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Environnement

Le réchauffement climatique dérègle l'hibernation des animaux et c'est inquiétant

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2023-02-10T11:30:00Z
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Les hivers de plus en plus doux font la vie dure aux animaux pour qui l’hibernation est une question de survie. Leur cycle de sommeil profond déréglé par le réchauffement climatique pourrait avoir des conséquences jusque dans le milieu agricole.

Le manque de nourriture oblige certains animaux à se mettre en mode veille pendant la saison froide. Plutôt que de migrer vers le Sud, ils se sont adaptés en hibernant. 

La marmotte, la grenouille et la chauve-souris, par exemple, se placent dans un état de léthargie de l’automne jusqu’au printemps: la température de leur corps et leur rythme cardiaque diminuent pour économiser un maximum d’énergie. On parle aussi d’hypothermie régulée. 

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• À lire aussi: La marmotte Fred est morte avant de voir (ou pas) son ombre

Pour ces espèces, l’hibernation est essentielle. 

«Les changements climatiques sont plus rapides que la capacité d’adaptation des animaux. On l’avait prédit, on s’y attendait, mais on est réellement en train d’observer une perte de synchronisation entre les animaux, le climat nécessaire à l’hibernation et la disponibilité en nourriture», signale l’agent de recherche en écologie à Espace pour la vie Jean-Philippe Gagnon. 

Il explique que si la température n’est pas suffisamment basse pour que l’animal tombe en léthargie, ses réveils seront plus fréquents, ce qui l’amènera à dépenser rapidement ses stocks de graisses emmagasinées pour survivre à l’hiver. 

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À la fin du cycle, il n’aura plus de réserves. L’animal sortira de son hibernation avec un besoin urgent de se nourrir. 

«Mais si le printemps arrive trop tôt, il ne trouvera peut-être pas toute la nourriture dont il a besoin. Même chose si l’automne arrive trop tard. Les [huit espèces de] chauves-souris québécoises sont insectivores, mais au mois de mars, les insectes se font rares», illustre l’écologiste. 

PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI

Quelles sont les conséquences sur la biodiversité?

Le réchauffement climatique pose un risque réel à la survie des animaux hibernant, prévient Jean-Philippe Gagnon. «Les conséquences de la perte d’une espèce sont très difficiles à évaluer, précise-t-il, mais il y a nécessairement un impact sur l’humain.» 

Il cite l’exemple des chauves-souris qui connaissent un déclin de population «incroyablement rapide», selon Environnement Canada. 

Trois genres se retrouvent d’ailleurs sur la liste des espèces en voie de disparition au Canada depuis 2014 et sur la liste des espèces menacées au Québec depuis décembre 2022. Certaines espèces, dont la petite chauve-souris brune, ont connu un déclin supérieur à 90%. 

Elles sont notamment affectées par le syndrome du museau blanc, causé par un champignon qui se loge sur la membrane des ailes, le museau et les oreilles des chauves-souris. 

Une petite chauve-souris brune infectée par le syndrome du nez blanc.
Une petite chauve-souris brune infectée par le syndrome du nez blanc. AFP

Comme la hausse des températures hivernales, la maladie dérange leur hibernation: elles se réveillent plus souvent et gaspillent une grande quantité d’énergie. Dans la plupart des cas, elles n’y survivront pas. 

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Les chauves-souris du Québec jouent pourtant un rôle clé dans le contrôle des insectes nuisibles aux cultures. Chaque nuit, elles sont capables d’ingérer l’équivalent de leur propre poids en insectes, nous apprend le Guide pratique pour la conservation des chauves-souris en milieu agricole du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). 

Elles permettent ainsi de diminuer la quantité d’insecticides utilisés dans les champs. 

Ce service rendu par les chauves-souris a été évalué à 22,9 milliards $ par année en Amérique du Nord, selon une étude publiée dans la revue Science en 2011. La disparition de plusieurs espèces pourrait ainsi provoquer de lourdes pertes en rendement agricole. 

Bénéfique pour la reproduction des ours

Pendant la saison froide, d’autres animaux, comme l’ours, ne font que réduire leur métabolisme et leurs activités sans toutefois hiberner complètement. On les appelle les «semi-hibernants». 

Les hivers adoucis par les changements climatiques pourraient au contraire être bénéfiques pour la reproduction de ces espèces, selon la coordonnatrice provinciale de la gestion de l’ours noir au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Kathleen Bédard. 

«Dans le cas de l’ours noir, le réchauffement du climat pourrait raccourcir leur période d’hibernation si les conditions météo augmentent la disponibilité de la nourriture. En allongeant sa période d’alimentation, il allonge aussi sa période de reproduction qui arrive tous les deux ans», explique la biologiste. Les petits naissent généralement dans la tanière vers la fin du mois de janvier. 

Les épisodes de pluie qui accompagnent le réchauffement climatique risquent toutefois de perturber leur «semi-hibernation» en inondant leur abri. 

«Si un ours fait sa tanière en milieu périurbain et qu’il doit la quitter rapidement, il pourrait être attiré par des sources de nourriture d’origine humaine ou des odeurs de cuisson aux alentours, comme il ne trouve pas de nourriture en milieu naturel pendant l’hiver», souligne Mme Bédard. 

Les humains ont donc plus de risque de rencontrer un ours noir. 

• À lire aussi: Les attaques d’ours polaires pourraient augmenter à cause du réchauffement climatique

Mais la biologiste se veut rassurante: l’espèce n’a pas un comportement de prédateur. «Les épisodes d’attaque d’ours noir au Québec sont extrêmement rares. On compte seulement six cas de mortalité par l’ours noir dans les 100 dernières années.» 

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