Zelensky devant l’ONU après l’onde de choc de Boutcha
Agence France-Presse
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté mardi l'ONU à agir «immédiatement» face aux «crimes de guerre» commis selon lui par la Russie dans son pays, sans quoi les Nations unies n'auraient qu'à «simplement fermer».
Dans un discours solennel par vidéo retransmis en direct dans la salle du Conseil de sécurité, Volodymyr Zelensky a en outre appelé à ce que la Russie soit exclue de ce Conseil, dont elle est un des cinq membres permanents, et à une réforme du système des Nations unies, afin que «le droit de veto ne signifie pas le droit de mourir».
«Maintenant nous avons besoin de décisions du Conseil de sécurité pour la paix en Ukraine. Si vous ne savez pas comment prendre cette décision, vous pouvez faire deux choses», a déclaré le président ukrainien.
«Soit exclure la Russie en tant qu'agresseur et à l'origine de la guerre afin qu'elle ne bloque pas les décisions relatives à sa propre agression. Puis faire tout ce que nous pouvons pour mettre en place la paix», a exhorté M. Zelensky en présence du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
«Ou l'autre option est de montrer, s'il vous plaît, que nous pouvons nous réformer ou changer (...) S'il n'y a pas d'alternative et d'option, la prochaine option serait de vous dissoudre tous ensemble», a encore réclamé le président ukrainien.
Démentant toute responsabilité, Moscou accuse pour sa part les autorités ukrainiennes de préparer des «mises en scène» de civils tués dans plusieurs villes pour faire condamner le Kremlin, alors que l’Union européenne et Washington intensifient la pression économique contre la Russie dans l’espoir de lui faire lâcher prise en Ukraine.
Dernière mesure en date, le Trésor américain a annoncé mardi qu’il n’autorisait plus Moscou à rembourser sa dette avec des dollars détenus dans des banques américaines.
«La Russie doit choisir entre vider ses réserves de dollars restantes ou (utiliser) de nouveaux revenus entrants, ou faire défaut», a résumé un porte-parole du Trésor.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a dénoncé une «campagne délibérée pour tuer, torturer, violer» commise à Boutcha.
Après les découvertes macabres dans cette ville, l’Union européenne a promis de nouvelles sanctions «cette semaine» contre la Russie.
«Nous travaillons ensemble, la France et l’Allemagne, à la définition de ce que pourrait être ce nouveau paquet (de sanctions) qui devra intégrer le pétrole et le charbon» russes, a déclaré a Berlin le ministre des Affaires étrangères français Jean-Luc Le Drian lors d’une conférence de presse avec son homologue allemande, Annalena Baerbock.
«Mère de toutes les sanctions»
La Commission européenne a proposé elle que les Vingt-Sept cessent leurs achats de charbon russe, qui représentent 45% des importations de l’UE, et qu’ils ferment leurs ports aux bateaux opérés par des Russes.
M. Zelensky, qui a dénoncé des «crimes de guerre» et un «génocide» après la mise au jour de dizaines de cadavres portant des vêtements civils à Boutcha et dans d’autres localités près de la capitale ukrainienne, doit intervenir mardi en vidéo devant le Conseil de sécurité pour la première fois depuis l’invasion de son pays.
Sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a appelé l’Union européenne à imposer à Moscou «la mère de toutes les sanctions» afin d’«empêcher de «nouveaux Boutchas»». «Cessez d’acheter du pétrole, du gaz et du chrabon à la Russie. Cessez de financer la machine de guerre» du président russe Vladimir Poutine, a-t-il ajouté.
Mykhaylo Podoliak, conseiller de M. Zelensky a appelé dans un tweet l’Europe à donner «des armes lourdes aujourd’hui» à l’Ukraine.
Sur le théâtre des opérations militaires, plusieurs bombardements ont touché dans la nuit de lundi à mardi Kramatorsk, grande ville contrôlée par Kyïv dans l’est de l’Ukraine, région où le ministère de la Défense ukrainien dit s’attendre à une «offensive» de «l’ennemi» en vue de prendre «le contrôle de l’ensemble des régions de Lougansk et de Donetsk».
«Phase cruciale»
Après le récent retrait des troupes russes qui assiégeaient Kyïv et sa région, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a estimé que la Russie se renforçait pour «prendre le contrôle de l’ensemble du Donbass», dans l’est de l’Ukraine, et réaliser «un pont terrestre avec la Crimée», annexée par Moscou en 2014.
«Nous sommes dans une phase cruciale de la guerre», a-t-il averti, disant redouter la découverte «d’autres atrocités» commises par les forces Russes en Ukraine.
Depuis lundi la Russie a nié toute responsabilité dans le «massacre» dont l’accuse Kyïv à Boutcha.
Mardi, le ministère de la Défense russe a accusé les «services spéciaux» ukrainiens d’avoir «tourné, le soir du 4 avril, une nouvelle mise en scène filmée de civils prétendument tués par des actions violentes de l’armée russe dans le village de Mochtchoun, à 23 km au nord-ouest de Kyïv».
«Des événements similaires sont en train d’être organisés par [ces services] à Soumy (nord-est), Konotop (nord-est) et dans d’autres villes», a-t-il ajouté.
Mais pour le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, «tous les signes pointent vers le fait que les victimes [de Boutcha] ont été ciblées délibérément et tuées directement. Et ces preuves sont très inquiétantes».
Des images satellite de la ville publiées lundi par la société américaine Maxar Technologies semblent également réfuter les affirmations russes selon lesquelles les cadavres de personnes en vêtements civils trouvés à Boutcha y ont été placés après que les troupes russes avaient évacué les lieux.
Samedi, l’AFP a vu à Boutcha les cadavres d’au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues de la ville. L’une d’elles était couchée près d’un vélo et une autre avait des sacs à provisions à côté d’elle. Un cadavre avait les mains liées dans le dos.
«Fosses communes»
Dans la ville libérée, un habitante a raconté à l’AFP avoir vu «devant [ses] yeux» des membres des forces russes tirer «sur un homme qui allait chercher de la nourriture au supermarché».
Selon le maire de Boutcha, Anatoly Fedorouk, 280 personnes ont dû être enterrées par les Ukrainiens ces derniers jours dans des «fosses communes» à Boutcha.
Pékin, qui a refusé à plusieurs reprises de condamner Moscou pour l’invasion de l’Ukraine, a réitéré mardi son appel à des pourparlers de paix.
L’UE a annoncé que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell se rendraient «cette semaine» à Kiev pour y rencontrer M. Zelensky.
Toujours sur le plan diplomatique, après la France et l’Allemagne lundi, l’Italie, le Danemark, la Suède et l’Espagne ont à leur tour expulsé mardi des dizaines de diplomates russes, marquant une nouvelle dégradation des relations avec Moscou après la découverte de massacres imputés aux forces russes. En réaction, le Kremlin a dénoncé le «manque de clairvoyance» européenne.
Au total, ce sont près de 150 diplomates russes dont des pays européens ont annoncé le renvoi en 48 heures.
4,2 millions de réfugiés»
À Genève, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé la libération, dans la nuit, d’une de ses équipes détenue depuis lundi par la police dans une zone contrôlée par les troupes russes près de Marioupol, ville du sud-est de l’Ukraine assiégée depuis plusieurs semaines.
L’équipe «se concentre désormais sur la poursuite des opérations d’évacuation humanitaire», a précisé le CICR, pour qui cet incident «montre la volatilité et la complexité» de cette opération.
Sept couloirs humanitaires sont prévus mardi pour continuer d’évacuer tant bien que mal les civils encore bloqués dans la ville, a indiqué Iryna Verechtchouk, vice-premier ministre d’Ukraine.
Selon le dernier décompte du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU, plus de 4,24 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de l’invasion russe, le 24 février.
L’Europe n’a pas connu un tel flot de réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale, et quelque 90% de ceux-ci sont des femmes et des enfants, les autorités ukrainiennes n’autorisant pas le départ des hommes en âge de porter les armes.
En France, le parquet national antiterroriste (Pnat) a annoncé mardi avoir ouvert trois nouvelles enquêtes pour «crimes de guerre», pour des faits commis au préjudice de ressortissants français en Ukraine depuis le début de l’invasion russe.