Voici pourquoi la FTQ-Construction a largué Bernard «Rambo» Gauthier
Le syndicaliste reproche à la FTQ-Construction de négliger les travailleurs de la Côte-Nord
Jean-Louis Fortin et Sarah-Maude Lefebvre
C’est parce qu’il réglait publiquement ses comptes avec la FTQ-Construction que le controversé leader syndical Bernard «Rambo» Gauthier a été expulsé mardi de l’organisation.
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Selon les informations obtenues par notre Bureau d’enquête, la dispute porte notamment sur des enjeux de santé et de sécurité sur les chantiers de la Côte-Nord.
Lors d’une réunion extraordinaire en téléconférence mardi matin, les membres du conseil de direction de la FTQ-Construction ont convoqué «Rambo» pour lui annoncer qu’ils lui retiraient sa carte de représentant pour la Côte-Nord du local 791 des opérateurs de machinerie lourde.
Sur la ligne, «Rambo» en avait gros sur le cœur. Il a affirmé ne pas recevoir de soutien des dirigeants de la centrale syndicale lorsqu’il les contacte pour défendre ses travailleurs qui œuvrent notamment sur des chantiers d’Hydro-Québec.
«Des vies humaines sont en danger, et personne me répond, ostie. [...] En avez-vous enterré beaucoup, des travailleurs, vous autres? Moi, j’en ai enterré quatre à La Romaine», a-t-il lancé aux membres du conseil de direction pendant cette réunion.
«La FTQ est complètement déconnectée avec le travailleur icitte. On est complètement oubliés. On est à l’autre bout du monde, pis pas un ostie de son, pas d’image», a-t-il ajouté.
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Averti plusieurs fois
Selon nos sources, la FTQ-Construction a notamment pris sa décision après avoir pris connaissance de publications récentes de «Rambo» sur les réseaux sociaux et après avoir reçu des plaintes à son sujet.
«La FTQ-Construction ne peut tolérer plus longtemps cette situation démontrant un manque de professionnalisme, de respect, de discernement et de loyauté envers elle, ses officiers, ses affiliés et les travailleurs et les travailleuses de la construction», peut-on lire dans une note interne envoyée aux directions syndicales, dont nous avons obtenu copie.
La FTQ-Construction n’a pas voulu nous accorder d’entrevue, mais nous a fait parvenir une brève déclaration, dans laquelle elle indique avoir servi «de nombreux avertissements » à «Rambo».
Maintenant privé de sa carte de représentant, Bernard Gauthier ne peut plus agir sur les chantiers au nom de la FTQ-Construction. Mais dans une vidéo publiée sur sa page Facebook en après-midi mardi, il a promis de continuer à s’impliquer pour la défense des travailleurs.
«J’ai froissé du monde apparemment. On va vous revenir pour la suite. [...] Je vais continuer de m’occuper de mon monde. Quand même bien que je le ferais à distance. J’ai ces familles-là à cœur. Ça fait 22 ans que je fais ça. Ça ne s’arrêtera pas comme ça», a-t-il lancé dans la vidéo.
Méthodes musclées
Bernard Gauthier est devenu fortement médiatisé au tournant des années 2010, alors que ses méthodes musclées pour faire valoir les droits des travailleurs de sa région ont défrayé la chronique.
En 2014, il avait témoigné à la Commission Charbonneau, où il avait été questionné à propos de l’intimidation sur les chantiers de construction de la Côte-Nord. Son témoignage coloré, qui dénonçait notamment les règles de la mobilité de la main-d’œuvre dans la province, lui avait valu l’appui de plusieurs travailleurs.
«Dire à quelqu’un que c’est un plein de marde quand c’en est un, ça me fait du bien. Ça m’enlève le goût d’y allonger ma main sur la gueule», avait-il notamment déclaré pendant son témoignage.
À la même époque, il avait également été reconnu coupable d’intimidation sur un entrepreneur en construction.
Depuis, le syndicaliste s’est retrouvé sous les feux des projecteurs à plusieurs reprises, notamment à l’occasion d’un bref passage en politique en 2016 à la tête du défunt parti Citoyens au pouvoir. Il avait aussi côtoyé le groupe de droite identitaire La Meute en 2017, avant de s’en dissocier.
Plus récemment, pendant la pandémie de COVID-19, il avait pris publiquement position contre les mesures sanitaires décrétées par le gouvernement Legault.
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