Voici pourquoi tout le monde est malade au Québec en ce moment (et comment éviter de l’être)
Anne-Sophie Poiré
Avez-vous l’impression que tout le monde est malade dans votre entourage? Vous ne rêvez pas, la saison des infections respiratoires est particulièrement féroce cette année alors que la COVID-19 — beaucoup plus contagieuse — s’ajoute désormais au cocktail de virus qui circulent tous les hivers.
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Le taux d’occupation des urgences ne montre aucun signe de répit depuis la mi-décembre, et demeure bien au-delà de 100% dans presque toutes les régions du Québec. Il atteignait 130% mardi.
Les consultations pour la toux et la fièvre demeurent très élevées dans les hôpitaux. Et à l'échelle nationale, l'activité grippale continue d'augmenter, selon le gouvernement canadien.
Au Québec, le pourcentage de tests positifs pour l'influenza était de 18% dans les laboratoires hospitaliers, indiquent les dernières données de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Une augmentation de la propagation des virus respiratoires est également à prévoir pour les prochaines semaines, ont annoncé en point de presse mercredi dernier le ministre de la Santé Christian Dubé et le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau.
«C’était difficile dans les dernières semaines, et ça va continuer d’être difficile», a prévenu M. Dubé à propos de la situation dans les urgences, notamment dans la grande région de Montréal.
L'activité grippale demeure malgré tout dans les limites des niveaux prévus pour cette période de l'année.
«En ce moment, ça se compare aux années qui précédaient la pandémie. On est dans la moyenne attendue pour l’influenza et le virus respiratoire syncytial (VRS)», résume l’épidémiologiste et candidat au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal, Kevin L’Espérance.
La hausse des cas de virus respiratoires n'est donc pas atypique après la nouvelle année.
Qu’est-ce qui explique alors que les urgences débordent et que tout le monde tousse?
La COVID joue les trouble-fêtes
«Le SARS-CoV-2 — le virus responsable de la COVID-19 — est celui qui joue le plus les trouble-fêtes. On a quand même plus de 1000 nouvelles hospitalisations dues à la COVID», signale le professeur au département des sciences biologiques de l'UQAM et spécialiste en virologie, Benoit Barbeau.
«L’analyse des eaux usées démontre également que le virus se transmet dans la population, en plus de ce qu’on voit dans les urgences», poursuit l’expert.
Le pourcentage de tests positifs pour la COVID-19 en laboratoire était de 16% la semaine dernière, rapporte l’INSPQ.
Le SARS-CoV-2 se greffe ainsi à la liste des virus respiratoires qui se propagent normalement pendant la saison du rhume et de la grippe.
«En plus de toutes les infections qui amenaient les personnes vulnérables à être vues à l’urgence ou hospitalisées, on rajoute là-dessus la COVID-19, qui est énormément plus contagieuse que les autres, ce qu’on n’avait pas avant», précise la Dre Caroline Quach-Thanh, microbiologiste-infectiologue et pédiatre au CHU Sainte-Justine.
Avant les Fêtes, le SARS-CoV-2 était la cause «de 45% des hospitalisations pour infections respiratoires chez les adultes», souligne-t-elle.
En pédiatrie, il n’a été responsable que d’un maximum de 10% des admissions. Le VRS, en revanche, constituait près de 40% des hospitalisations pour infections respiratoires.
«Avec les mesures de prévention qui ont été mises en place durant la pandémie, [beaucoup d’enfants] n’ont pas été exposés aux différents virus respiratoires qui circulent d’habitude tous les automnes et hivers. Notre système immunitaire a besoin d’être exposé aux virus pour pouvoir maintenir une protection. On a donc pris du retard et on voit depuis l’an dernier ce rattrapage», explique la Dre Quach-Thanh.
«Les données d’autrefois rapportaient quand même huit ou neuf infections virales respiratoires par an chez les enfants, concentrés dans les mois d’hiver», ajoute-t-elle.
À ces virus s’ajoute cette année une hausse des cas de Mycoplasma pneumoniae, une bactérie qui cause également des symptômes grippaux.
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Fatigue vaccinale
Les experts consultés par 24 heures pointent également le faible taux de vaccination cette année, malgré la multiplication des cas d'infections respiratoires. Seuls 17% des Québécois se sont fait vacciner contre la COVID-19 depuis le début de la campagne, le 10 octobre.
«On constate dans les derniers temps une sorte de fatigue vaccinale, autant contre la COVID que l’influenza», rappelle l’épidémiologiste Kevin L’Espérance.
En conférence de presse le 19 décembre, le Dr Boileau avait tenté de convaincre la population de recevoir une nouvelle dose contre la COVID-19.
La Direction nationale de la santé publique a réitéré son message mercredi après-midi, pour l’influenza cette fois.
«Comme citoyens, vous pouvez limiter la pression sur nos urgences, affirme Christian Dubé. Il y a un dernier effort à faire pour la vaccination.»
«La vaccination aide beaucoup, surtout les populations les plus vulnérables, fait valoir quant à lui le virologue Benoit Barbeau. Les gens ont délaissé les mesures sanitaires, ils sont moins frileux, plus confiants. Si on a un engouement moins élevé pour la vaccination que les années antérieures, c’est certain que ça joue au niveau des hospitalisations.»
Que peut-on faire pour éviter les virus (et si on est malade)?
«Pour les chanceux qui n’ont pas encore été infectés, souligne le professeur Barbeau, il vaut mieux se laver les mains fréquemment et maximiser les activités extérieures qui diminuent la transmission des virus par aérosol.»
Caroline Quach-Thanh ajoute que le port du masque est vivement recommandé dans les milieux fermés et mal ventilés, comme les transports en commun.
Et pour aider les milieux hospitaliers qui ont de la difficulté à gérer le flux d’infections, Kevin L’Espérance rappelle que les vaccins contre l’influenza et la COVID-19 demeurent des outils concrets et efficaces pour se protéger.
«On doit se rappeler les bonnes mesures qu’on avait mises en place pendant la pandémie. Si ces consignes agissent pour lutter contre la COVID, elles agissent aussi pour tous les autres virus», dit-il.
Et aussitôt que l’on a des symptômes comme de la toux et des écoulements nasaux, la norme devrait être de porter un masque. «Mais pas celui qui traîne dans nos poches depuis des mois, lance M. Barbeau. On en prend un neuf. C’est simplement responsable.»
«Le début de l’hiver est toujours un moment propice à la transmission des virus. Intégrer ces comportements au moment plus à risque pourrait simplement aider à revenir à un niveau d’infection prépandémique», explique-t-il.
Et si on ne se sent pas bien et qu’on fait de la fièvre?
«On reste tranquille et on limite nos contacts dans des milieux fermés et achalandés, résume la Dre Quach-Than. On évite également d’aller rendre visite aux personnes vulnérables comme les personnes âgées, les nourrissons, les femmes enceintes et les personnes avec des maladies chroniques ou immunodéprimées.»