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Voici pourquoi le Québec devrait imiter la Californie et créer un Mois de l'histoire transgenre

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2023-09-13T09:30:00Z
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Est-ce que le Québec devrait imiter la Californie et établir un Mois de l’histoire transgenre? Des militantes, expertes et membres de la communauté estiment que la province devrait emboîter le pas à l’État américain, notamment dans un contexte de montée du discours anti-trans des deux côtés de la frontière canado-américaine.

La Californie est entrée dans l'histoire le 6 septembre dernier en désignant le mois d'août comme celui de l'histoire transgenre, une première aux États-Unis et probablement sur la planète, croit la fondatrice et directrice générale du collectif Juritrans, Celeste Trianon. 

Celeste Trianon
Celeste Trianon Photo Courtoisie

Son organisme, fondé en décembre dernier, est l’un des rares au Québec à offrir de l’accompagnement légal aux personnes trans

«Il y a trou énorme dans les services adaptés. Beaucoup parmi elles [les personnes trans] ont de la difficulté à utiliser le système de santé ou à se trouver un emploi et un appartement. D’autres sont encore congédiées de manière injustifiée après avoir fait leur coming out en milieu de travail», déplore la militante de 19 ans. 

Des projets de loi anti-trans

La militante Aurélie Chouinard, 30 ans, croit elle aussi qu’il serait opportun de créer un Mois de l’histoire trans dans la province, au moment où la question de l’identité de genre a fait surface hier à la reprise des travaux parlementaires à Québec. 

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Aurélie Chouinard
Aurélie Chouinard Photo Courtoisie

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, refuse de voir apparaître des toilettes mixtes dans les écoles, tandis que le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, a associé l’arrivée de ces toilettes à la montée d’idéologies «en provenance de la gauche radicale». 

PSPP estime que ces questions qui «s’imposent dans les écoles» — incluant les pronoms neutres et les nouvelles théories d’écriture inclusive — devraient faire l’objet d’une en commission parlementaire. 

«Le Québec est un endroit sécuritaire. Je me sens souvent à l’aise de m’afficher en tant que femme trans lesbienne sans que ça cause trop d’accroches. Mais je n’ai pas confiance que sans lutte et militantisme, ces acquis vont rester avec le climat politique et social actuel. Il pourrait y avoir un recul», s’inquiète Aurélie Chouinard. 

«Et ça peut se passer extrêmement vite», prévient l’étudiante en histoire à l’Université Laval. 

Pas moins de 567 projets de loi anti-transgenres ont été soumis aux États-Unis depuis le début de l’année, contre 174 en 2022, selon le site Trans Legislation Tracker. Plus de 80 d’entre eux ont déjà été adoptés dans 23 États, dont 20 contrôlés par les républicains. 

Ils visent principalement à restreindre l’accès des personnes trans aux toilettes publiques, vestiaires et équipes sportives, ainsi qu’aux soins d’affirmation de genre. 

«Les États-Unis ne sont tellement pas sécuritaires que le gouvernement canadien a émis un avertissement [le 29 août] aux voyageurs LGBTQ+ qui comptent s’y rendre», rappelle Aurélie Chouinard. 

Au pays, le gouvernement fédéral garde à l’œil le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan qui ont récemment voté des politiques exigeant que les élèves de moins de 16 ans obtiennent le consentement de leurs parents pour utiliser leurs pronoms et prénoms de choix à l’école. 

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Les personnes trans dans l’œil du public

«D’un point de vue politique, on ne voit pas autant de répressions ici qu’aux États-Unis. Mais d’un point de vue social, on assiste à la montée d’un mouvement régressif d'extrême droite visant à réprimer les droits des personnes trans», affirme Celeste Trianon. 

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«C’est incroyable comme ça a redoublé d’ampleur en 2023», lance-t-elle. 

«Les groupes conservateurs cherchent à faire reculer les droits acquis des personnes trans et à les marginaliser», souligne pour sa part Aurélie Chouinard. «Ils utilisent les mêmes arguments qu’avec le mouvement de libération homosexuel dans les années 1970 et 1980.» 

Ils parlent de «contagion» LGBTQ+, ils accusent les personnes transgenres de vouloir recruter les enfants pour les convertir à leur «idéologie», ils tentent de définir la notion de «femme», s'attaquent aux drag-queens et proposent des projets de loi ciblant les moins de 18 ans, notent plusieurs experts sur la question.

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Samedi dernier, devant le musée de la Civilisation de Québec, plusieurs militants anti-trans ont même parlé de «dépopulation», une théorie du complot prétendant que la «propagande LGBTQ+» veut stériliser la population pour faire moins d’enfants. 

De plus en plus d’alliés

Le rassemblement du week-end dernier à Québec, organisé par le complotiste François Amalega, ciblait l’exposition Unique en son genre, qui explore le concept de diversité de genre. 

La cinquantaine de personnes présentes se sont toutefois butées au double de militants LGBTQ+. 

«Il y a une croissance de l’intérêt envers les personnes trans, commente Aurélie Chouinard. On est plus à l’aise de faire notre coming out, on est plus dans l’œil du public, à la télé notamment, on a plus d’alliés.» 

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Des militants de la communauté LGBTQ+ se sont mobilisés face à la manifestation anti-trans organisée par François Amalega.
Des militants de la communauté LGBTQ+ se sont mobilisés face à la manifestation anti-trans organisée par François Amalega. Nicolas St-Pierre

Les alliés à la communauté trans ont d'ailleurs fait la différence à l’automne 2022, selon la militante. Après le dépôt du projet de loi 2, le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a reculé et éliminé l'obligation pour une personne trans de subir une chirurgie pour pouvoir changer de sexe sur son acte de naissance — ce qui n’est plus nécessaire depuis 2015 au Canada. 

«Les alliés se sont impliqués et le gouvernement a reculé», applaudit-elle. 

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Une histoire peu connue

«J’espère que le Mois de l’histoire transgenre s’en vient aussi ailleurs dans le monde. C’est bien de célébrer les activistes américains, mais il faut aussi reconnaître l’histoire trans d’ici qui est encore peu connue et étudiée», Celeste Trianon. 

Elle cite le travail de la sociologue de l’Université Concordia, Viviane Namaste — dont les recherches portent sur le VIH/sida, le travail du sexe et la représentation culturelle des personnes transgenres — et la fondation de l’organisme Aide aux Trans Québec, en 1980. 

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En 1973, le Centre Métropolitain de Chirurgie (CMC) ouvre à Montréal en tant que clinique privée. Il est le premier à offrir des chirurgies génitales d’affirmation de genre au Canada, et le seul à effectuer des vaginoplasties durant 45 ans, apprend-on sur l’Encyclopédie canadienne. Les transitions médicales étaient alors strictement contrôlées par les psychiatres. 

Au Québec, le ministère de la Santé offre un programme de chirurgie d’affirmation de genre depuis juin 2009. Les personnes trans devaient auparavant se faire opérer à l’extérieur de la province. 

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