«Demi-god» est né

Jean-Charles Lajoie
C’était une soirée magique. Le temps de verbe est sciemment choisi. Elle fut parfaite jusqu’à sa conclusion par une défaite.
La cathédrale du hockey affichait complet. Un gars m’a dit avoir payé 3800 $ pour deux billets. Dans les rouges, je présume. Je n’ai pas osé lui demander.
Le public de Montréal, mythique... un adolescent de 19 ans visiblement secoué par un accueil délirant. Il n’en sait rien, mais Ivan Demidov a semé une joie au cœur des amateurs qui pour plusieurs n’a eu d’égal que Guy Lafleur.
Après huit secondes dans le «show», il aurait dû avoir un premier but. Doté d’un flair exceptionnel pour le filet, «Ivan de l’espoir» a repéré l’énorme trou d’air dans l’enclave. Totalement ouvert, la rondelle n’est hélas pas venue, Joel Armia passant dans le vide depuis l’arrière du filet. Assurément qu’il scorait sur cette séquence.
Martin St-Louis l’a eu où je pense en partant. Pas certain que Patrik Laine se serait rendu aussi vite et aussi profond dans le territoire des Blackhawks de Chicago, mais si tel avait été le cas, l’énigmatique Finlandais aurait trouvé la palette de son nouveau coéquipier. Or, St-Louis en avait décidé autrement et Laine devait essayer de réanimer un Jake Evans qui me fait me demander s’il vaut les maigres dollars consentis plus tôt cette saison.
Peu importe, revenons à ce qui fonctionne et nous fait du bien.
Quelques minutes plus tard, les chevilles et les épaules d’«Ivan du rêve» ont sorti de leurs patins les pieds de l’ennemi. «Ivan du bonheur» n’a laissé aucune autre option à Alex Newhook que de la mettre dedans.
Bruit assourdissant, tonnerre d’applaudissements. «Ivan des billets» valait déjà son pesant d’or. Jamais entendu une mention d’assistance être aussi applaudie, acclamée. Le toit a symboliquement levé, permettant aux flambeaux bien hauts, les bannières de numéros, de respirer d’aise.
Maurice, Jean et Guy depuis la passe-ciel très certainement heureux de voir le chandail pour lequel ils ont tant saigné être de nouveau honoré d’un talent pur aussi sensationnel.
Mike Matheson a une dimension offensive très intéressante. Depuis l’arrière du filet défendu par Samuel Montembeault, il a vu les hanches d’«Ivan des chandails» s’ouvrir en recherche de vitesse. Il a fait mine de rejoindre Armia qui faisait du pouce sur la bleue l’autre bord, car celle-ci était pour «Ivan de la vitesse» qui allait assurément battre tout le monde vitesse et éviter le dégagement refusé. La table était mise pour un premier bijou digne des jeux de la semaine.
«Demi-god» est né. L’enfant chéri est enfin venu. Les fans retrouvent l’ivresse. «Ivan de la passion».
Hélas, Kaiden Guhle que j’adore a erré cavalièrement. Chicago dormait paisiblement, en route vers une autre défaite en apparence acquise après cinq minutes en première période.
Choisir son moment est une vertu qui s’apprend. J’espère que Guhle l’a appris lundi soir. Lorsqu’il a déchaussé le joueur des «Hawks» devant lui à la ligne bleue offensive, il a réveillé Nick Foligno et le reste du groupe, les jeunes loups en tête. Chicago a puni le CH en scorant avec un homme en plus, tandis que Guhle maugréait dans la boîte. Et ils ont surtout repris vie.
La défaite n’est pas qu’attribuable à Guhle, mais c’est lui qui a donné l’élan aux Blackhawks qui autrement n’en avaient pas. Le reste est une succession de mauvaises décisions, dont l’utilisation du personnel très questionnable par St-Louis.
Ce maudit niaisage de «Ivan de l’émotion» sur la deux et Laine sur la quatre. C’est comme si le coach avait voulu inviter sa game dans la game. Il faut savoir s’effacer pour laisser les talents en uniformes donner le show sur la glace.
Kent Hughes et Jeff Gorton ont certainement pris des notes. Vivement un vrai centre offensif de qualité pour satisfaire «Demi-god».