Face à l'invasion russe, le président ukrainien se mue en chef de la résistance
Agence France-Presse
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Volodymyr Zelensky devait sa notoriété mondiale à une conversation téléphonique controversée avec Donald Trump qui tentait d'obtenir du néophyte président ukrainien une enquête pour embarrasser son rival, Joe Biden. Mais depuis l'invasion russe, il s'est mué en chef de la résistance, en particulier sur les réseaux sociaux.
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Présenté par ses détracteurs comme une marionnette à la merci des États-Unis et du président russe Vladimir Poutine, l'ancien comique devenu chef d'État en 2019, âgé de 44 ans, a fait taire les critiques par sa capacité à incarner la détermination de son peuple face à la supériorité militaire écrasante de Moscou.
«Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre», lance-t-il à ses concitoyens jeudi matin dans un message vidéo sur Facebook, quelques heures après les premières frappes russes et la déclaration de guerre de Vladimir Poutine.
Le lendemain, il apparaît avec ses collaborateurs devant le bâtiment de la présidence dans une nouvelle vidéo pour montrer qu'il se trouve bien à Kiev, sans gilet pare-balles ni casque, au moment où les dirigeants occidentaux, l'estimant directement visé par l'offensive russe, envisagent pour lui des portes de sortie.
Ukraine has submitted its application against Russia to the ICJ. Russia must be held accountable for manipulating the notion of genocide to justify aggression. We request an urgent decision ordering Russia to cease military activity now and expect trials to start next week.
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) February 27, 2022
«Nous sommes tous ici, nos militaires sont ici, les citoyens, la société, nous sommes tous ici, à défendre notre indépendance, notre Etat», déclare alors M. Zelensky aux côtés notamment du premier ministre Denys Chmygal.
Chaque jour, celui qui s'était fait connaître pour des rôles dans des émissions télévisées humoristiques s'affiche, pour appeler à tenir la capitale, balayer les rumeurs de reddition ou de fuite, ou encore saluer dimanche la formation d'une «coalition internationale» pour soutenir l'Ukraine par l'envoi «d'armes, de médicaments de nourriture, de carburant et d'argent».
Sur Twitter, nombre de commentateurs à travers le monde ont exprimé leur «admiration» pour sa réplique au président américain Joe Biden qui lui offrait son aide pour quitter le pays si nécessaire.
«C'est ici qu'est le combat. J'ai besoin de munitions, pas d'un taxi», selon ses propos rapportés par la diplomatie ukrainienne.
Ce type de bravade lui a valu, outre «l'admiration» de nombreux commentateurs sur Twitter à travers le monde, «sur les réseaux sociaux ukrainiens depuis quelques jours une reconnaissance de leader de la nation», souligne la chercheuse franco-ukrainienne Valentyna Dymytrova, maîtresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication à l'Université Lyon 3.
Sur les commentaires, «on pensait qu'il n'avait pas de couilles et maintenant on dit qu'il a des couilles de plomb», résume-t-elle.
Par son omniprésence sur les réseaux sociaux, il crée aussi un «décalage par rapport aux stratégies du président Vladimir Poutine, dont les apparitions sont assez rares, les formats communicationnels très longs, dépassant une quarantaine de minutes», évoquant la «vieille école» soviétique, remarque Valentyna Dymytrova.
«Le contraste est frappant : Zelensky est toujours debout, rarement assis, il est toujours dynamique et non pas statique, à la différence de M. Poutine, souvent assis à sa table, même le décor est différent», poursuit-elle.
L'historien britannique Andrew Roberts, auteur d'une biographie de Winston Churchill, lui trouve même des accents du défunt Premier ministre britannique lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Parmi les similitudes entre les deux dirigeants, le professeur au King's College de Londres cite dans un courriel à l'AFP «l'incroyable courage personnel» de M. Zelensky, sa «capacité à se connecter directement à son peuple», et «sa conviction inébranlable en la victoire finale».
L'élection en avril 2019, après une campagne électorale éclair, de cet acteur incarnant un président de fiction dans une série à succès, où il interprétait un professeur d'histoire honnête, mais naïf, arrivé au pouvoir par hasard, aurait pu relever de la farce ou de la ruse de l'Histoire.
Et ce, d'autant plus que face aux autres chefs d'État, Volodymyr Zelensky a d'abord paru emprunté. Ses promesses de régler le conflit dans l'est du pays avec les régions séparatistes prorusses ou de lutter contre la corruption semblaient sonner creux et sa gestion de la pandémie de Covid-19 était très critiquée.
Mais l'affrontement avec Moscou, qui place l'Ukraine au centre de la plus grave crise russo-occidentale depuis la fin de la Guerre froide, l'a définitivement fait changer de statut.
Au point qu'un député de la droite populiste norvégienne a annoncé samedi vouloir proposer le président ukrainien pour le prix Nobel de la Paix, remis à Oslo.
«Il se bat pour la paix et a été une inspiration immense pour le peuple ukrainien», a plaidé Christian Tybring-Gjedde dans une interview au quotidien norvégien Dagbladet.