1999, en raison de son génie et de sa formule E = mc2.
Ce qu’on sait moins, c’est qu’entre 1902 et 1909, il était employé au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle en Suisse et a même été témoin expert dans les procès en matière de brevets au cours de cette époque.
Il a aussi inventé des appareils et déposé, en collaboration avec des amis, pas moins de 50 brevets dans sept pays. Parmi ces inventions, on note un réfrigérateur écoénergétique et un appareil de correction auditive.
L’histoire derrière la grimace
Si la tête d’Einstein regardant l’objectif d’un air malicieux en tirant la langue est légendaire, l’histoire derrière l’image est plutôt méconnue. D’abord, rassurez-vous, cette photo n’est truquée d’aucune façon, seulement recadrée.
Elle a été prise le 14 mars 1951, jour du 72e anniversaire du savant physicien, à la fin d’une grande fête donnée en son honneur près de l’Université de Princeton, dans le New Jersey.
Alors que le scientifique s’installe dans une voiture pour quitter les lieux en compagnie d’un couple d’amis et qu’il est plutôt las de la meute de photographes qui tente de lui soutirer une pose pour la postérité, Arthur Sasse insiste et lui demande un dernier sourire, demande à laquelle le génial savant répond spontanément par... une grimace!
Plus tard, Einstein confiera, à propos du fameux cliché: «Cette pose révèle bien mon comportement. J’ai toujours eu de la difficulté à accepter l’autorité et, ici, tirer la langue à un photographe qui s’attend sûrement à une pose plus solennelle signifie que l’on refuse de se prêter au jeu de la représentation, que l’on se refuse à livrer une image de soi conforme aux règles du genre.»
Le grand savant commandera d’ailleurs neuf copies de la photo à Arthur Sasse. Il offrira l’une d’entre elles à un ami journaliste, Howard K. Smith, avec cette dédicace en allemand: «Ce geste que vous aimerez, parce qu’il est destiné à toute l’humanité. Un civil peut se permettre de faire ce qu’aucun diplomate n’oserait. Votre auditeur loyal et reconnaissant, A. Einstein, 1953.»
Soumise à une vente aux enchères en 2009, cette copie dédicacée du fameux cliché a été acquise pour 74 324 dollars, ce qui en fait la photo d’Einstein – et fort probablement de n’importe quel savant – la plus chère de l’histoire.
Cité à tout vent
Albert Einstein, dont tout un chacun connaît la silhouette aux cheveux ébouriffés, est le seul scientifique à avoir acquis une notoriété qu’on réserve normalement aux vedettes. Nombreux sont les gens qui aiment le citer, mais encore là, nombre de ces citations proviennent en réalité d’autres personnes...
Un exemple parmi les mots les plus connus qui lui sont attribués: «La folie consiste à refaire sans cesse la même chose, mais en espérant un résultat différent.» Ils sont plutôt de la romancière américaine Rita Mae Brown.
À retenir
En conclusion, s'il y a une leçon à tirer de tout ça, c'est qu'il ne faut pas croire tout ce qu’on dit de ce grand esprit sur Internet!