Ruinée de 800 000 $ par des fraudeurs jusqu'à la mort: le système n'a rien pu faire pour aider sa mère

Nous sommes plus que jamais ciblés par des arnaques de tous genres. Souvent banalisés ou jugés sans violence, ces crimes causent pourtant des ravages insoupçonnés et ont poussé plusieurs Québécois au suicide, révèle une enquête du Journal.

GRANBY | Une femme déplore l’inaction des gouvernements et des institutions financières depuis le suicide de sa mère, qui s’est ruinée et est même allée jusqu’à vendre sa maison pour envoyer de l’argent, parfois jusqu’à 5000$ par jour, à un fraudeur se faisant passer pour son amoureux.

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«J’ai voulu prendre le contrôle de ses finances, mais on me l’a refusé parce qu’on me disait qu’elle envoyait de l’argent de façon volontaire, que sa santé n’était pas en danger. Le système m’a complètement empêchée de la sauver», déplore Sophie Lacroix, dont la mère s’est enlevé la vie en mars dernier.

Au moment de son décès, Sylvie Côté était sans le sou, elle qui aurait viré près de 800 000$ à un ou des fraudeurs en trois ans.

La femme de 70 ans s’était ruinée à envoyer de l’argent à un homme qu’elle n’avait jamais vu, mais dont elle était éperdument amoureuse.

Elle avait rencontré son Richard sur un site de rencontre. L’homme prétendument originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu était alors en voyage.

«Il est venu lui dire tout ce qu’elle voulait entendre. J’étais enceinte et aux études, je n’avais pas le temps de surveiller ça, il a eu le temps de s’incruster», lance M^me Lacroix.

Premier drapeau rouge

Elle a vu un premier drapeau rouge lorsque sa mère l’a appelée en panique pour lui demander comment faire pour acheter un billet d’avion du Brésil vers Montréal.

«J’étais en stage, elle avait besoin de ça là, maintenant, elle ne voulait pas attendre au soir», se souvient-elle.

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M^me Lacroix est donc rapidement allée voir sa mère, pour comprendre.

«J’ai réussi à la convaincre de ne pas le faire. Mais le lendemain, il disait s’être fait attaquer», ajoute M^me Lacroix.

Ensuite, son fraudeur a élaboré de nombreux scénarios abracadabrants et qui s’appuyaient sur le sentiment d’urgence pour l’inciter à envoyer de l’argent (voir encadré).

Si Sophie Lacroix a rapidement flairé l’arnaque, sa mère, elle, a mordu à l’hameçon et y est vraisemblablement restée accrochée jusqu’à sa mort.

«Combien de fois j’ai signalé le profil [de Richard] à Facebook? Jamais il n’a été bloqué. Il n’y a rien pour empêcher ces fraudes. Je ne comprends pas que les gouvernements laissent autant de latitude à ces fraudeurs», déplore la femme.

M^me Côté continuait à vider son compte en banque, envoyant vers la fin jusqu’à 5000$ par jour.

«Au moins, lui, il me comprend», répondait M^me Côté à sa fille dès qu’elle tentait de la raisonner.

La toile tissée autour de la victime s’agrandissait. Elle a subi un véritable «lavage de cerveau», décrit sa fille.

Limiter les dégâts

Ruinée, M^me Côté a été contrainte de vendre sa maison.

Son institution financière tentait de limiter les dégâts en restreignant ses transactions, gardait contact avec elle, mais tardait à fermer son compte. La femme a fini par s’ouvrir un compte dans une autre banque.

Elle a refusé l’aide d’une conseillère financière, d’une travailleuse sociale et même de la police (voir autre texte).

«Ma mère disait: “Je n’ai pas besoin de leur aide, j’ai juste besoin d’aide pour ouvrir un compte de cryptomonnaie”», relate Mme Lacroix.

Au total, c’est près de 800 000$ que sa mère aurait virés aux fraudeurs en trois ans.

Selon elle, sa mère comprenait dans quoi elle s’était embarquée, mais refusait d’y croire.

«Au fond d’elle, elle voulait tellement que ce soit vrai», laisse-t-elle tomber.

Sa fille se désole du gouffre dans lequel sa mère est tombée, elle qui s’était séparée justement pour vivre de nouvelles expériences.

Quelques-uns des stratagèmes utilisés pour inciter Sylvie Côté à envoyer de l’argent

• Son amoureux, Richard, était hospitalisé en Amérique du Sud
• Il s’était fait voler son portefeuille
• Il avait besoin d’argent pour acheter un billet d’avion
• Il s’est fait tabasser et a besoin d’argent pour ses soins
• Il a laissé miroiter une grosse somme d’argent qui lui sera remise pour rembourser
• On lui a fait croire que Richard, son amoureux, était mort
• On lui a promis 30 000$ d’héritage
• On lui demandait d’acheter des cartes-cadeaux utilisables partout dans le monde, une pratique qui n’attire pas l’attention des autorités.
• Richard n’est plus mort: il avait feint son décès pour éviter du trouble
• Il a été arrêté puis emprisonné en Malaisie
• Elle devait verser 5000$ par jour en Bitcoins pour le sortir de prison
• Si elle ne payait pas, il y avait des intérêts de 1500$

Fraudés à mort

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