Voici pourquoi il faut aller voter... même si la CAQ va (probablement) gagner
Gabriel Ouimet
Tous les sondages le disent: la CAQ devrait former un gouvernement majoritaire ce soir. Mais peu importe le parti que vous appuyez, il ne faudrait pas croire que votre vote ne servira à rien. En allant voter, vous pouvez aussi contribuer à façonner l’opposition qui sera chargée de talonner le gouvernement pour les quatre prochaines années.
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À quoi ça sert, l'opposition ?
«On ne vote pas seulement pour gagner son élection, mais pour exprimer le désir populaire et pour prendre position», lance d’emblée le politologue et directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, Daniel Béland.
«L’opposition est importante, parce qu’elle permet de questionner le gouvernement, de la remettre en question et de s’y opposer. Si tous les gens qui pensent qu’ils vont perdre l’élection ne votent pas, on va se ramasser dans une situation où le parti au pouvoir va devenir hégémonique, ce qui serait déplorable pour la démocratie», poursuit-il.
Dans les derniers mois, ce sont justement les partis d’opposition – Québec solidaire en tête – qui ont exhorté le gouvernement à imposer de nouvelles normes d’émission d’arsenic à la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda.
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L’entreprise disposait d’une dérogation gouvernementale qui lui permettait de polluer au-delà des normes jugées sécuritaires dans la province, augmentant les risques de certains cancers et autres maladies pour les citoyens de Rouyn-Noranda.
Même si François Legault a plusieurs fois minimisé la situation, la pression exercée sur son gouvernement par les partis d’opposition l’a forcé à bouger et à s’expliquer.
«On a beau penser que les grandes entreprises changent le monde, mais il y a des changements qui se font dans les Parlements», souligne le professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Daniel Turp.
«D’où l’importance de donner son vote au parti qui nous représente le mieux», ajoute celui qui a aussi été député du Parti Québécois dans Mercier.
Des votes qui rapportent gros
Même si un parti a peu de chance de gagner les élections ou même de faire élire un député dans votre circonscription, ça ne veut pas dire qu’il n’a pas besoin de votre vote. Bien au contraire.
Le nombre de voix obtenues par un parti influence le financement qu’il recevra de l’État, son temps de parole à l’Assemblée nationale et sa visibilité, explique M. Béland.
Selon les règles de l’Assemblée nationale, un parti doit d'ailleurs faire élire au moins 12 députés ou obtenir 20% au suffrage universel pour être reconnu comme un groupe parlementaire officiel.
Or, à l’heure actuelle, seuls la CAQ (92 sièges et 38% du vote) et le PLQ (20 sièges et 16% du vote) répondraient à ces critères, selon les projections de Qc125. Selon ces mêmes projections, QS (15% du vote, dix sièges), le PQ (14% du vote, trois sièges), et le PCQ (15%, aucun siège) ne seraient ne pas officiellement reconnus.
Et qu’arriverait-il si le PLQ dégringolait et qu’aucun parti ne se qualifiait officiellement? Est-ce que la CAQ pourrait gouverner sans opposition pendant quatre ans?
«Théoriquement oui, mais ça n’arrivera pas», affirme Daniel Béland.
«Ces règles ne sont pas coulées dans le béton. Il peut y avoir un consensus à l’Assemblée nationale pour donner un statut officiel aux partis qui n’obtiendraient pas les chiffres pour être reconnus comme un groupe parlementaire officiel», souligne celui qui est aussi professeur en science politique à l’Université McGill.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé en 2018: le PQ et QS avaient obtenu respectivement 17% et 16% et s’étaient entendus avec le gouvernement de François Legault et les libéraux, ce qui leur avait permis d'être reconnus au Salon bleu.
Une première au Québec
C’est la première fois dans l’histoire récente que quatre partis se retrouvent au coude-à-coude dans la course à l’opposition officielle au Québec. Cette division du vote s’expliquerait par la plus grande diversité des idées qui façonnent la scène politique depuis quelques années, analyse Daniel Turp.
«Pendant longtemps, le débat était assez clair au Québec: les souverainistes d’un côté, et les fédéralistes de l’autre. Maintenant, les positions idéologiques sont plus accentuées et plus diversifiées. La droite, la gauche et le centre sont représentés sur l’échiquier politique et les positions des partis se chevauchent sur certains enjeux», explique-t-il.