Yémen: les frappes militaires mettront-elles fin aux attaques en mer Rouge?
Agence France Presse
Les frappes américano-britanniques dans la nuit de jeudi à vendredi contre les rebelles au Yémen ont constitué une escalade importante après des semaines d'attaques sur les navires marchands en mer Rouge par les Houthis soutenus par l'Iran.
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Quel est l'impact et les répercussions possibles de ces raids visant les rebelles qui disent attaquer des navires liés à Israël en représailles aux bombardements israéliens dans la bande de Gaza?
Que s'est-il passé ?
Plus de 100 munitions de précision ont frappé 60 cibles sur 16 sites lors d'une attaque impliquant des avions de chasse et des missiles Tomahawk, selon le Commandement central américain.
Par ailleurs, des avions de combat Typhoon ont largué des bombes guidées sur un site de lancement de drones à Bani et sur l'aérodrome d'Abs, dans le nord-ouest du Yémen, a indiqué l'armée de l'air britannique.
Cinq personnes ont été tuées et six autres blessées lors de ces frappes, au nombre de 73, ont rapporté les Houthis, précisant que des sites dans la capitale Sanaa et dans les gouvernorats de Hodeida, Taez, Hajjah et Saada, avaient été visés.
Quelle efficacité ?
Même avec des frappes de précision, il n'est pas facile de paralyser une organisation aguerrie qui a résisté à des années de frappes aériennes de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite.
«Les Houthis sont immunisés contre les raids aériens», explique à l'AFP Maged Al-Madhaji, cofondateur du centre d'études stratégiques de Sanaa.
«Depuis des années, ils ont appris à éviter les bombardements et à cacher leur arsenal en profitant de la géographie difficile du territoire.»
«Ces frappes pourraient donc détruire une partie de leurs capacités militaires, mais elles ne les élimineront pas, et la menace restera élevée», a-t-il ajouté.
Selon Fabian Hinz, de l'Institut international d'études stratégiques, l'efficacité des frappes dépendrait de la qualité des renseignements obtenus par les États-Unis.
«Les Houthis se sont adaptés pendant la guerre, ils sont très doués pour dissimuler leurs équipements. Les renseignements sont donc très importants pour savoir où se trouvent les zones de stockage, les sites de lancement ou les officiers de haut rang», a-t-il ajouté.
Selon lui, «de nombreux systèmes utilisés par les Houthis sont assez petits et assez mobiles, il est donc facile de les disséminer dans le pays».
Toutefois, Fatima Abo Alasrar, de l'Institut du Moyen-Orient, estime que les frappes «perturberont considérablement leurs capacités militaires, notamment celles menaçant les voies maritimes internationales».
Que se passera-t-il ensuite ?
L'une des craintes est que les Houthis prennent pour cible les intérêts américains, notamment les bases militaires dans le Golfe, ce qui aurait pour effet d'étendre encore davantage le conflit au Moyen-Orient. Mais Cinzia Bianco, chercheuse invitée au Conseil européen des relations étrangères, estime improbable une telle hypothèse.
«Ce serait une trop grande provocation et ils savent très bien, tout comme l'Iran, que ce serait inévitablement le début d'une intervention internationale beaucoup plus large menée par les États-Unis au Yémen», a-t-elle déclaré à l'AFP.
C'est aussi l'avis de M. Hinz.
«Le risque d'une escalade régionale semble faible, car les grands acteurs comme l'Iran souhaitent éviter une guerre régionale. À la place, les Houthis pourraient envisager une attaque en essaim en mer Rouge, une tentative de submerger des cibles militaires par le nombre d'armes tirées simultanément», a-t-il dit.
«Bien que l'efficacité des mécanismes de défense de la marine américaine ait déjoué toutes les attaques jusqu'à présent, elle pourrait pousser les Houthis à envisager une offensive plus coordonnée en mer Rouge ou en mer d'Arabie, impliquant des attaques conjointes de drones, de mines marines, d'engins explosifs improvisés et des missiles antinavires», a déclaré Mohammed Albasha, du cabinet de conseil Navanti Group.
«Il est très probable que les Houthis continue d'attaquer les navires avec les moyens qui leur restent. Je m'attends à ce qu'ils ripostent», a déclaré M. Hinz.