Voici pourquoi il n’y a pas de chefs d’État à la COP15 à Montréal


Andrea Lubeck
Ne cherchez pas Joe Biden, Emmanuel Macron ou Xi Jinping à la COP15; les seuls chefs d’État présents sont Justin Trudeau et François Legault. Mais le fait que les dirigeants brillent par leur absence ne signifie pas nécessairement un échec de la conférence internationale, disent des experts.
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Historiquement, ce sont les ministres et les hauts fonctionnaires des 196 pays signataires de la Convention sur la diversité biologique de l’ONU qui participent à la COP sur la biodiversité. Ils seront près de 20 000 délégués à se rassembler au Palais des congrès de Montréal jusqu’au 19 décembre.
Et bien que la présente édition revête une importance capitale en raison de la gravité de la situation, la COP15 n’est pas différente des autres sommets sur la biodiversité en ce qui concerne la présence et la participation des chefs d’État.

Ces derniers ne sont pas ceux qui négocient la formulation des objectifs qui résultent des conférences internationales, qu’il s’agisse du sommet sur le climat – beaucoup plus couru des personnalités politiques – ou de celui sur la biodiversité, explique Alexandre Lillo, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM.
«Il y a des groupes de fonctionnaires dont [les négociations] sont le pain quotidien. Ils arrivent sur place avec un mandat établi en amont par la chaîne de hiérarchie décisionnelle pour négocier le contenu des ententes internationales», précise-t-il.
Grosse empreinte pour une courte présence
Par ailleurs, même lorsqu’ils font le pèlerinage pour les COP sur le climat, ils n’y sont que 24 à 48 heures, rappelle celui qui se spécialise notamment dans les négociations internationales.
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Selon lui, la présence des chefs d’État n’est donc que symbolique. «Leur présence ou leur absence ne change rien. On peut même se demander s’il est nécessaire qu’ils soient là. Est-ce qu’on veut vraiment que le premier ministre australien se rende de l’autre côté du monde et qu’il ait une empreinte écologique importante pour faire une allocution de 10 minutes?», questionne le professeur Lillo.
Reconnaître la gravité de la crise
Or, le fait que la COP15 se déroule à Montréal, plutôt qu’en Chine comme prévu, aurait tout de même été une occasion en or pour faire venir les dirigeants de partout dans le monde, affirme Anne-Céline Guyon, chargée de projet climat chez Nature Québec.
«Ce sera la COP qui va accueillir le plus grand nombre de délégués depuis qu’elle existe parce que ça se passe dans la métropole, souligne-t-elle. Ç’a aurait été une occasion incroyable de mettre les COP sur la biodiversité de l’avant versus les COP sur le climat.»
La présence des dirigeants aurait envoyé le message qu’ils prennent la crise de la biodiversité au sérieux, poursuit Anne-Céline Guyon. «On a toujours considéré que les COP sur la biodiversité sont le parent pauvre comparativement aux COP sur le climat justement parce que les chefs d’État n’y participent pas.»
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Elle s’attendait à ce que le Canada adopte une position de «leader» en invitant les dirigeants, puisque la Chine ne l’a pas fait. Même si une dizaine se sont dit prêts à se déplacer jusqu’ici, on ne les croisera pas dans les couloirs du Palais des congrès.
Anne-Céline Guyon reconnaît néanmoins que la participation des chefs d’État ne garantit pas des résultats positifs. «Parfois, le fait qu’ils ne soient pas là peut même aider les négociations à aboutir», blague-t-elle.
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Pour An Lambrechts, stratège principale de la campagne sur la biodiversité de Greenpeace International, l’ampleur des décisions qui seront prises – on parle de l’équivalent d’un Accord de Paris, mais pour la biodiversité – aurait tout de même mérité que les chefs d’État s’y consacrent. «C’est pour ça qu’on a formulé cette demande.»
Mais le plus important au terme de toute cette COP, c’est que l’entente qui sera ratifiée soit ambitieuse. «Si c’est le ministre ou le chef d’État qui signe l’entente, à la fin, ce n’est pas la chose la plus importante. Mais le niveau de pression politique qu’on aurait aimé voir aurait été plus fort s’il provenait des chefs d’État.»