2022 sera l'année de la protection des océans
Anne-Sophie Poiré
L’année 2022 sera celle des océans, ont conclu une trentaine de chefs d'État en France la semaine dernière, au terme du One Ocean Summit de Brest. Les gouvernements et organisations promettent d’en faire plus pour protéger la haute mer, et entendent se battre contre l'invasion du plastique.
«Les décideurs sont en train de réaliser que les océans sont les régulateurs du climat, et qu’ils ne sont pas inépuisables», souligne l’océanographe de l’Université Laval, Philippe Archambault. «Ici [des dizaines de] pays se sont engagés dans des actions concrètes. Ils prennent ça au sérieux et ça ne peut être que positif.»
Conséquence de la crise climatique, les océans ne cessent de battre des records de chaleur.
Ils ont atteint en 2021 les températures les plus élevées jamais enregistrées, et ce, pour une troisième année consécutive, prévient une étude publiée en janvier dans Advances in Atmospheric Sciences.
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Sans grande surprise, l’activité humaine en est la principale cause.
Les océans absorbent près du tiers du dioxyde de carbone qu’elle émet, et plus de 90% de l’excès de chaleur générée par l’activité humaine.
Comme les forêts, ils sont des puits de carbone. Lorsque l’atmosphère est saturée de CO2, les océans en captent une partie et l’emmagasinent.
«L'activité humaine émet à peu près 10 milliards de tonnes de carbone par an: 45% restent dans l'atmosphère et 25% à 30% sont absorbés par l'océan», à France Info le chercheur au Laboratoire d'océanographie et du climat, Éric Guilyardi.
Des mesures rapides
Les dirigeants politiques qui se sont succédé à Brest, le 11 février, en présence ou en visioconférence, ont ainsi conclu qu’il fallait agir vite.
«On se dit qu’on aurait dû agir plus tôt, mais ce n’est pas impossible de refroidir les océans. On a trouvé un vaccin contre la COVID-19 en 6 mois. Quand l’humain veut, il est capable», lance le professeur Archambault qui se décrit comme un «éternel optimiste».
Dans la ville portuaire de Bretagne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé le lancement d'une coalition comptant les 27 États membres de l'Union européenne (UE) et 16 autres pays, afin de conclure un traité destiné à protéger la haute mer.
«La haute mer n’est sous aucune juridiction. Il n’y a pas de réglementation», fait valoir Philippe Archambault. «Des voyous peuvent se permettre de vider les stocks poissons en toute impunité. Ça n’a pas de sens. Les océans appartiennent à l’humanité et ils ne sont pas réglementés.»
La France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Banque européenne d'investissement (BEI) porteront à 4 milliards d'euros (5,8 milliards de $) d'ici 2025 le montant du financement de Clean Ocean.
L'initiative européenne visant à réduire la pollution des fleuves et des mers due aux plastiques disposait jusqu'ici d'un financement de deux milliards d'euros (2,9 milliards de $) d'ici 2023.
Puis, les États-Unis se joindront à une cinquantaine de pays en plus de l'ensemble de l'UE pour soutenir le lancement de négociations pour un accord international contre la pollution provoquée par les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produits depuis les années 1950.
Le lancement de ces négociations sera examiné lors de la 5e Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, à la fin du mois de février.
Cartographier les océans
Promesse de l’UNESCO au Sommet sur les océans: au moins 80% des fonds marins seront cartographiés d’ici 2030.
Pour y arriver, l’organisation de l’ONU entend déployer une flotte de 50 navires consacrée à la tâche.
«Seulement 20% des océans sont cartographiés à l’heure actuelle. Ce n’est rien. C’est comme si on achetait une maison, mais qu’on n’allait pas visiter le sous-sol», illustre M. Archambault. «On a cartographié Mars et la Lune, mais on n’a même pas encore ouvert les armoires du sous-sol de la maison. Ça n’a aucun sens.»
Même si la mission peut sembler colossale, l’océanographe croit qu’elle n’est pas insurmontable.
Le budget fédéral alloué à la NASA a atteint 23,3 milliards de $ pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021.
«Pour cartographier les océans, on a besoin d’environ un milliard de $», compare Philippe Archambault. «Ce n’est pas du tout utopique. On a tous les moyens.»